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"Goliath", la guerre contre les pesticides dans le viseur de Frédéric Tellier

Une image du film "Goliath" de Frédéric Tellier avec Emmanuelle Bercot. [Caroline Dubois / SINGLE MAN]
Les invités.es: Emmanuelle Bercot et Frédéric Tellier, "Goliath" / Vertigo / 27 min. / le 3 mars 2022
Pour son troisième film, le réalisateur français Frédéric Tellier s'attaque à un sujet ancré dans la réalité sociale actuelle: la guerre contre les pesticides. Le récit d'un combat de David contre Goliath destiné à éveiller les consciences.

Patrick (Gilles Lellouche) est un "petit" avocat solitaire, mal dans sa vie, qui tente de se sauver par son métier d'avocat spécialiste en droit de l'environnement. France (Emmanuelle Bercot) est professeur de sport le jour, ouvrière la nuit, femme et mère aimante. Elle milite au sein d'un collectif anti-pesticides, en particulier contre un désherbant produit par un géant de l'agrochimie qui a rendu son mari gravement malade. Mathias (Pierre Niney) est un brillant jeune lobbyiste œuvrant pour Phytosanis, puissante entreprise agrochimique.

Ces trois personnes aux chemins différents vont se croiser dans une lutte juridique terriblement inéquitable. Des personnages fictifs pour un sujet bien réel: la lutte des David contre le Goliath qu'est l'industrie agrochimique. Un géant qui donne son titre au film de Frédéric Tellier.

Explorer la capacité de l'Homme à se détruire lui-même

Après "L'Affaire SK1" (2014), qui évoquait la traque dans les années 1990 du tueur en série Guy Georges, et "Sauver ou périr" (2018), un film inspiré de faits réels à propos du combat d'un sapeur-pompier lourdement brûlé dans l'exercice de son métier, Frédéric Tellier poursuit avec "Goliath" son cinéma "vérité".

Le réalisateur explique à la RTS avoir choisi ce sujet à titre personnel d'abord, choqué et en colère devant ce thème "authentique, de citoyen presque". Frédéric Tellier ajoute: "c'est un thème que j'aime explorer, qui me fascine et me terrifie en même temps: la capacité de l'Homme à se détruire lui-même".

Une enquête quasi journalistique

"Goliath" et le fruit d'une recherche longue, laborieuse et quasi journalistique. Cette période "d'acquisition des connaissances" s'est étalée sur plus de cinq ans. Une méthode de travail appréciée par le réalisateur et nécessaire selon lui pour ses films qui portent sur des histoires vraies ou des faits réels.

Une fois les pistes recoupées, le travail d'écriture du scénario proprement dit s'est déroulé sur deux ou trois ans. Un processus très long, mais qui confère à "Goliath" une solidité tant dans son fond théorique que dans les arguments qu'il mobilise, à l'image d'un documentaire.

La fiction plus forte que le documentaire

Cependant, Frédéric Tellier se défend de toute collision avec cette forme cinématographique pour deux raisons: "D'abord parce que je crois que je ne sais pas le faire. La deuxième chose, c'est que je reste malgré tout convaincu que le cinéma offre une fenêtre de tir et de réflexion sur l'émotionnel, sur les personnages… Cela autorise l'observation de l'âme humaine".

Emmanuelle Bercot, qui campe le personnage de France, ajoute: "Je pense que le cinéma a le pouvoir d'éveiller les consciences, en passant par l'émotion que procure un film sur les gens". Pour autant, Frédéric Tellier reste humble et n'attend pas de son film qu'il fasse changer les choses ou inverser des intentions de vote. Pourtant, le Parlement européen a récemment fait part de son intérêt pour organiser une projection de "Goliath" en son sein.

"Le cinéma sert à tout un tas de choses. D'abord à divertir, à offrir du spectacle, c'est très important. Et quand il peut éveiller les consciences, ou même informer, tout en divertissant, c'est le cocktail extraordinaire", conclut Emmanuelle Bercot.

Propos recueillis par Pierre Philippe Cadert et Julie Evard

Adaptation web: Sébastien Blanc

Frédéric Tellier, "Goliath", dans les salles romandes depuis le 9 mars.

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