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"Benni", stupéfiant portrait d'une petite fille en feu

Helena Zengel dans "Benni" le film de Nora Fingscheidt. [DR]
Helena Zengel dans "Benni" le film de Nora Fingscheidt. - [DR]
Premier long métrage de l'Allemande Nora Fingscheidt, "Benni" raconte le parcours d'une gamine de 9 ans qui ne peut s'empêcher d'être violente. La jeune Helena Zengel est à couper le souffle.

"Benni" est un film époustouflant, d'une grande intensité, d'une vitalité hors norme, mais terriblement rude. A l'image de son héroïne, une petite fille de 9 ans, qui cherche l'amour exclusif de sa mère et, qui ne le trouvant pas, reste enfermée dans une agressivité et une violence, envers les autres et elle-même, que rien ne peut juguler.

De maisons en foyers, d'électrochocs en thérapies douces, Benni reste ingérable. Ni sa mère, complètement dépassée, ni son éducateur avec qui elle noue pourtant une relation forte, ni sa bienveillante famille d'accueil ne parviennent à l'apaiser. Benni est ingérable. Sa douceur n'a d'égal que sa rage. Elle est épuisante et pousse tout le monde à bout. En allemand, on dit "Systemsprenger" (planter le système), son titre d'origine.

Il faut dire que le jeu de la petite Helena Zengel est stupéfiant. Elle réussit à rendre attachante cette guerrière, à mettre de la vulnérabilité dans sa colère et de la compassion dans sa violence. Elle réussit même à nous faire complètement flipper - comme dans un film d'horreur - quand elle prend un nourrisson dans ses bras. A tout moment, on sent qu'elle peut basculer. Tout devient inflammable avec elle.

Osmose entre le film et son sujet

Heureusement, le film se retient. Il n'instrumentalise pas son héroïne à des fins émotionnelles, il l'accompagne jusque dans sa mise en scène fusionnelle: énergique jusqu'à sortir du cadre, colorée (subtil nuancier qui épouse les humeurs de son héroïne) et découpée comme son modèle est saccadé.

L'image exprime ce que Benni est incapable de dire avec des mots. Tout se passe comme si le film était l'interprète, le traducteur, le sismographe de ses différents états d'âme. Y compris dans ses sempiternels retours à la case départ.

Helena Zengel dans "Benni" le film de Nora Fingscheidt. [DR]
Helena Zengel dans "Benni" le film de Nora Fingscheidt. [DR]

Hommage au travail des éducateurs

Réalisé après des années de documentation et primé lors de la dernière Berlinale, "Benni" est le premier long métrage de l'Allemande Nora Fingscheidt qui adopte, dès la scène d'ouverture, le point de vue de son héroïne. Ce qui ne l'empêche pas de s'intéresser de très près à tous les autres protagonistes; de rendre hommage au travail colossal effectué par les services sociaux et les éducateurs; de montrer l'impasse dans laquelle se retrouve la mère qui a peur de sa fille et protège ses deux autres enfants; de témoigner de la bienveillance de tous ces bénévoles qui font au mieux mais en vain.

La force de ce premier long métrage tient aussi à la relation qu'il noue avec le spectateur, lequel ne cesse de s'interroger (Que ferais-je à la place de la mère? De l'éducateur? Du médecin?) tout en testant sa résistance face à cette petite fille sauvage et originale qui ne cesse de courir, et qui nous met au défi de l'arrêter. Bouleversant.

Marie-Claude Martin

En raison de l'épidémie de coronavirus, la sortie de ce film est retardée.

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