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Le succès des "losers" des comédies françaises auxquels le public s'identifie

Affiche du film "Le Grand Bain" de Gilles Lellouche. [Trésor films et Chi-Fou-Mi Productions - DR]
Nouveau souffle pour les comédies françaises / La Matinale / 3 min. / le 14 décembre 2018
Les spectateurs se pressent dans les salles pour découvrir les nouveaux films de Gilles Lellouche, Fred Cavayé, Pierre Salvadori ou Kheiron. Des succès étonnants pour des films qui abordent des thématiques sociales assez déprimantes.

La crise de la quarantaine, la perte de repères chez les hommes, la précarité, le racisme ou encore le décrochage scolaire, autant de sujets au coeur des comédies françaises ("Le grand bain", "Le jeu",  "En liberté" ou "Mauvaises herbes") qui cartonnent actuellement au box-office, aussi bien en France qu'en Suisse romande.

Ces comédies sociales mettent en scène des anti-héros totalement dépassés par les exigences de rentabilité et de succès prônées par la société. Et les spectateurs adorent ces personnages de perdants attachants, assez classiques dans l'histoire de la comédie.

"Projeter ses expériences personnelles"

Un genre, qui, pour toucher son public, doit impérativement entrer en résonance avec ce qui se passe dans la société. "La comédie joue beaucoup sur cette idée de collectif", explique Gianni Haver, historien et spécialiste de l'image à l'Université de Lausanne. "Le spectateur se sent participant à ce micro groupe de potes dans lequel il peut projeter ses expériences personnelles."

Pour qu'une comédie fonctionne, il faut que le public s'identifie. Et ça fonctionne au cinéma avec ces figures qui incarnent l'antithèse de la réussite sociale. Comme si, en allant voir ces comédies, le public assouvissait son besoin de résister aux injonctions de performance défendues par les entreprises et les politiques.

Lien social par écran interposé

"Autrefois, on parlait de France d'en bas et de France d'en haut, maintenant c'est un peu la France qui avance et la France qui freine", illustre Guillaume Evin, spécialiste du cinéma, qui voit dans ces comédies à succès une réponse au modèle prôné en France, notamment par le  gouvernement d'Emmanuel Macron.

"Dans ces sociétés ubérisées, où il faut prendre le train en marche, ces comédies sont une forme de lien social par écran interposé. On montre qu'en ces temps compliqués on peut se retrouver dans ces comédies simples, mais qui font mouche!"

Un modèle déjà éprouvé en Grande-Bretagne sous l'ère Margaret Thatcher, avec notamment les Full Monty, Les Virtuoses. Autant de "feel good movies" aux effets rassembleurs avec une formule garante du succès en salle: coller à la réalité et prendre le contre-pied du discours dominant.

Sophie Iselin/lgr

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"La comédie joue beaucoup sur cette idée de collectif, y compris de personnage collectif, le spectateur se sent participant à cette micro-société, ce micro groupe de potes dans lequel il peut projeter ses expériences personnelles qu'il a sûrement vécu de la même manière."


"Autrefois, on parlait de France d'en bas et de France d'en haut,maintenant c'est un peu la France qui avance et la France qui freine. Donc finalement dans ces sociétés un peu ubérisées où il faut prendre le train en marche sous peine d'être disqualifié et pour longtemps, et bien voilà ces comédies c'est une forme de lien social par écran interposé où on montre qu'en ces temps compliqués pour beaucoup de gens où chacun souffre voilà on peut se retrouver dans les comédies qui sont simples mais qui font mouche!"