Retour sur un parcours hors du commun, rythmé par autant de combats militants que de distinctions prestigieuses.
Comme un roman
A la fin du mois d'août, la chanteuse béninoise de 57 ans publie chez Fayard la version française de son autobiographie, "La voix est le miroir de l'âme".
Quiconque l’a vue en concert a forcément senti l’énergie exceptionnelle qui se dégage d’Angélique Kidjo.
On connaissait la chanteuse, son oeuvre riche et engagée, récompensée par un nombre impressionnant de médailles et distinctions de toutes sortes.
On savait son engagement pour des causes humanitaires fortes, l'UNICEF, l’éducation scolaire des filles en Afrique, la lutte contre le racisme sous toute ses formes… Mais ce que nous apprennent ses mémoires, c’est le caractère romanesque de l’incroyable chemin parcouru par Angélique Kidjo, de sa cour familiale à Cotonou jusqu’au Carnegie Hall ou à l’assemblée des Nations Unies.
La famille
Au milieu des célébrités qu'elle cite - de Miriam Makeba à Desmond Tutu, Nelson Mandela ou Barack Obama, en passant par de nombreuses vedettes de la pop ou de la world music - un personnage essentiel traverse le récit de sa vie: Franck Kidjo, le père d’Angélique, son premier maître à penser et, à sa manière, son premier manager dans le Cotonou des années 70.
Soucieux de développer l’ouverture d’esprit de ses dix enfants en même temps que leur culture, il les scolarise tous, filles comme garçons, et fait de sa cour une zone de liberté dans un contexte pourtant tendu: le Bénin vit alors au rythme d’un régime totalitaire de type marxiste-léniniste.
C’est avec son soutien qu’en 1983, la chanteuse polyglotte fuit son pays pour ne pas devenir un objet de propagande.
Les rencontres décisives
Dans les années 80, la capitale des musiques africaines, c’est Paris, carrefour incontournable des musiques du monde.
D’abord choriste, puis chanteuse de jazz, Angélique Kidjo y fait ses premières armes. Elle y rencontre son "modèle" Miriam Makeba, dont elle fera la première partie à l’Olympia. Et son mari, le musicien Jean Hebrail, discret et efficace complice de toujours. Avec lui, elle composera la plus grande partie de son oeuvre.
En 1990, son premier album, "Parakou" la fait remarquer par le producteur Chris Blackwell, le fondateur d'Island Records - la maison de disques de Bob Marley et U2 - qui publiera ses quatre albums suivants. La carrière de la chanteuse décolle véritablement.
1995, retour au Bénin: Angélique et Jean sillonnent le pays à la rencontre de ses traditions musicales et en tirent le matériel des disques à venir. Sur l’album "Fifa", fruit de ce voyage, la guitare de Carlos Santana joue sur un titre dédié à Naïma, leurs fille née en France deux ans plus tôt.
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Sur les routes de l’esclavage, qui sont aussi celles des musiques noires contemporaines, les voyages en aller-retour s’enchaînent alors, du Bénin au Brésil et aux USA, ponctués par autant de productions et de collaborations fécondes: Cassandra Wilson, Brandford Marsalis, Gilberto Gil, Alicia Keys, Peter Gabriel… avec à la clé un premier Grammy Award en 2007, pour "Djin Djin", consacré Best contemporany World Music album.
L’exploit se renouvellera deux fois: en 2015 pour "Eve", un hymne à la femme africaine, puis en 2016 pour "Sings" enregistré avec l’Orchestre Philharmonique du Luxembourg.
Pour que la vie des Africains change vraiment, il faut qu’ils soient eux-mêmes impliqués dans ce changement.
Ambassadrice et féministe
En 2002, Angélique Kidjo accepte de devenir la première femme africaine ambassadrice internationale de bonne volonté de l’UNICEF. Pour elle qui, révoltée par l’histoire de l’esclavage et la découverte de l’apartheid, imaginait enfant devenir un jour avocate de l’ONU, c’est l’occasion de passer à l’action.
Dès son premier voyage à la rencontre des gens et de leurs besoins véritables, en Tanzanie, elle prend conscience qu’on ne peut aider durablement une communauté si celle-ci ne se sent pas impliquée dans le processus.
A partir de là, les activités d’ambassadrice et de musicienne ne cessent de se nourrir mutuellement. En 2006, la chanteuse crée sa propre fondation, Batonga, pour combattre en Afrique la précarité des études des filles et leur permettre de choisir leur destin.
Sans la femme, il n'y a pas l'homme. Sans la femme, il n'y a pas l'humanité.
En juillet 2017, elle s'offre la Cour des Papes d'Avignon pour son spectacle "Femme noire", d'après un poème de Léopold Sédard Senghor, présenté en clôture du 71e Festival d'Avignon. Elle l'interprétait avec le comédien Isaach de Bankolé, le saxophoniste Manu Dibango et le jeune rapeur français MHD.
Sans s’être jamais compromise politiquement, Angélique Kidjo est aujourd’hui unanimement considérée comme une des personnalités les plus influentes de l’Afrique contemporaine. Elle le doit tant à la qualité de son engagement qu’à celle de son oeuvre, si régulièrement distinguée.
L’Académie Charles Gros ne s’y est pas trompée, qui vient de décerner à l’artiste un Grand Prix pour l’ensemble de sa carrière, à l’occasion de la sortie de son livre, "La voix est le miroir de l'âme".
Une femme influente
Je suis trop brutalement honnête pour faire de la politique