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A quoi sert un festival consacré aux femmes?

Jane Campion, présidente du jury du Festival de Cannes en 2014. [AFP PHOTO - Antonin Thuillie]
Jane Campion, présidente du jury du Festival de Cannes en 2014. - [AFP PHOTO - Antonin Thuillie]
La place des femmes dans l'industrie du cinéma suscite de nombreux débats. En particulier dans les festivals, qui leur consacrent tables rondes et autres programmations spéciales. Et si cette volonté n'était qu'une manière de surfer sur un effet de mode?

A force d’énervement et de tapage médiatique, celles et ceux qui s’indignent chaque année de la quasi-absence de films de femmes dans la compétition cannoise ont au moins réussi à porter la question sur la place publique. Et depuis quelques années, les grands festivals de cinéma ne peuvent plus éluder le sujet.

En 2014, Cannes nomme Jane Campion – seule femme à avoir obtenu une Palme d’or – présidente de son jury. En 2015,le festival organise des "talks" sur les femmes dans le cinéma. En Suisse, Locarno lui emboîte le pas. Visions du réel annonce 40% de films de femmes dans sa programmation, tandis que le NIFFF compose un jury 100% féminin.

Une industrie mâle

Parallèlement, des études statistiques sont menées en Suisse et en Europe, qui confirment que le monde du cinéma est bien dominé par des mâles blancs de plus de 50 ans. Les femmes, elles, se partagent un peu moins de 20% des subventions. Et dans les faits, les choses changent peu: il y a toujours moins de femmes dans la fiction que dans le documentaire, moins de femmes dans les longs que dans les courts métrages, moins de femmes dans le cinéma qu’à la télévision.

Alors, à quoi cela sert-il de consacrer la 30e édition du Festival international de films de Fribourg aux femmes? Son directeur artistique Thierry Jobin surfe-t-il sur une mode? "Non, je ne pense pas, ce serait terrible de dire ça, répond-il. Cela voudrait dire que les choses sont faites et qu’il faudrait se taire sur cette question. Or on en est qu’au début."

>> Entretien avec Thierry Jobin sur la place des femmes dans la 30e édition du FIFF :

THIERRY JOBIN_FINAL_OK
Thierry Jobin / Info en vidéos / 2 min. / le 14 mars 2016

Et après?

Le directeur artistique du FIFF compte-t-il poursuivre sur sa lancée féministe et programmer chaque année autant de films de femmes que d'hommes? "Ce serait un beau défi. Je me disais que l'année prochaine, je ferais un FIFF 100% hommes pour voir si c'est moins bien. Ce qui m'intéresserait beaucoup, ce serait de montrer des films sans dire par qui ils ont été réalisés, poursuit-il. Et pourquoi pas faire un concours où le public devinerait le genre du/de la cinéaste (rires)."

Même combat aux Etats-Unis

Aux Etats-Unis, le débat revient chaque année au moment des Oscars, avec la question de la sous-représentation de toutes les minorités politiques. Une seule femme a reçu l’Oscar dans la très prestigieuse catégorie "meilleur réalisateur", Kathryn Bigelow, avec "Démineurs", en 2010. Quant à Halle Berry, elle est toujours la seule Africaine américaine à avoir remporté un Oscar pour son rôle dans "A l'ombre de la haine", de Marc Forster.

Il faut dire que les scénarios hollywoodiens accordent peu de place aux minorités et racontent principalement des histoires d’hommes blancs hétérosexuels, auxquels les personnages féminins servent de faire-valoir.

>> Entretien au FIFF avec Vivian Norris, réalisatrice d’origine texane, qui signait le documentaire "Obama Mama" (2014) :

Vivian Norris
Vivian Norris / RTSculture / 3 min. / le 15 mars 2016

Un entretien filmé dans le cadre de l'exposition "Kathe Burkhart - The Liz Taylor Series" à Fri Art, jusqu'au 8 mai 2016.

Ursula Meier, l'exception suisse

La plus célèbre des cinéastes suisses d'aujourd'hui, mène une carrière internationale avec des films aux budgets conséquents.   En tant que femme, elle ne s'est jamais sentie discriminée.

>> Entretien d'Ursula Meier dans Babylone, alors qu'elle était membre du jury à Fribourg en 2015 :

La réalisatrice Ursula Meier. [Imeh Akpanudosen]Imeh Akpanudosen
Ursula Meier / Babylone / 8 min. / le 11 juin 2015

Le court-métrage d'Ursula Meier "Kacey Mottet Klein, naissance d'un acteur" est nommé aux Prix du cinéma suisse, qui auront lieu le 18 mars.

Raphaële Bouchet/Miruna Coca-Cozma

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