Barbet Schroeder, cinéaste du réel

Grand Format

Kobal / The Picture Desk

Introduction

Un portrait de Raphaële Bouchet et Miruna Coca-Cozma

Une carrière rare

Barbet Schroeder

Des origines multiples

Barbet Schroeder a mené l’une des carrières les plus insolites qui soient. Qui peut se targuer d’avoir été l’assistant de Godard et acteur pour Tim Burton? D’avoir produit les films d’Eric Rohmer et d’avoir signé des polars aux Etats-Unis? D’avoir tourné un documentaire en Ouganda, un film contemplatif en Nouvelle-Guinée ou une fiction au Japon? Son père était suisse, sa mère allemande, il est né en Iran, il grandi en Colombie et devient cinéphile à Paris. Il est sans doute le moins suisse des cinéastes suisses.

La Nouvelle Vague

Jeune cinéphile, il fait de la Cinémathèque sa deuxième maison et des Cahiers du cinéma son QG. Assistant de Godard au début des années 60, il fonde les films du Losange et produit les films d’Eric Rohmer. Il veut bien jouer dans quelques films La Boulangère de Monceau (1963) ou Céline et Julie vont en bateau (1974) - quand on lui demande de rendre service.

Mais il nourrit un autre rêve: faire des films américains.

Barbet à Hollywood

Barbet Schroeder a la bougeotte. Après Ibiza, la Nouvelle-Guinée et la France, il concrétise enfin un rêve: tourner un film sur sol américain.

Il s’intéresse à une jeune éthologue, "Penny" Patterson, qui apprend le langage des signes à Koko, une femelle gorille. Mais l’entreprise est laborieuse. Schroeder et Patterson ne s’entendent pas. La fiction qu’il avait prévue ne pourra se faire. Avec les essais qu’il a tournés, Schroeder monte finalement un documentaire extraordinaire, Koko le gorille qui parle (1978), une sorte d’essai philosophique qui questionne le statut d’être humain.

Barfly (1987), première fiction américaine, avec Mickey Rourke et Faye Dunaway, met, une fois encore, beaucoup d’années à se concrétiser. Schroeder a noué des liens étroits avec l’écrivain Charles Bukowski, à qui il consacre d’ailleurs un portrait fleuve – The Charles Bukowski Tapes (1987). Il le convainc d’écrire un scénario autobiographique, l’histoire d’un écrivain poisseux et alcoolique qui a un coup de foudre pour une bombe aux jambes longues, croisée dans un bar.

Dès Barfly, Barbet Schroeder met en place ce qui restera sa marque de fabrique dans tous ses films «hollywoodiens» : déjouer les codes du film de genre (polar, thriller) pour y imprimer sa patte d’auteur. Ses plus grands succès Le Mystère von Bülow (1990), ses films les plus commerciaux comme JF partagerait appartement (1992) ne sont jamais des produits formatés et lisses, où les gentils gagnent à la fin.

Le happy end est amer, et le «héros», ambigu.

Des films sulfureux

A 30 ans, Barbet Schroeder réalise un premier film, More, qui défraie la chronique. Un film mis en musique par Pink Floyd, qui deviendra culte pour toute une génération.

Deux jeunes hippies toxicomanes viennent s’échouer à Ibiza. Schroeder voulait rendre hommage aux films noirs. Il voulait écrire une tragédie avec une figure vénéneuse de femme fatale, Estelle, interprétée par Mimsy Farmer. Shocking: un nu frontal masculin et une fille qui dit «shit», ça ne se fait pas. La censure s’en mêle, qui considère que Schroeder fait l’apologie des paradis artificiels. Le film a une nationalité luxembourgeoise pour échapper à la censure. Barbet s’en moque et continue d’explorer les transgressions, les passions destructrices, les dépendances.Au sexe dans Maîtresse (1976), à la drogue dans La Vallée (1972) ou à l’alcool dans Barfly (1987).

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Maîtresse (1975), son troisième film, explore sur un ton quasi documentaire les pratiques d’une maîtresse SM interprétée par Bulle Ogier, qui deviendra d’ailleurs l’épouse du cinéaste. Des images qui ne ménagent la sensibilité des spectateurs (difficile d’oublier la scène des testicules cloués sur une planche…), mais ne tombent jamais dans la vulgarité.

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Dans le fond, Barbet Schroeder est sans doute un grand romantique: sous son œil, la tendresse qui unit ses personnages l’emporte toujours sur le sulfureux.

Documentaire du réel

Il n’y a pas, dans le cinéma de Barbet Schroeder, de vraie frontière entre le réel et la fiction. More (1969) ou La Vallée (1972) ont un ancrage fort dans le monde hippie, de l’amour libre et de la drogue. A l’inverse, dans ses documentaires, Barbet Schroeder laisse croire à son personnage qu’il maîtrise le film – car il ne choisit jamais un «sujet» de film, mais bien un personnage.

Le dictateur ougandais Idi Amin Dada, dans Général Idi Amin Dada: Autoportrait (1974) ou Jacques Vergès, dans L’Avocat de la terreur (2007), apparaissent comme de formidables acteurs, qui se mettent en scène eux-mêmes, mais qui, ivres de narcissisme, laissent transparaître leur côté grotesque et mégalomaniaque.

Barbet Schroeder à la RTS

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Crédits

Un portrait de Raphaële Bouchet et Miruna Coca-Cozma

Rédaction culture : Philippa de Roten - Alexandre Barrelet

RTSInfo - 2015