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Comment fixe-t-on le prix des livres suisses?

Comment le prix d'un livre est-il fixé en Suisse? [Depositphotos - GeorgeRudy]
Livre suisse: comment définir un prix? / On en parle / 11 min. / le 15 juin 2023
Dans le marché très concurrentiel du livre, comment se définit le prix d'un ouvrage édité en Suisse? Explications avec Delphine Cajeux, éditrice et responsable commerciale chez Slatkine et Clarisse Bauwens, autrice jeunesse qui a décidé de s'autoéditer.

Delphine Cajeux, éditrice et responsable commerciale chez Slatkine, décortique le prix d'un livre édité en Suisse. Premièrement, qui fixe les prix? "L'éditeur fabrique le livre et fixe lui-même le prix de vente. Il tient compte de tous les acteurs de la chaîne, mais aussi d'autres éléments", explique-t-elle, interrogée par On en parle.

Dans le cas de Slatkine, "10% du prix du livre revient à l'auteur, 50% au réseau de diffusion et de distribution qui inclut aussi la marge du libraire, qui est de 35% à 45%. Puis 20% du prix correspond au prix de revient, donc tout ce qui est lié aux frais de fabrication du livre, des droits de reproduction aux frais de graphismes, de mise en page, correction et d'impression. Enfin, les 20% restants correspondent à la marge de l'éditeur, marge qui intervient une fois que les acteurs précédents ont été payés."

À noter que Slatkine est une maison d'édition de taille modeste. "La spécificité de l'édition romande est que le bassin de lecteurs est petit. Les tirages sont donc faibles", précise Delphine Cajeux.

L'alternative de l'autoédition

Pour beaucoup d'auteurs et d'autrices, un revenu de 10% du prix de vente n'est pas suffisant pour vivre. Clarisse Bauwens, plume derrière les romans d'aventure pour ados "Mystériane" a décidé de s'autoéditer. Elle vend ses livres notamment sur les marchés romands, avec un certain succès. "Cette méthode me rapporte en moyenne une trentaine de ventes par marché. Selon les périodes, ce nombre peut augmenter à 50 ou 60 ventes. L'autoédition me permet de vivre de ma plume, ce qui ne serait pas le cas avec l'édition traditionnelle." Ses livres se trouvent également dans certaines librairies indépendantes. Elle est également en train de démarcher les grandes enseignes de librairies présentes en Suisse romande.

Avec moins d'intermédiaires, le prix de revient des livres de Clarisse Bauwens – donc le papier et la couverture – est de trois francs par livre. "Il faut ensuite rajouter le travail de la graphiste et les frais de publicité. On est finalement à 5 ou 6 francs par livre." Cela implique cependant un travail colossal. "Le marketing et la vente représentent 90% de mon temps de travail. Il faut être visible partout."

Être édité, un processus lent

La romancière ne regrette pourtant pas son choix. "Si vous avez la chance de signer un contrat d'édition, le processus prend une bonne année. Il faut démarcher une trentaine de maisons d'édition pour espérer avoir un oui. Ensuite, vous pourriez attendre encore deux à trois ans entre la signature et la parution du livre, parce que les maisons d'édition ont déjà leur catalogue préparé pour l'année scolaire suivante, voire l'année d'après selon leur taille. Il faut donc faire preuve de patience." Un procédé plus rapide en autoédition: "En deux ans, j'ai sorti six livres. Je n'aurais rien sorti si j'étais passée par le schéma traditionnel."

Delphine Cajeux comprend la décision de Clarisse Bauwens, même si "elle passe à côté d'une certaine expertise. L'éditeur accompagne l'auteur du manuscrit à la promotion avec tout ce que cela implique: travail sur le texte, prise en charge des frais de production, prise de risque, etc... Cela n'est pas le cas avec l'autoédition."

Sujet radio et propos recueillis par Didier Bonvin

Adaptation web: Myriam Semaani

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