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Chloé Aeberhardt: "On a tendance à réduire les espionnes à de simples séductrices"

L'invité de La Matinale (vidéo) - Chloé Aeberhardt, journaliste et autrice de "Les Espionne racontent"
L'invité de La Matinale (vidéo) - Chloé Aeberhardt, journaliste et autrice de "Les Espionne racontent" / La Matinale / 11 min. / le 1 octobre 2021
Dans le dernier James Bond sorti en salle cette semaine, Daniel Craig prend congé de son personnage, laissant son matricule 007 à une femme. L'occasion pour Chloé Aeberhardt, auteure des "Espionnes racontent" (2017), de revenir dans La Matinale sur l'image de l'espionne, "encore trop souvent réduite à une simple séductrice".

Le dernier film de la saga James Bond, dans lequel Daniel Craig prend congé de son personnage laissant son célèbre matricule 007 à une femme, permettra-t-il de faire évoluer l'image que l'on se fait du métier d'espionne? Invitée de La Matinale, Chloé Aeberhardt, journaliste indépendante et auteure de l'ouvrage "Les Espionnes racontent" paru en 2017, l'espère, mais relativise.

"Je n’ai pas vu le film encore, mais on ne peut que se réjouir de ce premier pas qui est très symbolique. Après, il faut dire que ce sera probablement une 'surfemme', comme James Bond était un 'surhomme', donc encore très éloigné de la réalité du métier", souligne-t-elle.

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Pour l'heure, lorsque l'on pense à une espionne, l'image qui nous vient en tête est encore trop souvent celle d'une séductrice, plutôt que celle d'une véritable professionnelle du renseignement. Or, cette image fantasmée est fausse, comme l'explique Chloé Aeberhardt dans La Matinale. "C'est un gros malentendu, hélas véhiculé par la fiction", déplore-t-elle, espérant que la suite de la saga 007 changera cette donne.

Cinq ans d'enquête

Et Chloé Aeberhardt en sait quelque chose. Durant cinq années d'enquête entre Paris, Washington, Moscou et Tel-Aviv, elle a rencontré une série de six anciennes espionnes du KGB, le service de renseignements de l'URSS post-stalinienne. Des rencontres qui lui ont permis ensuite, dans son ouvrage, de déconstruire l'image fantasmée que beaucoup se font de ce métier davantage masculin que féminin.

Pour elle, la faute appartient aux scénaristes, souvent masculins, qui ont projeté leur propre fantasme sur cette profession. Avant d'ajouter: "Je pense aussi que c’est le tort du service de renseignements qui a très peu communiqué et qui a laissé libre court à tout un tas de fantasmes de ce genre."

Davantage discrètes que séductrices

Mais les espionnes du 20e siècle sont davantage des femmes discrètes, intelligentes et appliquées dans leur travail. Loin de l'image idéalisée de Mata Hari ou de Joséphine Baker. Les femmes qu'elle a pu rencontrer, qu’elles soient Françaises, Israéliennes, Allemandes ou Américaines, sont toutes ordinaires. Aujourd'hui à la retraite, elles sont parfois grands-mères, vivent une vie tranquille et promènent leur chien comme tout le monde. "On ne peut pas se douter au premier abord qu’elles ont été officiers de renseignements dans leur carrière." Une véritable qualité, comme l'estime d'ailleurs la journaliste.

Pour accéder à ces femmes, Chloé Aeberhardt a dû d'abord se constituer un réseau d'anciens militaires ou d'officiers de renseignements qui étaient surtout des hommes. "Ils me disaient souvent que les femmes sont formidables, car elles ont plus d’intuition ou des capacités d’observation plus fines", sourit-elle. "C'était très drôle qu'ils vantent ces qualités alors qu'ils avaient recruté très peu de femmes à l'époque."

Si la journaliste dit ne pas être à l'aise avec ce genre de qualités liées au genre, elle relève toutefois un atout peu discutable. "Etant minoritaires au sein des services de renseignements, et plus particulièrement sur le terrain, les femmes sont moins soupçonnées d'être espionnes. En continuant d'imaginer les espions plutôt masculins, on se méfiera moins d'elles."

Propos recueillis par Frédéric Mamaïs

Adaptation web: Fabien Grenon

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