Moi, mes parents

Grand Format

Keystone - Christian Beutler

Introduction

Qu'est-ce qui vous vient de votre père, de votre mère? Cinq personnalités romandes regardent dans le rétroviseur et partagent avec vous les valeurs transmises par leurs parents. Comprendre son éducation, c'est aussi avancer.

Chapitre 1
Guy Parmelin, "Mes parents ne m’ont jamais dit: C’est toi qui reprendras le domaine!"

Keystone

Le président de la Confédération Guy Parmelin quitte Berne les week-ends pour Bursins, sa commune vaudoise. Sa maman Jeannine est décédée en janvier 2020. Il revient pour partager des moments avec son père, Richard, qui vit toujours sur le domaine familial.

Avec son épouse, le conseiller fédéral invite régulièrement chez lui son père et sa belle-mère, qui habite à Gilly. "Nous gardons encore des liens. Un des problèmes des personnes âgées est la solitude", explique Guy Parmelin.

Son père lui a transmis une conscience professionnelle aiguisée. "Le travail doit être bien fait. Il ne faut pas compter sa peine. Mais aussi savoir quand il faut décompresser". Quand son papa reprend le domaine, la situation est compliquée. L'endettement est important. "Il a réussi en peu d'années à retrouver une situation qui nous a permis de poursuivre dans de bonnes conditions."

Jeannine et Richard Parmelin, les parents du Conseiller fédéral Guy Parmelin [Keystone]
Jeannine et Richard Parmelin, les parents du Conseiller fédéral Guy Parmelin [Keystone]

"C'est quelqu'un, qui, à 85 ans, est peut-être plus inquiet que nous dans les moments décisifs. Lorsqu'il faut rentrer le blé à cause de l'orage, par exemple". Avec son frère, ils tentent pourtant de lui expliquer qu'il ne doit plus s'en préoccuper. Une tâche ardue.

Guy Parmelin, 62 ans, a également appris avec son père une certaine forme de communication. "Quand on discute d'un problème, toute la famille doit être autour de la table. Pas seulement les frères et sœurs, mais aussi les belles-sœurs et beaux-frères". Cette transparence évite des dissensions dans la famille.

Sa maman a toujours encouragé ses enfants à choisir ce qu'ils voulaient faire dans la vie. Elle les a forcés une seule fois: aller une année en Suisse allemande. "Ça vous fera beaucoup du bien d'aller voir autre chose", avait déclaré la maman.

Le frère de Guy Parmelin, Christophe, étant plus attiré par la vigne, le futur conseiller fédéral choisit de reprendre le domaine agricole et les vaches, arrêtant ainsi ses études après sa maturité.

Sa maman était une touche à tout sur l'exploitation. La cuisine, la vigne, la comptabilité. "C'était une personne clé dans l'exploitation". De sa maman, il a appris "qu'on peut s'engueuler, mais qu'il ne faut pas garder rancune". Elle jouait également le rôle d'arbitre entre les membres de la famille, permettant aussi de relativiser les choses.

Comme un président de la Confédération? "Il peut se dire beaucoup de choses autour de la table du Conseil fédéral. Mais après, il doit toujours être possible de boire un verre ou partager un café. Si vous ne pouvez plus, c'est qu'il y a un problème".

Au printemps 2020, son père Richard a attrapé le Covid. Une inquiétude pour la famille. "On savait qu'il faisait partie des personnes à risques. Finalement, cela a duré 6 jours/6 nuits. Il a pu passer le cap avec du Dafalgan".

>> Écoutez l'épisode :

Guy Parmelin, Conseiller fédéral UDC, dans son village de Bursins (VD) [Keystone]Keystone
La Matinale - Publié le 2 août 2021

Chapitre 2
Samia Hurst Majno, "Être genevoises c'est un héritage que mes parents nous ont construit"

Samia Hurst Majno a été propulsée sur le devant de la scène médiatique en devenant la vice-présidente de la Task force Covid 19. Cette médecin et bioéthicienne dirige l’Institut Ethique, Histoire, Humanités à l'Université de Genève.

Ses parents André et Lilliam Hurst sont enseignants de grec ancien et d'anglais. Son père est une personnalité genevoise. Il a été le recteur de l’Université de Genève entre 2003 et 2006. Pourtant, Samia Hurst Majno, 49 ans, n'avait pas prévu de devenir professeure à son tour. "J'ai planifié de devenir clinicienne. Je l'ai été pendant une douzaine d'années". Et là, son père a eu un rôle à jouer.

André et Lilliam Hurst dans leurs jeunes années
André et Lilliam Hurst dans leurs jeunes années

Issu d’une famille d’ouvriers, son papa n'avait pas pu faire des études de médecine par manque de moyens financiers. "Sans parler de regret de sa part, il y avait quelque chose du domaine de l'impossible pour la génération d'avant". Elle se dit frappée par les efforts des parents d'offrir à leurs enfants ce qu'ils n'avaient pas pu avoir eux.

Sa maman lui offre, elle, le goût d'appartenir à un lieu. "Ma mère est née au Costa-Rica. Son père venait du Belize. Sa mère du Nicaragua. Tous les deux ans, elle changeait de lieu pour suivre ses parents missionnaires. Elle était constamment déracinée."

"Pour ma soeur et moi, d'être indubitablement genevoises, c'est un héritage qu'ils nous ont construit".

Samia Hurst Majno est également la maman “adoptive” de quatre enfants, aujourd’hui adultes. Elle est entrée dans leur vie après le décès de leur première maman, et son mariage avec leur père. Là aussi, la transmission a produit ses effets. "La petite dernière a étudié le grec ancien, ce qu'elle n'aurait probablement pas fait sans son grand-père. Ils jouent un rôle de grand-parents de manière très active et très touchante."

André et Lilliam Hurst
André et Lilliam Hurst

>> Écoutez l'épisode :

Samia Hurst, vice-présidente de la Task Force scientifique de la Confédération. Berne, le 20 juillet 2021. [Keystone - Peter Schneider]Keystone - Peter Schneider
La Matinale - Publié le 4 août 2021

Chapitre 3
Eugène, "Le courage des parents" 

Au milieu des année 1970 , les parents de l'écrivain Eugène Meiltz sont partis de Roumanie avec un visa touristique, "ils avaient 30 jours pour visiter l'Europe". Les autorités roumaines laissaient partir les parents, mais pas les enfants. Ils en profitent pour déposer une demande d'asile à Lausanne, alors que leurs enfants était encore au pays. 

Une décision courageuse, selon l'auteur de la Vallée de Jeunesse ou du Mammouth et le virus. "Je ne sais pas où ils ont trouvé le courage de le faire? Si je devais partir à l'autre bout de l'Europe sans savoir si mes enfants pourraient me rejoindre, je ne sais pas si j'oserais."

Après des mois de procédure, le regroupement familial permet de faire venir le jeune Eugène, âgé de 6 ans, ainsi que son frère.  "C'était une bulle roumaine au 2e étage de l'immeuble."

Les premiers pas d'Eugène avec sa mère à Bucarest [D.R.]
Les premiers pas d'Eugène avec sa mère à Bucarest [D.R.]

La maman est bibliothécaire de formation. Elle tente de lui transmettre le goût de la lecture. "Elle essayait de me faire lire des choses. Mais j'étais un fils de la télé, pas de la bibliothèque. J'adorais les BD, mais elle ne considérait pas cela comme de la littérature."

Le père de l'écrivain Eugène était un mathématicien émérite. A 14 ans, son fils lui offre un Rubik cube 4x4, comme un défi. Eugène est émerveillé par son père. "Le premier jour, il l'a simplement regardé. Le deuxième jour, il remplit un bloc-notes de formules mathématiques. Le troisième jour, il avait résolu le problème et pouvait recomposer le Rubik cube à loisir."

Pourtant, Eugène, 52 ans, n'a pas hérité de la "bosse" des maths de son père décédé alors qu'il avait 33 ans. Que lui a-t-il transmis? "Le côté contemplatif. Un jour, à Vidy, il me montre les reflets sur le lac. Les couleurs des bateaux qui changent tout le temps."

Aujourd'hui, Eugène fait de même avec son fils. Les fleurs qui poussent. L'arbre qui se défend contre son environnement. Le fonctionnement du corps humain. "On regarde une couleur. Un détail. Cela vient clairement de mon père." 

>> Écoutez l'épisode :

Les premiers pas d'Eugène avec sa mère à Bucarest [D.R.]D.R.
La Matinale - Publié le 5 août 2021

Chapitre 4
Phanee de Pool, “J’ai toujours été dans les jupes de ma mère”

RTS - Julien Audemars

Phanee de Pool est un miracle. "Ma mère ne pouvait pas avoir d'enfant. Le cordon ombilical est toujours là… et je le conserve. C'est très beau notre relation". La chanteuse biennoise a toujours été proche de sa mère. Avec son père, l'adolescence a été faite de hauts et de bas. "J'avais l'âge con. Lui aussi. On se tapait un peu dessus. Ma mère jouait la médiatrice."

Mais dès qu'elle s'éloigne un peu du cocon familial, ses parents lui manquent. "Au bout d'un moment, mes parents ont accepté que je ne serais jamais une vadrouilleuse sans eux."

"Ma crise d'adolescence était uniquement sur certains choix que mes parents avaient faits pour moi". Sa mère  a une autorité naturelle. "C'était la chef!". Phanee doit retenir ses rires quand son père haussait le ton.

>> Ses parents apparaissent dans le clip "On se prenait dans les bras" :

Phanee de Pool chante "On se prenait dans les bras"
Divertissement - Publié le 25 avril 2020

Aujourd'hui encore, à 30 ans, elle ne se permet pas tout devant ses parents. "Je pensais qu'une fois majeure, j'oserais dire à mes parents 'vous me faites chier!'. Avec ma maman, j'ai toujours peur qu'elle me retourne une claque en disant qu'elle n'est pas ma copine et que je dois rester polie".

La chanteuse, qui mêle le slam et le rap, n'a jamais vu ses parents artistes évoluer sur scène. Ils l'ont indirectement influencée. Sa mère est pianiste concertiste et crée des marionnettes. Son père montait des festivals avec des artistes de music-hall. Rapidement, père et fille créent des petits sketchs pour présenter les artistes entre les numéros. 

"C'est lui qui m'a instauré les bases de la scène". C'est grâce à lui qu'elle fait ses premiers pas sur scène et qu'aujourd'hui elle s'y sent comme un poisson dans l'eau.

L'enfance de Phanee de Pool a énormément influencé la musique qu'elle produit aujourd'hui. "J'utilise des sons très doux. Les basses sont rondes. J'ai grandi avec ce type de musique. Mon papa écoutait des gros big band de jazz avec des sons très ronds."

Son père est également son manager. "On se boucle au nez parfois. Mais notre force est de pouvoir dissocier la vie familiale et professionnelle". Comment voit-elle son avenir, avec des parents qui vieillissent? "J'essaie de pas trop y penser. Cela me panique un peu. Je n'ai pas envie de continuer ce métier si mes parents ne sont plus là. Tout ce qu'on vit doit aller dans la boîte à souvenirs, pas la boîte à angoisse".

>> Écoutez l'épisode :

Phanee de Pool en concert à Paléo. [phaneedepool.com - ©LnPixElle Photography]phaneedepool.com - ©LnPixElle Photography
La Matinale - Publié le 6 août 2021

Chapitre 5
Géraldine Fasnacht, “je fais régulièrement peur à mes parents”

Keystone - Maxime Schmid

Petite, Géraldine Fasnacht ne tient pas en place. "Les chats ne font pas des chiens", sourit la sportive de l'extrême. Ses parents sont des entrepreneurs passionnés par leurs projets, mais aussi des sportifs. "Forcément, je ne pouvais pas être inactive".

A la sortie de l'école, la Vaudoise se précipite dehors et monte sur son vélo ou son skateboard. "Il y avait toujours quelque chose à faire". Ses parents se séparent très tôt. Elle n'avait qu'un an. "Pour moi, ce n'était pas un souci, car ils étaient très proches de moi. Ils continuaient de m'éduquer avec une belle balance féminine et masculine."

Ses parents ont toujours eu du respect l'un pour l'autre. "Il y a toujours des moments dans l'adolescence où l'on dit 'si ça ne va pas, je pars chez papa!'. Mais ils s'appelaient. Mon père me faisait la leçon après".

Géraldine grandit avec les Beatles dans les oreilles. "Mon père était un grand fan. Aujourd'hui, je connais toutes les chansons par cœur. J'avais droit à une chanson au moment du coucher quand j'étais petite."

La petite Géraldine Fasnacht et sa maman à Verbier. Le papa prend la photo. [DR]
La petite Géraldine Fasnacht et sa maman à Verbier. Le papa prend la photo. [DR]

La snowboardeuse fait un apprentissage de commerce à l'aéroport de Genève, chez Swissair. Elle a beaucoup voyagé avec sa maman, alors directrice d’une école de langue et d’une agence de voyage. Un jour, elle lâche tout pour partir dans le sport professionnel, le snowbord freeride. "J'avais une place de travail en or. Mon père était hyper fier. Quand je suis parti, il n'a pas compris. Il a pensé que c'était sur un coup de tête et ne m'a plus parlé pendant des mois."

A contrario, sa maman l'a aidée à prendre sa décision. Mais son père lui a donné l'envie de se battre pour atteindre son objectif. "Lorsque j'ai participé à l'Xtreme de Verbier pour la première fois, j'avais seulement 21 ans. J'étais le bébé de la compétition. Pourtant, j'ai gagné à ma première participation."

Elle a trouvé son père en pleurs, au pied de la face. "Il était heureux. Ce jour-là, il a compris pourquoi j'avais décidé de changer de vie". Sa mère, elle, lui permet de faire la part des choses. "Pas de regrets avec elle. La vie est faite pour réaliser ses rêves. Elle m'a permis de le vivre en vrai et pas de rêver ma vie."

En montagne, il faut être fort. Quand les jambes lâchent, la tête prend le relais. "Mon père a la tête dure. En montagne, c'est une qualité qui permet d'arriver au sommet."

Géraldine Fasnacht, 41 ans, pratique le snowboard, le base jump et vol en wingsuit. "Je fais régulièrement peur à mes parents. Maintenant que j'ai un fils, je réalise que je n'aurais pas voulu avoir une fille comme moi (rires)".

Celle qui est désormais établie en Valais, à Verbier, les rassure régulièrement. "Ils savent que j'aime être en montagne quand les conditions sont parfaites. Je ne pousse pas pour faire des choses dans des conditions moyennes. Je connais mes limites. Je n'ai pas envie de les dépasser."

>> Écoutez l'épisode :

Géraldine Fasnacht en tenue de Wingsuit à Villeneuve [Keystone - Maxime Schmid]Keystone - Maxime Schmid
La Matinale - Publié le 3 août 2021