Michel Tournier, écrire les mythes

Ecrivain de première grandeur, auteur de neuf ouvrages entre contes, essais et romans, a tourné la dernière page le 19 janvier 2016. Hommage en forme de portrait avec la complicité de Louis-Philippe Ruffy
Contre l'autobiographie, les mythes
On hésite à dire que Michel Tournier était un cas à part dans la littérature française. Son premier roman Vendredi ou les limbes du Pacifique fut d'emblée salué par l'Académie française qui lui décerna son Grand Prix du Roman. Les Immortels saluaient en 1967 autant l'écriture classique de cet auteur inconnu que le thème difficile qu'il abordait: comment survivre en solitaire sur une île déserte durant vingt ans.
Venu très tard à la littérature, Michel Tournier a toujours nourri une passion pour la philosophie qu'il a étudiée à la Sorbonne et en Allemagne, à Tübingen, dans l'immédiat après-guerre avec deux camarades qui deviendront aussi célèbres: Claude Lanzmann et Gilles Deleuze. De fait, il avouait volontiers être un écrivain par compensation.
En effet, son rêve d'enseignement n'ayant pas abouti suite à son échec à l'agrégation de philo, Tournier s'est tourné vers la radio puis l'édition. Fasciné par la photographie, l'écrivain s'est joint au photographe Lucien Clergues pour créer en 1968 Les Rencontres photographiques d'Arles.
En automne 2004, Louis-Philippe Ruffy, alors producteur d'Entre les lignes sur Espace 2, le rendez-vous quotidien de la littérature, s'était rendu à Zurich pour y rencontrer l'auteur en marge d'une conférence. Ce grand entretien, colonne vertébrale de ce portrait, évoquait le rapport de Tournier à la Suisse, à l'Allemagne dont il pratiquait fort bien la langue et dépliait avec brio les thèmes développés dans son oeuvre. Un grand moment complété par un entretien avec Jacques Bofford sur un autre roman La Goutte d'Or en 1986.
Et en fin d'émission, nous retrouvons Louis-Philippe Ruffy dans l'esquisse du panorama intellectuel d'un écrivain qu'il a beaucoup lu et beaucoup apprécié en tête à tête.
Réalisation: Christian Ciocca et Didier Rossat