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Les Perches du Nil
Nous sommes nombreux à avoir découvert avec consternation que la perche du Nil vient très souvent du lac Victoria et que son commerce symbolise tous les effets pervers de nombreux échanges commerciaux nord-sud
La perche du Nil est un prédateur redoutable qui peut atteindre 100 kilos. Originaire d’Ethiopie, il a été introduit, il y a environ 50 ans, dans le Lac Victoria, au centre-est de l’Afrique, pour développer la pêche sportive. Mais la perche du Nil est aussi ce que l’on appelle une espèce invasive, un cauchemar écologique qui a proliféré au point de faire pratiquement disparaître les 2/3 des poissons indigènes du lac Victoria.
En même temps, la Perche du Nil est devenue la principale ressource d’exportation de la Tanzanie à destination de l’Union européenne : 500 tonnes de filets sont exportées quotidiennement de l'aéroport de Mwanza, sur le lac Victoria.
Voilà le point de départ du documentaire « le cauchemar de Darwin » du réalisateur autrichien Hubert Sauper. Le point de départ seulement parce que le film nous entraîne dans un voyage saisissant au cœur des problèmes de l’Afrique et des pires côtés du commerce international. D’un côté, des usines flambant neuves subventionnées par l’union européenne, de l’autre, une population à qui on laisse les arêtes et qui est réduite à faire frire les têtes de poisson pour se nourrir.
Céline Charveriat, directrice de la branche genevoise d’OXFAM, une organisation qui milite pour un commerce international plus équitable : « Il arrive très souvent que les cultures destinées à l’exportation deviennent beaucoup trop chères pour les habitants du pays. Ils ne peuvent plus se payer le luxe de manger ce qui est produit dans leur propre pays. C’est l’une des contradictions fondamentales du système: on peut avoir un pays où il y a une famine et, en même temps, énormément de revenus d’exportation tirés de la production d’aliments. La plupart des pays en développement, surtout les plus pauvres, dépendent de deux ou trois grandes cultures d’exportations. On trouve en général des produits miniers, aussi beaucoup de produits comme le poisson, le café, le thé ou d’autres produits tropicaux. Ils ne reçoivent que très peu des bénéfices que génèrent ces grandes filières et c’est en général la grande distribution qui est la gagnante, pas les producteurs locaux. »
Autre problème, les devises que les exportations rapportent à ces pays sont souvent utilisées en priorité pour rembourser la dette extérieure, l’argent repart donc en grande partie à l’étranger.
Céline Charveriat: « Ce qui est demandé aujourd’hui à la Tanzanie, qui paie 80 millions de dollars chaque année pour les intérêts de sa dette, est énorme. C’est presque autant que les revenus générés par l’exploitation de la perche du Nil. On leur demande de payer pour les erreurs précédentes des gouvernements. Il faut savoir que, pour qu’un pays se soit autant endetté, il a fallu aussi qu’on lui prête de l’argent. Très souvent, ce sont les grandes puissances, pendant la guerre froide, qui voulaient soutenir des gouvernements, qui leur étaient favorables. Ils leur ont donc prêté beaucoup d’argent, qui a été gâché ou qui a servi à la corruption. Aujourd’hui, on demande à la génération actuelle de payer pour ces erreurs passées. C’est tout à fait injuste et cela veut dire que l’on condamne la Tanzanie à rester dans la pauvreté. »
Les perches du Nil sont également importées en Suisse. Nous en avons trouvé à la Migros, chez Coop, chez Manor, chez Aligro et chez Carrefour. Nous avons envoyé un fax à tous ces magasins pour leur demander pourquoi ils commercialisaient ce poisson et si ce documentaire allait changer quelque chose à cet état de fait.
La Migros nous a répondu qu’elle continuerait à en vendre, considérant qu’un boycott n’aurait aucun effet positif sur les populations locales.
Carrefour nous a répondu que la vente des perches du Nil était très marginale dans son assortiment.
Aligro considère que ses clients, désormais au courant de la situation, sont libres d’en consommer ou pas, tout en se déclarant prêt à acheter les perches à un prix mieux adapté aux besoins des pêcheurs locaux.
Finalement, Coop et Manor nous ont répondu qu’ils allaient retirer ce poisson de leur assortiment. Ce qui est sans doute une idée louable, mais pas forcément une bonne idée...
Céline Charveriat: « Le boycotte veut dire que ces gens vont perdre leur travail et qu’il n’y a pas, pour l’instant, d’alternatives qui ont été mises en place. Il faut donc repenser la stratégie de développement, pour voir comment on peut améliorer les conditions du marché interne et générer une croissance interne et non seulement tirée par les exportations. Il faut également s’assurer que ces perches du Nil vont vraiment bénéficier aux populations locales et pas seulement au directeur de l’industrie, que l’on voit dans le film, ou aux grands supermarchés du Nord. »
Jusque là, le chemin sera sans doute long car, pour l’instant, comme nous l’apprend le film, ces avions qui repartent remplis de poissons sont souvent arrivés chargés d’armes.
Rien n'empêche les grands distributeurs à mettre en place une filière plus équitable, rétribuant mieux les producteurs locaux, puisqu'il n'existe pas pour l'instant de label du type Max Havelaar sur la perche du Nil. Ces entreprises sont très sensibles aux courriers des consommateurs, allez voir le film, ça vous donnera l'énergie de leur écrire, c'est tout ce que l'on peut faire comme individu dans ce cas.
Nous avons fait analyser les perches du Nil vendues en Suisse Romande, pour voir si elles contenaient du mercure et des pesticides. Résultat : quelques traces, mais pas plus que les autres poissons vendus en Suisse.