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2013 en quelques points: Rodge, Stan, Rafa...

Une saison à oublier au plus vite pour Roger Federer. [REUTERS - Eduardo Munoz]
Une saison à oublier au plus vite pour Roger Federer. - [REUTERS - Eduardo Munoz]
Journaliste au sein du prestigieux quotidien "L'Equipe", Vincent Cognet arpente les travées du Circuit ATP depuis une bonne vingtaine d'années. Il est donc le témoin privilégié pour revenir sur 2013 et évoquer en quelques points le retour de Nadal, l'éclosion de Wawrinka ou encore le déclin de Federer.
Nadal a dominé de la tête et des épaules la saison 2013. [KEYSTONE - Ng Han Guan]
Nadal a dominé de la tête et des épaules la saison 2013. [KEYSTONE - Ng Han Guan]

RTSsport.ch:

Nadal, absent à Bâle, a tout avalé sur son passage cette saison!

VINCENT COGNET: La vitesse à laquelle il est revenu en février, après 8 mois d'absence en raison de douleurs récurrentes à un genou, est absolument hallucinante. Tout le monde savait qu’il reviendrait fort mais pas à ce point. Il a disputé 15 tournois cette saison, joué 13 finales, remporté 10 titres (ndlr: 68 succès pour 5 revers). Nadal a "tordu" Djokovic en finale de l'US Open. Tout le monde est sur le derrière. C’est incroyable ce qu’il a accompli. En 7 mois, il a repris 7500 points à Djokovic!

RTSsport.ch: De par son jeu très physique, on a parfois le sentiment que Nadal est au bord de la rupture. D'accord?

VINCENT COGNET: Non. On peut avoir ce sentiment sur certains coups, comme par exemple dans les coups en bout de course. Quand tu l'attaques en revers très croisé, tu te dis qu'il ne touchera jamais la balle. Et surtout sur terre, il va réussir une glissade de 5 mètres et un passing d’enfer. C’est le seul à réussir des coups pareils. Sur terre battue, il est en contrôle total. Et cette année sur dur Nadal a été très fort.

"La grande différence pour Wawrinka c'est dans la tête"

Pour Vincent Cognet, journaliste à L'Equipe, Wawrinka a tous les atouts pour être dans le top 10. [Miguel Bao]
Pour Vincent Cognet, journaliste à L'Equipe, Wawrinka a tous les atouts pour être dans le top 10. [Miguel Bao]

RTSsport.ch:

Quel joueur a, à vos yeux, le plus progressé cette année?         

VINCENT COGNET: Stanislas Wawrinka. Il a attaqué la saison au 17e rang et il est désormais 8e. Il a livré 2 grosses parties contre Novak Djokovic en 1/2 de l’US Open et en 8es de l'Open d’Australie (ndlr: 2 défaites en 5 sets). Il n'a pas fait énormément de progrès dans le jeu, sauf dans le revers slicé. Il a été impressionnant dans ce registre contre Berdych en 8es de l’US Open.

Physiquement, il n’a pas beaucoup bougé. La grande différence c’est dans la tête. L’apport numéro 1 de son entraîneur Norman n’est pas dans le jeu. Norman a fait comprendre à Wawrinka qu’il avait tous les atouts pour être dans le top 10 les doigts dans le nez. Je pense que Wawrinka en doutait. Le talon d'Achille de Stanislas c’était son mental.

RTSsport.ch:Que manque-t-il à Wawrinka pour franchir un nouveau palier?    

VINCENT COGNET:

Il ne lui manque rien. Ca va être très intéressant d’observer ce qu'il va accomplir en 2014. Il entrera à mon avis dans la 2e catégorie des favoris. Dans les tournois du Grand Chelem, Nadal, Djokovic et Murray se détachent. Après, il y a une 2e catégorie de favoris, qui

La sortie prématurée de Wawrinka au 1er tour à Bâle n'hypothèque en rien une qualification au Masters de Londres. Le Vaudois devra sortir le grand jeu la semaine prochaine à Paris-Bercy. [Georgios Kefalas]
La sortie prématurée de Wawrinka au 1er tour à Bâle n'hypothèque en rien une qualification au Masters de Londres. Le Vaudois devra sortir le grand jeu la semaine prochaine à Paris-Bercy. [Georgios Kefalas]

sont plus que des outsiders: Federer, Ferrer, Tsonga, Del Potro, et... Wawrinka. A lui de confirmer ou d’aller plus haut.

"Federer a payé une saison 2012 un peu dingo"

RTSsport.ch: Federer est-il sur le déclin?

VINCENT COGNET: Oui. Il suffit de regarder ses résultats 2013: 36 succès et 13 défaites. Il n'a gagné qu'un tournoi, à Halle. C’est la première fois en 11 ans qu'il n'a pas disputé une finale du Grand Chelem.

Federer a perdu contre des joueurs contre lesquels il ne devait pas perdre. Exemple: contre Robredo en 8es de l'US Open. Quel que soit le respect que l'on a pour Robredo, il n'y a rien dans son jeu pour gêner Federer.

Je pense qu’il a payé en 2013 une saison 2012 un peu "dingo". Titre à Wimbledon, place de numéro 1 mondial, les Jeux olympiques de Londres en plus. Il a beaucoup joué (ndlr: 83 matches). Sans oublier la désastreuse tournée exhibition en décembre 2012 en Amérique du Sud. C'était bien pour les fans, ses sponsors et son compte en banque. Je suis persuadé que c’était un désastre pour sa condition physique et pour son évolution en tant que joueur.

"Djokovic, Nadal et Murray ont pris de l'avance"

RTSsport.ch:Mais encore?             

Avec Nadal, Murray et Djokovic dominent le tennis mondial. [REUTERS - Anja Niedringhaus]
Avec Nadal, Murray et Djokovic dominent le tennis mondial. [REUTERS - Anja Niedringhaus]

VINCENT COGNET:

Dans ces tournées exhibition, on ne s'entraîne pas et on ne se repose pas. On verra comment il se remettra de son dos. A mon avis, ses problèmes de dos viennent de sa tournée sud-américaine. Il a fait très attention à son dos. Pour ce faire, il s’est moins entraîné. S’il s’entraîne moins, cela signifie que physiquement il est moins affûté.

Le génie de Federer dans ses belles années ce n’était pas uniquement son coup de raquette. Son génie partait des jambes. Il avait une qualité de déplacements exceptionnelle! A partir du moment où les jambes bougent moins bien, les appuis et le coup d'oeil sont moins bons. Tant qu'il ne sera pas revenu à un nouveau physique qui lui permet de bouger normalement, il aura zéro chance.

RTSsport.ch: Un mot de conclusion?     

VINCENT COGNET: C’est dur de battre Nadal, Djokovic ou Murray dans les "Majeurs". Si Federer en bat un, il y en a encore 2 après. Sur un match, il peut gagner mais sur 3 c'est une autre affaire. Un 18e titre du Grand Chelem pour Roger Federer? Je n’y crois pas. Djokovic, Nadal et Murray ont pris de l'avance.

Bâle, Miguel Bao

>> A lire aussi : Wawrinka tombe dès le 1er tour à Bâle et Le public bâlois souffre et doute pour son "Rodge"

Federer est sur le déclin, et alors… ?! Pas vous ?

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On a tous en nous quelque chose de Wawrinka…

Et si on parlait de Wawrinka plutôt que de Federer ?! Stan, enfin libéré de l’ombre de l’immense Roger, Stan qu’applaudissent enfin celles et ceux qui, hier encore, ironisaient à son sujet, le considérant comme un gentil et éternel second couteau...

Les honneurs que recueille le Vaudois ne sont pas pour me déplaire, car il y a, dans son succès et son accession dans le gotha du tennis, une petite leçon de morale qui rassure. Une morale selon laquelle la valeur travail a plus que jamais un sens.

Chapeau à Wawrinka pour ne pas avoir cédé au découragement et pour avoir toujours cru en son potentiel, alors que tout le pays (sauf vous peut-être…) n’avait d’yeux que pour Roger-le-magnifique. Le Vaudois, dans l’ombre de notre indifférence polie, s’accrochait obstinément, travaillait, se corrigeait; il perdait mais il refusait de se résigner à ce qui semblait devenir une fatalité. Il était bien plus que ce que certains (des journalistes mais pas seulement…) avaient décidé qu’il devait être. Son cheminement honore aujourd’hui autant son talent que son acharnement à progresser et sa détermination à refuser de se laisser abattre et enfermer par les jugements faciles… Et tout ça avec une apparente humilité, qui ne semble pas être feinte ni construite par un conseiller en marketing. Il semble enfin libre, Stan.

Qui d’entre nous peut imaginer ce qu’il a dû ressentir au plus profond de lui comme amertume toutes les fois où, lui battu, on ne lui parlait que de… Federer ? Aucun cadeau ne lui aura été fait. Il a dû s’arracher. Bosser. Et le mot "mérite" prend ici tout son sens. Sans rien retirer - évidemment ! – au génie de Federer, le chemin plus laborieux que Wawrinka se trace est plus touchant. Il est aussi, au sens premier du mot, admirable. Quelque chose dans son regard a changé. Et dans notre regard sur lui aussi.

Dans notre société où l’imposture est monnaie courante, il y a comme une justice qui se dégage de son itinéraire. Comme une vérité. La vérité du travail, de l’effort, de l’abnégation. Vous, je ne sais pas, mais en ce qui me concerne, je trouve ça exemplaire.

PS. Et en plus il est toujours présent en Coupe Davis, lui.

Massimo Lorenzi, 16 septembre 2013