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Djokovic, Williams, Nadal, Wawrinka: ce qu'il faut retenir de l'Open d'Australie

Novak Djokovic est aux anges, pendant que Serena Williams et Rafael Nadal cherchent à rebondir. [AP]
Novak Djokovic est aux anges, pendant que Serena Williams et Rafael Nadal cherchent à rebondir. - [AP]
Le titre de Novak Djokovic appartient à l'histoire. Mais si le Serbe semble parti pour écrire d'autres chapitres, la suite de l'exercice nous réserve certainement de grands moments. Avec un Rafael Nadal qui veut sa part du gâteau, un Dominic Thiem qui ne demande qu'à grandir, une "Next Gen" qui doit rebondir ou encore un Stan Wawrinka qui n'a rien à envier au "Stanimal" du passé. Chez les dames aussi, les luttes s'annoncent passionnantes. Bilan et perspectives.

DJOKOVIC, LE PATRON, OUI, MAIS: pas de doute, c’est lui l’incontestable et incontesté patron du tennis mondial actuel. Parti, comme Rafael Nadal, pour battre les records de Roger Federer, Novak Djokovic semble intouchable sur sol australien - et même ailleurs, bien sûr. Mais la carapace a ses fêlures et le patron d’aujourd’hui n'est semble-t-il plus tout à fait celui d’hier, qui marchait sur l’eau. Le Djoko de 2020 est moins serein, moins impérial. Comment ne pas penser que, contrairement à 2019, le Serbe était prenable dans cet Open d’Australie? Comment ne pas se dire que certains de ses adversaires, à commencer par Dominic Thiem et Roger Federer, n’ont pas manqué un "truc"? L’un par manque d’expérience et de culot. L’autre certainement pour une question de blessure mais peut-être aussi de complexe. S'il est moins souverain, Djokovic a tout de même toujours une force certaine, celle d’être entré dans la légende mais surtout dans le cerveau de ses rivaux. Ce qui lui permet d’avoir match gagné à 80% avant même de sortir du vestiaire. Cela s’appelle la qualité des champions.

THIEM, AU-DESSUS DE LA «NEXT GEN»: nombreux étaient ceux qui, avant les trois coups de cet exercice 2020, ne juraient que par la "Next Gen". Ah ça, c’est sûr, on allait voir ce qu’on allait voir. Eh bien on a vu ce que l'on ne voulait pas voir. Oui, l’ensemble a fait pschitt. Hormis Alexander Zverev, et dans une moindre mesure Andrey Rublev, la "prochaine génération" s’est écrasée sur le mur des réalités. Exit Stefanos Tsitsipas. Exit Daniil Medvedev. Exit Denis Shapovalov. Exit Felix Auger-Aliassime. Les jeunes loups ont manqué de mordant. Au cœur de ce Grand Chelem dans lequel leurs possibilités semblaient les plus grandes et alors qu'une partie des amoureux du tennis attendaient qu'ils mettent le feu, ils n'ont vu que du jeu. Preuve que le chemin censé mener vers la gloire, vers l'histoire, est encore long.

Dominic Thiem, bientôt 27 ans, a en revanche fait une partie de la route. Certes, l’Autrichien a perdu sa 3e finale de Grand Chelem, mais il se rapproche à chaque fois un peu plus du but. Ce ne sera peut-être pas pour Roland-Garros, terre de Nadal et/ou de Djokovic, surtout pas pour Wimbledon, où les anciens ont la clé, mais quelque chose nous dit que c'est bien le désormais No 4 ATP qui sera le prochain nouveau lauréat d'un titre majeur. Il a tout dans son jeu et dans sa tête pour le faire. Et maintenant, physiquement comme du côté de l’expérience, il est armé pour le grand saut.

L’INTERROGATION WAWRINKA: il ne faut jamais oublier qu'il est revenu de nulle part, car il y a 2 ans et demi, il n’avait simplement plus de genou. Alors oui, Stan Wawrinka mérite des applaudissements pour son parcours australien, son 3e quart de finale du Grand Chelem en 9 mois. À Melbourne, le Vaudois a prouvé qu'il n’est plus très loin de son tout meilleur niveau. Par moments, contre Daniil Medvedev, il a même évolué dans des hauteurs similaires à celles de ses plus belles quêtes. Mais ces dernières l'inquiétude s’est quelque peu installée.

En déclarant forfait pour Montpellier puis surtout pour Rotterdam, où il avait une place de finaliste à défendre, le no 2 suisse, Monsieur Courage, a laissé entrouverte la porte des interrogations quant à son état physique. S'il ne faut évidemment pas voir le mal partout, comment ne pas imaginer que son parcours australien a usé son corps? Comment ne pas craindre que ces débauches d’énergie répétées lui coûtent davantage que par le passé? Espérons que ce ne soit qu'une simple mesure de précaution, car au vu de ce qu'il a dans les bras et dans la tête, "Stanimal", blessé actuellement, a encore de quoi épater la galerie. Et même aller "taper" très haut.

QUI POUR TOUCHER TERRE? Bonne question, semble dire Rafael Nadal sur la photo ci-dessous. Mais forcément la question de savoir qui pourra gagner Roland-Garros se pose déjà, encore plus maintenant que la course au plus grand nombre de titres du Grand Chelem est grande ouverte. C'est oublier, pourtant, que la saison a encore des choses à vivre avant que le circuit ne touche la terre parisienne. Rien que les tournois d'Indian Wells et de Miami devraient être les théâtres de toutes les batailles, avec un gros suspense et des acteurs du Big Three qui ne se feront aucun cadeau. Mais bien sûr, la prochaine levée du Grand Chelem sera cernée d'attentes et de questionnements. Rafa Nadal en sera l'immense favori. Novak Djokovic le 2e gros bras. Et là, il ne faudra pas écarter Dominic Thiem des débats. Double finaliste, l'Autrichien voudra sa part du gâteau. Mais cela s'annonce peut-être encore plus difficile que jamais devant le feu qui habite l'Espagnol et le Serbe.

Rafael Nadal, attendu sur terre. [EPA - Lukas Coch]
Rafael Nadal, attendu sur terre. [EPA - Lukas Coch]

KYRGIOS ENFIN "FOCUS"? On a encore vu, sur certains séquences récentes, que Nick Kyrgios est doté d'un bras pas comme les autres, d’un vrai potentiel, hélas trop souvent anéanti par un mental qui ne tient pas la route. Mais dans cet Open d’Australie, le gamin de Canberra a montré une tout autre implication. Il s'est battu contre ses démons et, avec un peu plus de jugeote et de caisse physique, il aurait pu faire autre chose encore face à un Nadal prenable. Alors certes, l'Australien a trouvé des ressources dans le fait qu'il était "en mission" durant cette quinzaine, car désireux de s'illustrer après avoir été très touché par les incendies ayant dévasté son magnifique pays, mais il doit maintenant pouvoir conserver cet état d’esprit et se montrer tout autant focalisé sur son sujet tout au long de l'exercice, comme cela avait notamment été le cas l'an passé lors du tournoi d'Acapulco. Maintenant, peut-il vraiment le faire? De la réponse à la question dépend sa saison mais aussi l'ordre du Top 10 ATP, tant Kyrgios dispose de la palette tennistique pour y prendre place.

Nick Kyrgios a montré un tout autre état d'esprit durant cette quinzaine. [AP - Lynn Bo Bo]
Nick Kyrgios a montré un tout autre état d'esprit durant cette quinzaine. [AP - Lynn Bo Bo]

UNE DENSITE EXCEPTIONNELLE: Sofia Kenin est sortie du bois, s'invitant (contre toute attente, il faut bien le dire) dans le club des lauréates de Grand Chelem. L’Américaine de 21 ans s’est inscrite dans les pas des Jelena Ostapenko, Bianca Andreescu, Ashleigh Barty ou encore Sloane Stephens, vainqueurs de "majeurs" à une époque où des Madison Keys, Karolina Pliskova et Elina Svitolina - pas les dernières venues! - attendent toujours leur heure. Voilà la preuve, si besoin était encore, que le circuit féminin vit une ère exceptionnelle en termes de densité. Tout peut arriver dans les tableaux de la WTA, qui ne sont pas vampirisés par une ou deux têtes comme à l’ATP. Cela promet encore une fois un exercice passionnant et des luttes acharnées pour les gros titres. Souhaitons maintenant que les détracteurs du circuit féminin s'en rendent compte.

Sofia Kenin, heureuse lauréate [AP - Scott Barbour]
Sofia Kenin, heureuse lauréate [AP - Scott Barbour]

L’ENIGME SERENA: elle court toujours après son 24e titre du Grand Chelem. A perdre haleine? Pas encore, mais plus elle le convoite plus Serena Williams semble s'essouffler. Après avoir craqué par 3 fois aux portes de celui-ci, elle a carrément explosé dès le 3e tour en Australie. Inquiétant? Oui, si l'on considère que les années passent, que les adversaires sont de plus en plus nombreuses et solides, et que les possibilités se raréfient. Non, si l'on se souvient que l’ancienne no 1 WTA est une championne exceptionnelle. Sachant qu'il ne faut jamais sous-estimer le cœur d'un champion, on ne se permettra pas d'enterrer la légende. Le 24e trophée peut encore tomber à tout moment. Peut-être pas à Roland-Garros, mais on peut être sûr qu'à Wimbledon, la cadette de Venus aura un très gros rôle à jouer. A elle, alors, de ne pas céder sous le poids des attentes.

Serena Williams traîne son spleen. [EPA - Lukas Coch]
Serena Williams traîne son spleen. [EPA - Lukas Coch]

BENCIC AU REBOND: balayée en 16es de finale à Melbourne par une Anett Kontaveit qui n'avait rien d'un épouvantail, Belinda Bencic a fait pâle figure sur les courts australiens. Son début d’année est raté, mais la Saint-Galloise, pourtant remontée jusqu'à un inédit 5e rang WTA, a eu le mérite de ne pas se chercher d’excuses. Elle a été la 1re à reconnaître l'ampleur de son échec. Preuve, si besoin était encore, qu'elle a grandi à tous les niveaux. Nul doute, d'ailleurs, que son tennis est plus en place que jamais. Sauf qu'après un 2e semestre 2019 tonitruant, la meilleure joueuse suisse de la décennie a fait grimper le curseur de ses attentes et des attentes que le grand public fixe autour d'elle. Alors elle en veut toujours plus. Plus haut, plus vite, plus fort.

"Mais avant de vouloir aller tout en haut, Belinda doit d’abord confirmer ce qu’elle a fait d’excellent l’automne passé et, dans le sport de haut niveau, confirmer est toujours ce qu’il y a de plus difficile", nous soufflait la semaine passée Marc Rosset. Devant ce défi, Belinda Bencic va devoir resserrer son jeu et sa garde. Elle a les capacités pour tenir le coup. Et pour, un jour, se profiler comme une lauréate de Grand Chelem comme les Ostapenko, Kenin ou autre Andreescu de ces derniers mois? Tennistiquement parlant, cela ne fait aucun doute.

Arnaud Cerutti, @arnaud_cerutti

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