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Dufaux se confie cinq ans après avoir pris sa retraite

Cela fait déjà 5 ans que Laurent Dufaux a tourné le dos au cyclisme.
Cela fait déjà 5 ans que Laurent Dufaux a tourné le dos au cyclisme.
Laurent Dufaux faisait partie de la tête du peloton dans les années 90. Cinq ans après avoir pris sa retraite, le Vaudois de 40 ans donne sa vision sur le cyclisme helvétique d'aujourd'hui et revient sur sa carrière.

Le cyclisme helvétique connaît une étape de transition. Après
avoir atteint les sommets dans les années 90 avec les Dufaux, Zülle
et autre Rominger, la Suisse est rentrée dans le peloton. Il y a
bien sûr Fabian Cancellara et ses succès "en solitaire". Mais
derrière le Bernois, les jeunes restent en retrait.



Professionnel à l'âge de 21 ans, Laurent Dufaux s'était lui
échappé d'entrée, avec un titre national en 1991, puis deux
victoires au Dauphiné libéré (1993 et 1994). Cinq ans après avoir
rangé son vélo, le Vaudois de 40 ans, deux fois 4e au TdF (1996 et
1999), évoque les difficultés actuelles et revient sur sa
carrière.

Envie d'une nouvelle vie

Le cyclisme ne me
manque pas plus que cela.

Laurent
Dufaux

tsrsport.ch:

Cinq
ans après votre retraite, êtes-vous nostalgique du
cyclisme
?



LAURENT DUFAUX:

Cela fait déjà 5 ans... Cela ne
me manque pas plus que cela. Ma carrière a tout de même été longue:
14 belles années, où j'ai connu beaucoup de satisfactions. J'avais
envie d'une nouvelle vie, surtout consacrée à ma famille, plus
stable et avec des activités de Monsieur Tout-le-monde. Un cycliste
pro est complètement déphasé. Aujourd'hui, je veux rattraper le
temps perdu avec mes enfants (un garçon de 11 ans et une fille de 8
ans). Et avec la course à pied, je reste dans le sport: c'est
important pour la crédibilité et l'image qu'un sportif
véhicule.



tsrsport.ch:

Que pensez-vous des anciens
sportifs qui reprennent la compétition
?



LAURENT DUFAUX:

Cela est dû à un manque dans
l'équilibre émotionnel et non à une question d'argent. Une fois
qu'on arrête, il est difficile de retrouver les émotions du sport
dans la vie commune. Il faut aussi gérer le fait qu'on parle moins
de vous. Après la gloire, on revient dans la réalité. C'est un
choix difficile et il faut savoir l'accepter.



tsrsport.ch:

Votre décision d'arrêter
a-t-elle été directement claire pour vous
?



LAURENT DUFAUX:

Je ne voulais plus faire autant
de sacrifices. Et quand j'ai su que c'était ma dernière saison,
j'ai pu préparer au mieux mon futur.

"On est vite oublié en Suisse"

tsrsport.ch:


Votre reconversion, comme responsable de ventes au sein de la
société Craft, s'est-elle bien passée?




LAURENT DUFAUX:

J'ai vraiment pu bénéficier d'un
bon tremplin, tout en gardant un lien dans le sport de haut niveau.
C'était l'idéal, car en Suisse il n'est pas évident de se
reconvertir. De plus, je n'avais qu'un certificat d'installateur
sanitaire en poche... En comparaison avec la France ou l'Allemagne,
on est vite oublié en Suisse, où le sportif n'a pas une étiquette
publique. Pour retrouver un travail sur un marché ingrat, il faut
être performant. Etre bien dans sa tête et avoir un bon entourage
est très important.



tsrsport.ch:

Un nouveau poste dans le
cyclisme ne vous aurait-il pas plus
?



LAURENT DUFAUX:

Beaucoup d'anciens cyclistes
essaient de rester dans le milieu, car ce n'est pas évident d'en
partir. Mais pour moi, un poste comme directeur sportif signifiait
de nouveau voyager. Et ce n'est pas ce que je voulais.



tsrsport.ch:

Heureux dans vos nouvelles
fonctions, quel regard portez-vous sur votre carrière avec un peu
de recul
?



LAURENT DUFAUX:

Je pense avoir marqué les esprits
du cyclisme suisse, avec une carrière régulière, où chaque année
j'ai connu de bons résultats. J'ai aussi eu la chance d'avoir un
bon départ, avec un titre national dès ma première année pro. Et
cela s'est enchaîné avec 2 grands succès sur le Dauphiné Libéré,
puis avec de bons Tours de France.

"Cancellara, c'est l'arbre qui cache la forêt"

Il manque 2-3
Suisses aux côtés de Cancellara pour être de nouveau au sommet.

Laurent Dufaux

tsrsport.ch:

Vous aviez éclaté d'entrée, ce
que les jeunes Helvètes ne font plus..
.



LAURENT DUFAUX:

Il y a toujours un phénomène
cyclique dans le sport. De plus, la situation actuelle est
compliquée.



tsrsport.ch:

Pensez-vous qu'il y aura une
prochaine volée de grands coureurs
?



LAURENT DUFAUX:

Je l'espère, à l'image du ski
helvétique qui a retrouvé des athlètes performants suite à
plusieurs saisons difficiles. Après Zurbriggen & Cie, les
Cuche, Défago et autres Gut ont su créer une dynamique, un
enthousiasme. Il faut avoir de la personnalité pour réussir au
niveau mondial. Pour l'heure, Fabian Cancellara est unique. C'est
l'arbre qui cache la forêt. Il manque 2-3 Suisses aux côtés du
Bernois pour être de nouveau au sommet. Certains, comme Albasini,
Frank ou Morabito, arrivent gentiment à maturité, mais ils doivent
encore s'affirmer.



tsrsport.ch:

Pour vous, quelle est la
principale raison de ce creux
?



LAURENT DUFAUX:

Il y a tout simplement moins de
personnes qui veulent s'investir. Au départ des courses juniors
nationales, on n'a aujourd'hui que 50 coureurs, alors qu'avant, on
avait 2 pelotons de 200 jeunes. Comparé à des disciplines plus
attirantes, le vélo sur route demande plus de sacrifices. Il faut
montrer une force de caractère.



tsrsport.ch:

Le Tour de France qui vient en
Suisse peut-il attirer la relève
?



LAURENT DUFAUX:

La Grande Boucle est avant tout
un événement populaire et médiatisé. Ce n'est pas cette image qui
fait venir les jeunes au vélo.

"Une formation helvétique peut ouvrir des portes à
l'étranger"

tsrsport.ch:

A
vos débuts, vous avez pu profiter de l'équipe Helvetia pour percer.
Un team suisse est-il une nécessité
?



LAURENT DUFAUX:

Helvetia, Post Swiss Team et
Phonak ont permis à de nombreux jeunes de passer pro. Même si on
n'était aligné qu'au Tour de Romandie, c'était un très bon
tremplin, car à l'étranger la concurrence est rude. Pour qu'un
Suisse réussisse hors de ses frontières, il faut être soit fort,
soit pistonné. Mais une formation helvétique peut ouvrir des portes
à l'étranger. Reste qu'aujourd'hui, le marché est saturé. Il y a de
plus en plus de coureurs sur le carreau. Pour réussir, il faut
avoir de grandes qualités.



tsrsport.ch:

La formation
helvético-américaine BMC fait-elle le bon choix en se renforçant
pour la saison prochaine
?



LAURENT DUFAUX:

Cette équipe est une chance pour
la Suisse. Andy Rihs, qu'on peut remercier mille fois pour son
engagement, a raison de voir plus haut. Avec des Ballan et autres
Hincapie, ce team pourra être aligné dans les grandes courses. Et
c'est là que les jeunes pourront acquérir de l'expérience.
Maintenant, je trouve inadmissible que BMC n'ait pas été invitée
sur le Tour de Suisse 2009. C'est surtout dommage vis-à-vis des
jeunes, tous motivés de courir chez eux. Ce n'est pas normal, même
si je ne connais pas les raisons.



tsrsport.ch:

Dès mardi auront lieu les
Mondiaux de Mendrisio. Cancellara a annoncé la couleur en voulant
remporter la course sur route. En a-t-il les moyens
?



LAURENT DUFAUX:

Une course mondiale est très
spéciale. L'épreuve peine toujours à se débrider et il ne faut pas
se faire piéger avant la phase finale. S'il veut gagner, Cancellara
devra être vigilant et attendre le dernier moment sur un parcours
très difficile. Face à l'Italie, l'Espagne ou même l'Australie, la
Suisse n'est pas favorite. Albasini peut également être un joker
intéressant pour cette compétition qui est une fête du vélo, et où
il règne une belle ambiance.



Propos recueillis par Sébastien Clément

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Dopage: "c'était devenu une institution"

tsrsport.ch: Le dopage est-il un frein au développement du cyclisme? Ce fléau peut il "tuer" un jour cette discipline?

LAURENT DUFAUX: C'est toujours ce sport qui trinque. Chaque fois qu'il y a une performance, on commence à douter. Mais il y a toujours autant de monde sur les routes. Le public veut du rêve et le cyclisme offre une certaine proximité. Néanmoins, sur le sujet dopage, le cyclisme est en train de se relever. Les moyens mis en oeuvre sont de plus en plus efficaces. Avec le passeport biologique, la marge est restreinte. De plus, les sanctions (suspension de 2 ans, puis à vie) permettent aussi aux athlètes d'en prendre conscience.

tsrsport.ch: Personnellement, vous avez connu l'affaire Festina en 1998 au Tour de France. Comment l'avez-vous vécue?

LAURENT DUFAUX: C'était le pire moment de ma vie, mais elle m'a permis de repartir sur de nouvelles bases. Cela m'a renforcé à tout point de vue. Ce qui me chagrine, c'est d'entendre encore parler de cette affaire. Certes, elle a déclenché la lutte contre le dopage, mais il y a eu d'autres révélations depuis, dont on a moins parlé!

tsrsport.ch: Pourquoi vous étiez-vous dopé?

LAURENT DUFAUX: Au début de ma carrière, cela n'existait pas. Puis, c'était devenu une institution et on était tous à la même enseigne. Cependant, on était libre de le faire ou pas...

tsrsport.ch: Doit-on être dopé pour gagner?

LAURENT DUFAUX: On peut être performant sans prendre de produit, j'en suis persuadé. Mais à ce moment-là, il faut cibler ses efforts. Néanmoins, dopage ou non, je pense qu'on verrait toujours les mêmes athlètes devant. Mais malgré les contrôles, il y a toujours des coureurs qui croient être plus malins. Des tricheurs, il y en aura toujours, c'est à l'image de notre société. Cependant, le cyclisme est sur le bon chemin, avec des contrôles de plus en plus efficace.

tsrsport.ch: Comment expliquer qu'un athlète pincé nie toujours les faits?

LAURENT DUFAUX: C'est une méthode de défense. Quand cela vous tombe dessus, c'est une réaction logique: pourquoi se mettre à genoux, alors que tout le monde le fait... Mais quand on est en garde à vue, la réalité est toute autre!

Laurent Dufaux express

Première chose faite le matin: je me lève et je prends une douche.

Principales qualités: la persévérance et la générosité.

Principal défaut: je suis impatient.

Meilleur souvenir: la naissance de mes enfants.

Pire souvenir: l'affaire Festina.

Votre idole: je n'en ai pas vraiment, mais si je dois en dire une, ce serait Eddy Merckx pour sa carrière mythique.

Pour vous, le cyclisme c'est: la plus grande école de vie.

Si vous n'aviez pas été cycliste: je serais resté dans le sport de toute façon. Mais j'ai choisi le vélo, car mon père m'avait inculqué ses valeurs.

Votre devise: toujours croire en soi, c'est ce qui rend fort.

Le dopage: c'est le cancer du sport.


Les équipes de Laurent Dufaux

1991-1992 Helvetia
1993-1994 ONCE
1995-1998 Festina
1999-2001 Saeco
2002-2003 Alessio
2004 Quick Step-Davitamon


Les principaux résultats du Vaudois

1991
Champion de Suisse sur route
1993
Général et 5e étape du Dauphiné libéré
1994
Général du Dauphiné libéré
2e de la Semaine catalane
1995
Général de la Route du Sud
Général du Tour de Burgos
1996
17e étape du Tour de France
4e du Tour de France
1997
2e de Paris-Nice
1998
Général, proloque, 1ère et 3e étape du Tour de Romandie
Général et 5e étape du Midi libre
1999
4e du Tour de France
2000
3e étape du Tour de Romandie
Vainqueur du Championnat de Zurich
3e du Tour de Romandie
2001
3e étape du Tour du Trentin
2002
1re étape de la Semaine lombarde
4e du Tour de Suisse
2003
3e étape du Tour de Romandie
2e du Tour de Romandie