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Vincent Guérin: "La France a un potentiel intéressant, mais..."

Vincent Guérin était un pion essentiel de l'équipe de France lors de l'Euro 1996. [AFP - Vincent Amalvy]
Vincent Guérin était un pion essentiel de l'équipe de France lors de l'Euro 1996. - [AFP - Vincent Amalvy]
Le coup d'envoi de l'Euro 2016 sera donné vendredi avec l'affrontement entre la France et la Roumanie, à Saint-Denis. Et les Bleus version 2016 abordent le tournoi avec la ferme intention de briller devant leur public. Demi-finaliste de l'Euro avec l'équipe de France en 1996, Vincent Guérin reste cependant mesuré quand on évoque un succès final des hommes de Didier Deschamps.

RTSsport.ch: Vous faisiez partie de l'équipe de France lors de l'Euro 1996. Vingt ans après, quels souvenirs en gardez-vous?

VINCENT GUERIN: J’en garde un très bon souvenir parce qu’on avait fait un très beau tournoi après une campagne de qualifications compliquée. On avait eu beaucoup de difficultés à se sortir d’un groupe qui comprenait la Pologne, l’Azerbaïdjan, Israël, la Slovaquie et la Roumanie de Hagi. J'avais fait mon retour en équipe de France en cours de ces éliminatoires. Un retour qui a coïncidé avec les très bons résultats de l’équipe.

RTSsport.ch: Dans quel état d'esprit étiez-vous arrivés en Angleterre?

VINCENT GUERIN: On avait battu l'Allemagne 1-0 à Stuttgart lors de notre dernier match amical. Cela nous avait donné confiance de battre une grande équipe, qui allait d’ailleurs être championne d’Europe quelques semaines plus tard. On a abordé l'Euro avec une confiance retrouvée et avec des joueurs de talent puisque c’est quasiment la même équipe qui a été sacrée championne du monde en 1998. L’ossature était déjà très bonne.

"L'Euro 1996 a servi pour la Coupe du monde 1998"

RTSsport.ch: Après avoir raté la Coupe du monde en 1994, les Bleus n'avaient pas le droit à l'erreur en Angleterre...

VINCENT GUERIN: Oui, il y avait une certaine forme de pression due à ce contexte et avec des qualifications qui avaient été difficiles. A partir du moment où on s’était qualifié, il y avait un besoin, en tout cas au niveau des médias et de la population, d’aller loin dans ce championnat d’Europe pour valider une bonne compétition avant la Coupe du monde 1998. Il était important de réaliser un beau parcours pour créer une vague de positivisme avant le Mondial en France.

RTSsport.ch: L’Euro 1996 a-t-il servi de préparation grandeur nature pour la Coupe du monde 1998 ?

VINCENT GUERIN: Oui, complètement. Cette expérience de l’Euro a énormément servi à Aimé Jaquet. On était fatigués, un peu usés. Durant un mois et demi, on n’avait pas eu de repos. Au fur et à mesure, il y a eu une usure mentale, une usure physique aussi. Il nous a manqué un peu de fraîcheur sur la fin de la compétition. On s’est entraîné tous les jours, sous pression. Trop sous pression. Il nous a aussi manqué l’apport de nos familles. Ce sont des choses auxquelles Aimé Jaquet a ensuite réfléchi pour adopter un autre chemin, une autre stratégie pour 1998. Cela lui a servi, et la France a été championne du monde deux ans plus tard. Mais nous aurions pu être champions d’Europe. Cela s’est joué à pas grand-chose, mais c’est comme ça.

"Un chantier en défense"

RTSsport.ch: Quel sentiment prédominait après la demi-finale perdue face aux Tchèques?

VINCENT GUERIN: Il y a toujours de la déception quand le parcours s’arrête si près de la dernière échéance. Il y a eu cette déception de s'arrêter là. La demi-finale n’avait pas été d’un grand niveau, on manquait d’essence. Mais nous avions la satisfaction du devoir accompli. Aller en demi-finale quand on voit où on en était 8 mois avant… On était revenu de très loin pour se qualifier. Donc deux sentiments très différents. On était sorti d’un groupe très difficile avec l'Espagne, la Roumanie et la Bulgarie. C’était la poule de la mort. Le format d’un Euro (16 équipes) fait que c’est très difficile. Dès le premier match, vous avez affaire à une nation très forte. Il y a beaucoup de pression d’entrée car le premier match conditionne déjà la qualification pour la suite. Le niveau est très relevé d’entrée lors d’un Euro, contrairement à une Coupe du monde.

RTSsport.ch: L'équipe de France actuelle peut-elle imiter ses aînées de 1984 et 1998 et gagner à la maison?

VINCENT GUERIN: L'équipe de France a un potentiel intéressant et d'avenir. Mais pour aller très loin dans une compétition, il faut avoir une ossature expérimentée et une certaine maturité. Et ce n'est pas ce qui se dégage encore de cette équipe de France. Il n'y a pas vraiment de titulaire indiscutable à part entière. Il y a également un chantier en défense. Les équipes qui vont loin dans une compétition peuvent compter sur un secteur défensif très solide. On peine encore à trouver un quatuor de base chez les Bleus. Il y a beaucoup de points d'interrogation et l'éviction de Mamadou Sakho et les blessures n'ont rien arrangé.

"Les joueurs doivent être exemplaires"

RTSsport.ch: Offensivement en revanche, les Bleus semblent avoir trouvé un patron avec Antoine Griezmann...

VINCENT GUERIN: Il faut l'espérer. Il reste sur une belle progression avec l'Atlético Madrid. Après, l'équipe de France est un autre cap à passer. Mais il est très intéressant, ce qu'il fait à son âge est excellent. Je pense que des joueurs ont bien poussé dans ce secteur,  je pense notamment à Kingsley Coman, qui a fait des entrées intéressantes, que ce soit avec le Bayern Munich ou avec l'équipe de France.

RTSsport.ch: De quoi faire oublier l'absence de Karim Benzema, non-retenu suite à la fameuse affaire de la sextape?

VINCENT GUERIN: Ce qui est malheureux, c'est que ce sont des affaires extra-sportives qui lui ont coûté sa place. Il faut aussi savoir qu'un joueur doit se comporter de manière exemplaire par rapport aux jeunes pousses qui sont les joueurs de demain. En France, on a déjà eu le problème de Knysna en 2010, et cette affaire est dans la continuité. Il faut gommer ces choses-là pour retourner sur le terrain et avoir des joueurs exemplaires et performants.

"Un groupe piégeux"

RTSsport.ch: La décision de Didier Deschamps de ne pas le prendre s'imposait donc d'elle-même?

VINCENT GUERIN: Je pense qu'il n'a pas eu trop le choix. Il y avait une volonté politique de frapper du poing sur la table avec ce qui a eu lieu dans le passé. La tolérance zéro est revenue au goût du jour. Mais c'est un problème qu'a la France: on laisse beaucoup de choses se faire et on revient après s'empêtrer dans des situations qui ne devraient pas exister. On devrait être plus rigoureux, plus disciplinés dans notre vie de tous les jours et dans le sport également.

RTSsport.ch: Un mot enfin sur l'équipe de Suisse, que la France retrouvera le 19 juin deux ans après sa démonstration à la Coupe du monde (réd: victoire française 5-2)?

VINCENT GUERIN: C’est le dernier match de poule, sachant qu’avec le nouveau format de l’Euro, même certains troisièmes de groupes sont qualifiés, il faudra voir où se situent les deux équipes avant le match. J’espère que la France sera déjà qualifiée, cela laissera plus de chances à la Suisse de passer (rires). Maintenant, je pense que c’est un groupe compliqué, piégeux pour tout le monde. On reste sur deux matches sans victoire contre l’Albanie, la Roumanie n’a encaissé que 2 buts en 10 matches de qualifications et la Suisse voudra prendre sa revanche par rapport au Brésil et aura peut-être un résultat à faire sur ce match-là.

Propos recueillis par Axel David - @axel_david7

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Vincent Guérin en bref

Né le 22 novembre 1965 à Boulogne-Billancourt/FRA

Professionnel de 1984 à 2002

Poste: milieu de terrain

Parcours professionnel:
1984-1988: Brest (91 matches/10 buts)
1988-1989: Matra Racing (34/2)
1989-1992: Montpellier (98/2)
1992-1998: Paris Saint-Germain (230/23)
1998-1999: Heart of Midlothian (19/1)
2001-2002: Red Star

19 sélections avec la France (2 buts)

Palmarès en sélection:
Demi-finaliste de l'Euro 1996

Palmarès en club:
Vainqueur de la Coupe des Coupe en 1996
Finaliste de la Coupe des Coupes en 1997
Champion de France en 1994
Vainqueur de la Coupe de France en 1990, 1993 et 1995
Vainqueur de la Coupe de la Ligue en 1995
Footballeur français de l'année en 1995