La foudre s'abat sur le championnat de Suisse à l'été 1985. Champion d'Europe avec la RFA cinq ans plus tôt, Uli Stielike quitte le Real Madrid pour Neuchâtel Xamax. La légende dit que Gilbert Facchinetti a scellé la venue de l'ancien joueur du Borussia Mönchengladbach d'une simple poignée de main, sans signer de contrat, et avec... du chocolat.
"Ce sera à moi de prouver que je mérite l'argent qu'on me paie ici, confie Stielike le 27 juillet 1985 dans les colonnes du Matin. Ensuite, je voudrais devenir champion de Suisse. Je crois qu'aucun joueur n'a jamais gagné le titre national dans trois pays différents."
Arrivé à la Maladière à 30 ans, Stielike restera trois saisons dans la maison rouge et noire jusqu'à sa retraite sportive. Le temps pour lui d'ajouter deux lignes de plus à son prestigieux palmarès avec les titres de champion de Suisse décrochés en 1987 et 1988. Les deux seuls de Xamax à ce jour.
"C'était un coup de tonnerre quand Xamax a annoncé la venue de Stielike, raconte Claude Ryf. Au départ, on croyait à des rumeurs, on ne pensait pas qu'il était possible de faire venir le titulaire du Real Madrid. C'était un joueur fantastique. Il est arrivé directement au camp d'entraînement en Allemagne. On a tout de suite vu quel joueur fantastique c'était. Un joueur de classe mondiale qui ne prend pas une seule fausse décision en 90 minutes de jeu. On pourrait le résumer comme ça: un joueur qui joue toujours juste. Un joueur comme Stielike rend ses coéquipiers plus forts. Je suis persuadé que nous avons chacun gagné 10-15% de qualité en plus. "
"Il est passé d'une organisation comme le Real, qui avait à l'époque 150 employés à plein temps, à un club comme Neuchâtel qui devait avoir un poste et demi en dehors des joueurs, poursuit le défenseur qui a rejoint Xamax en même temps que Stielike. Il a eu des conditions d'entraînement, de matériel, d'attention, qui étaient d'un autre monde. Et je ne l'ai jamais vu avoir un geste de mauvaise humeur quand il manquait quelque chose et que telle ou telle chose était moins bien. Rien que pour ça, j'ai beaucoup de respect pour lui."
Si le vainqueur de l'Euro 1980 a vite mis tout le monde dans sa poche sur le terrain, il a également rapidement conquis ses partenaires en dehors. "Il s'est tout de suite fait des amis et s'est fondu dans l'excellente ambiance qu'il y avait à Neuchâtel, se rappelle Claude Ryf. Il est venu seul au départ, puis sa famille l'a rejoint au bout de deux mois. C'était un homme qui n'était pas facile à aborder pour les supporters ou autres, il devait se protéger. Mais il n'était pas du tout comme ça avec les joueurs. Il y avait des repas et des soirées qui étaient organisés et il venait toujours avec plaisir. On a fait partie de son monde en 24 heures."
Si l'arrivée de Stielike a permis à Xamax de grimper sur le toit du football suisse, elle a aussi permis au club de la Maladière de s'offrir quelques beaux duels sur la scène européenne. Clin d'oeil du destin, le sort place le Real Madrid sur la route de Xamax en Coupe UEFA, quelques mois seulement après l'arrivée de l'Allemand en Suisse.
"Les gens étaient fous lors de son retour, ils lui sautaient dessus et l'embrassaient, confie Claude Ryf. Il a forcé l'admiration lors du match aller à Santiago Bernabeu. Il y avait 100'000 personnes et après quelques minutes de jeu, il a commis une très grosse faute, il a été très agressif pour montrer 'maintenant je suis Neuchâtel Xamax et plus le Real Madrid'. Et il a joué presque tout le match sous les sifflets. Cela m'a beaucoup marqué."