Basket: Imad Fattal et les Lions de Genève: dix ans, dix titres et encore un énorme appétit
Dix ans ont passé, mais le bonhomme n’a pas changé, ou si peu. Il met toujours autant d’énergie à encourager les siens, comme il le faisait déjà au tout début de l'aventure des Lions de Genève, en 2010. Aujourd'hui encore, il termine les matches la chemise détrempée, donnant parfois l'impression de s’être autant dépensé que ses joueurs. C’est sans doute cela la passion. Et Imad Fattal, président de 37 ans, l’assure: il l'a chevillée au cœur et au corps.
Il y a une dizaine de jours dans le duel contre Fribourg Olympic, il a fini par faire tomber le costume. A la 33e minute, alors que "ses" Lions étaient revenus à 54-56 contre le rival fribourgeois, on l'a vu se lever, haranguer ses troupes, tendre le poing pour qu'Olympic trébuche. En vain, puisque Derrick Colter a laissé filer la balle de match. S'il a pris un gros coup sur la tête en voyant sa troupe concéder sa deuxième défaite de l'exercice, l'avocat de métier n'a toutefois pas envisagé une seule seconde de tout envoyer bouler. "J'ai toujours cette fougue et cette joie de venir au match", répète-t-il à l'envi.
Plus jeune président de Ligue nationale à sa prise de pouvoir en 2010, Imad Fattal fait toujours partie, même dix ans plus tard, des benjamins. Mais si l'envie l'anime de la même manière, et peut-être plus encore qu'avant, son caractère a, lui, évolué. "J'ai mûri en tant que président, jure-t-il. Il y a dix ans, à 27 ans, j'étais plus immature, plus impétueux, plus véhément. Je m'indignais souvent. Mais avec l’expérience, j'ai appris à comprendre un peu mieux les choses. Je suis un président plus calme que je ne l'étais à l’époque." Peut-être parce que, depuis, les titres - pas moins de dix - sont venus valider les efforts entrepris pour que Genève, qui s'est longtemps déchiré entre deux équipes (MGS-Grand-Saconnex et les Geneva Devils), ait enfin un porte-drapeau digne de ce nom, un club qui fédère les énergies au lieu de les dilapider.
Ivan Rudez, ancien entraîneur à succès des Lions de Genève, désormais en Bundesliga. [Cyril Zingaro - Keystone]
Le pari entrepris par Imad Fattal est réussi. Sa personnalité a permis de réunir les fonds et les personnes pour que la sphère orange helvétique ne se résume plus uniquement à Fribourg ou Lugano. Un nouveau club s'est invité sur le devant de la scène et n'entend pas le quitter. Ses quêtes sur tous les parquets, en Coupe de la Ligue, Coupe de Suisse et championnat, l'ont placé au sommet. Preuve en est que, sur la décennie écoulée, il est le plus titré du pays. "Cette constance au plus haut niveau est le résultat de beaucoup de travail, se félicite le président, devenu entretemps un mari et un père de deux enfants. C’est une grande fierté. Ce palmarès, on ne pourra jamais nous l'enlever."
Il a pourtant fallu trimer et balayer les préjugés pour en arriver là. Longtemps en effet, les adversaires se moquaient de l'ambition des Lions. Pendant deux ans, on leur a répété qu'ils n’y arriveraient jamais. Un discours absurde qui a poussé les Genevois à faire le poing dans leur poche. Tel un nouveau-né, ils ont dû apprendre. En rampant parfois, en échouant aussi, mais en finissant par marcher, puis courir à vive allure sur les récompenses. Un déclic s'est produit en février 2013 avec la conquête de la Coupe de la Ligue, qui a «déverrouillé» l’armoire à trophées, sous les ordres du troisième entraîneur du club, Ivan Rudez. "C'était le moment le plus fort, concède Imad Fattal, car il s'agissait du premier titre, de celui qui validait tout le boulot fourni depuis 2010. Surtout, à partir de là, plus personne ne pouvait me dire que je n'avais jamais rien gagné. Ce titre a lancé la suite et les autres conquêtes…"
Neuf de plus, dont trois championnats, sont venus se greffer à la carte de visite de Lions qui ont employé cinq coaches avant l’arrivée cet été d'Adnan Chuck. Pas de quoi les rassasier, pourtant. Et leur président encore moins. "J'espère que les prochaines années nous amèneront dix titres, voire davantage encore", affirme-t-il. Prêt, forcément, à mettre toujours autant d’énergie à encourager les siens, à se lever, à haranguer les troupes. Jusqu'en 2030, au moins.
Arnaud Cerutti, Genève - @arnaud_cerutti