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Mujinga Kambundji: "Je fonctionne à l'adrénaline"

Mujinga Kambundji est prête à donner son maximum aux Européens et aux JO. [Jean-Christophe Bott]
Mujinga Kambundji est prête à donner son maximum aux Européens et aux JO. - [Jean-Christophe Bott]
Entre les Européens d'Amsterdam qui débutent mercredi et les Jeux olympiques de Rio en août, l'été s'annonce chargé pour Mujinga Kambundji. Pas de quoi perturber la sprinteuse bernoise, habituée à jongler entre ses études d'économie d'entreprise et l'athlétisme, ainsi qu'entre la Suisse et l'Allemagne où elle s'entraîne.

En ce dernier lundi du mois de juin, Mujinga Kambundji (24 ans) vient tout juste de terminer un examen, lorsqu'elle nous rejoint sur une terrasse ensoleillée à Berne. "Je crois que cela s'est bien passé", lâche-t-elle avec son habituelle décontraction.

Place maintenant à l'athlétisme. Avant de s'envoler pour la capitale néerlandaise, la femme la plus rapide de Suisse s'est confiée avec toute sa spontanéité et sa fraîcheur sur ses ambitions pour ses prochaines compétitions.

"Je sais que je suis forte"

RTSsport.ch: Les Européens approchent à grands pas. Quel regard portez-vous sur votre saison jusqu'ici?

MUJINGA KAMBUNDJI: Mis à part celle de Weinheim où j'ai réalisé mon 2e meilleur chrono (réd: 11"14, le 28 mai), il n'y a pas une course dont je suis satisfaite du début jusqu'à la fin. Parfois, j'ai raté mon départ. D'autres fois, j'ai mal fini ma course, comme à Bellinzone où je me suis crispée sur les 30 derniers mètres. Mais je me sens en forme et je sais que je peux bien courir et faire mieux qu'à Weinheim. Je n'ai pas encore eu l'occasion de le montrer en compétition, c'est dommage. Je me réjouis donc des Championnats d'Europe.

RTSsport.ch: Justement, quels seront vos objectifs à Amsterdam? Une médaille est-elle envisageable?

MUJINGA KAMBUNDJI: Difficile à dire. Je ne sais pas encore qui va s'aligner sur le 100 et le 200m. Cela va aussi dépendre des filles qui seront prêtes à ce moment-là. Je vise la finale. Après, tout est possible. Je sais que je suis forte. Et j'aime bien les Championnats où il y a plusieurs tours. Il y a également un peu plus de tension.

RTSsport.ch: On sent que vous avez besoin de cette tension pour aller vite...

MUJINGA KAMBUNDJI: Oui, je fonctionne à l'adrénaline. J'aime bien cette tension, être nerveuse avant la course. Dans un meeting, si tu loupes ta course, c'est un peu énervant mais ce n'est pas grave car tu peux te rattraper la semaine suivante. Un Championnat, c'est beaucoup plus important. On s'entraîne pour cela. Pour moi, les meetings servent avant tout de préparation. Ce sont les Championnats qui comptent. Si je suis nulle toute la saison mais je réussis mes Championnats, alors je suis satisfaite.

RTSsport.ch: Votre été sera chargé avec les Européens et les Jeux olympiques. Avec quelle performance seriez-vous contente à Rio?

MUJINGA KAMBUNDJI: Si j'estime après ma course que j'ai donné mon maximum, que je n'aurai pas pu faire mieux, alors je serai contente. Le niveau est très élevé. Cela va être compliqué. On l'a vu aux derniers Mondiaux, à Pékin: une athlète avait couru en-dessous des 11 secondes et n'avait pas été qualifiée pour la finale du 100m. Mais je vais donner le meilleur de moi-même à Rio. Mon objectif est d'aller en demi-finale, après on verra ce qui arrive.

RTSsport.ch: Vous aviez participé aux JO de Londres en 2012 avec le relais du 4x100m. Quels souvenirs en gardez-vous?

MUJINGA KAMBUNDJI: C'était immense (sourire)! C'était ma première grande compétition chez les actifs au niveau mondial. Quand je suis entrée dans le stade, je me suis dit "wow!". Il y avait 80'000 spectateurs et l'ambiance était vraiment extraordinaire. Je me réjouis de revivre cette ambiance. Le village olympique m'a aussi impressionnée. Tous les sportifs sont réunis en un endroit, on peut manger ce qu'on veut 24 heures sur 24... C'est incomparable. Je me réjouis aussi de la compétition évidemment. Il y a 4 ans, j'ai connu une bonne expérience avec le relais. Là, je vais m'aligner en individuel. J'espère que je vais pouvoir courir plusieurs fois dans le stade pour profiter le plus possible, car à Londres, je n'avais pu le faire qu'à une reprise.

Un cap franchi à Mannheim

RTSsport.ch: Après ces JO, en 2013, vous avez décidé de partir vous entraîner à Mannheim, en Allemagne. Pourquoi?

MUJINGA KAMBUNDJI: Je n'étais plus satisfaite des infrastructures en Suisse. A Mannheim, ils ont une salle dédiée à l'athlétisme avec une piste de 200m et un tunnel juste à côté, où l'on peut s'entraîner pour le 100m. En Suisse, on n'a rien de comparable. Cela m'énervait lorsqu'on devait sortir pour s'entraîner en hiver. La neige, le froid... Ce ne sont pas des conditions optimales pour le sprint. Je recherchais aussi un entraîneur professionnel et un groupe avec des filles plus rapides que moi. J'ai trouvé tout cela à Mannheim.

RTSsport.ch: Votre départ en Allemagne vous a permis de franchir un cap...

MUJINGA KAMBUNDJI: C'est vrai. En Suisse, je m'entraînais 5 fois par semaine. Maintenant, je m'entraîne 6 à 8 fois. J'ai gagné en muscles et j'ai aussi beaucoup changé ma technique, ce qui m'a permis de devenir plus rapide.

"Je ne parle jamais de limites"

RTSsport.ch: Depuis 2014, vous alignez les bonnes performances. Ressentez-vous davantage de pression?

MUJINGA KAMBUNDJI: Les gens attendent beaucoup de ma part, c'est sûr. Mais ils comprennent aussi que je ne peux pas battre un record à chaque fois. Cela me motive lorsque je cours en Suisse et que je sens le public derrière moi. A Zurich, aux Européens, tout le monde me soutenait. J'en avais la chair de poule.

RTSsport.ch: Vous avez la réputation d'être plutôt une "bête de course" qu'une férue d'entraînements...

MUJINGA KAMBUNDJI: Oui (rires). A l'entraînement, je me fais souvent battre par mes copines. En compétition, c'est hors de question! Mon entraîneur me dit parfois: "cours plus vite!". Mais je ne fais pas exprès... Il y a comme une limite à l'entraînement. Je n'arrive pas à me concentrer de la même façon qu'en compétition, je ne ressens pas la même tension.

RTSsport.ch: Quelles sont vos limites? Jusqu'où pensez-vous pouvoir aller?

MUJINGA KAMBUNDJI: Je ne parle jamais de limites! Comme j'ai déjà couru en 11"07, je pense à des temps en dessous des 11 secondes, bien sûr. C'est compliqué, il faut avoir toutes les conditions réunies pour faire une bonne course, mais c'est possible. J'espère en tout cas continuer à m'améliorer chaque année et à prendre du plaisir. On verra si cela me mène à une finale olympique ou à une médaille européenne!

Propos recueillis à Berne par Jennifer Ballmer - @jenni_ballmer

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De retour en relais l'année prochaine?

En mars dernier, Mujinga Kambundji a annoncé qu'elle se retirait du cadre du relais pour la saison 2016. "Le relais nécessite beaucoup d'investissement, explique-t-elle. Cela devenait un peu compliqué de gérer mes entraînements individuels et ceux du relais." Une divergence entre le point de vue du coach du relais Laurent Meuwly et le sien l'a poussée à se concentrer sur l'individuel cette année.

La porte n'est toutefois pas fermée du côté de la sprinteuse. "J'ai toujours aimé courir le relais. J'espère pouvoir le recourir l'année prochaine, si les conditions changent et me conviennent."

L'athlétisme, une affaire de soeurs chez les Kambundji

Sans sa grande soeur Kaluanda (25 ans), Mujinga Kambundji ne serait peut-être pas aujourd'hui la femme la plus rapide de Suisse. C'est en effet en voulant imiter son aînée que Mujinga a commencé à courir. "Des enfants de mon quartier pratiquaient l'athlétisme. Ma grande soeur les a rejoints. Comme je voulais faire comme elle, je m'y suis mise aussi".

A 8 ans, la Bernoise s'est retrouvée aux avant-postes. "Avec ma soeur, nous nous étions inscrites à notre première course par le biais de notre école. J'avais terminé 2e! Et l'année suivante, j'ai gagné." Son âme de compétitrice n'était déjà pas loin. "J'adorais faire des courses, car j'étais la plus rapide et je gagnais des médailles. J'aimais la compétition. J'ai donc continué à pratiquer l'athlétisme."

Ses deux petites soeurs, Muswama (20 ans) et Ditaji (14 ans), ont elles aussi été touchées par le "virus" de l'athlétisme. "Les deux petites ont voulu faire comme leur grande soeur", explique Mujinga. Championne de Suisse chez les U20 sur le 200m, Muswama figure parmi les meilleurs espoirs helvétiques. La relève est donc assurée chez les Kambundji.

Mujinga Kambundji express

Film préféré: je regarde plutôt des séries. J'adore Grey's Anatomy.

Musique préférée: le hip-hop, le r'n'b et le dancehall.

Plat préféré: les grillades.

Passion: j'adore passer du temps avec mes amis et ma famille. J'aime aussi voyager. Grâce à l'athlétisme, j'ai eu la chance de visiter des endroits où je ne serais pas forcément allée.

Un/une idole: Allyson Felix. Depuis que je suis l'athlétisme, elle est au top. Elle a montré qu'on peut être rapide, tout en étant fine. J'aime aussi Sanya Richards pour son image et son attitude.

Qualité: je suis très spontanée et je pense que je ne suis pas une fille compliquée. J'arrive aussi à m'adapter vite aux différentes situations.

Défaut: je suis un peu paresseuse (rires). A cause de cela, je suis parfois en retard et j'ai tendance à remettre au jour suivant ce que je dois faire.

Pire souvenir: la finale du relais aux Européens de Zurich, il y a 2 ans. A cause de mon erreur, les autres filles ont souffert, pas seulement moi.

Meilleur souvenir: le 100m et le 200m à Zurich. Même si j'ai fait de meilleurs résultats aux Mondiaux de Pékin, c'est là où j'ai franchi un cap, où j'ai fait des courses vraiment abouties.

Mujinga Kambundji en bref

Née le 17 juin 1992 à Uetendorf (BE)

Club: ST Berne

Palmarès:
Sextuple championne de Suisse du 100 m (2009/11/12/13/14/15)
Quintuple championne de Suisse du 200 m (2009/12/13/14/15)

Détentrice du record de Suisse du 100 m (11"07)
Détentrice du record de Suisse du 200 m (22"64)
Détentrice du record de Suisse avec le relais 4 x 100m (42"94)

Championnats d'Europe de Zurich 2014: 4e du 100m et 5e du 200m
Mondiaux de Pékin 2015: 13e du 100m et 10e du 200m