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Pourquoi l’Afrique de l’Est est-elle si sensible à la Niña ?

Régions de la corne de l'Afrique touchées par l'insécurité alimentaire entre octobre 2022 et janvier 2023 [Kos-Wikipedia/fews.net]
Régions de la corne de l'Afrique touchées par l'insécurité alimentaire entre octobre 2022 et janvier 2023 - [Kos-Wikipedia/fews.net]
Selon un récent communiqué de l’Organisation Météorologique Mondiale, la Niña continuera de produire ses effets cet hiver, notamment sur la Corne de l’Afrique, où sévit actuellement une sécheresse exceptionnelle. Pourquoi la région est-elle si sensible au phénomène? Explications.

Pour la cinquième année consécutive, les cumuls de précipitations ont été particulièrement faibles sur la Corne de l’Afrique pendant la saison des pluies, entre octobre et décembre.  Plus de 20 millions de personnes se trouvent aujourd’hui dans une situation d’insécurité alimentaire élevée au Kenya, en Somalie et en Éthiopie. Certaines populations pourraient même être confrontées à la famine d’ici à la fin de l’année.

Climat aride et sensible aux grandes fluctuations sur la corne de l'Afrique

La corne de l’Afrique se caractérise par climat tropical chaud avec des quantités de précipitations assez variables d’une région à l’autre. Les zones les plus sèches se trouvent au Nord-est avec des cumuls annuels ne dépassant pas les 50 mm ; les zones les plus humides se trouvent au Nord-ouest avec des cumuls annuels allant jusqu’à 1800mm.

Classification des climats. En rouge, les zones arides. [Wikipedia/University of East Anglia]

Les pluies se produisent généralement pendant deux périodes, de mars à fin mai et d’octobre à fin novembre. Indépendamment des épisodes de type El Niño ou la Niña, elles n’ont pas toujours la même intensité d’une année à l’autre et dépendent beaucoup de la mousson et des fluctuations de la zone de convergence intertropicale.

La Niña accentue la sécheresse sur la corne de l’Afrique

Lors des épisodes de type la Niña, l’alizé a tendance à se renforcer, ce qui déplace les eaux chaudes qui se trouvent à la surface du Pacifique équatorial, vers l’Indonésie et le Nord de l’Australie. Par le biais de l'évaporation, les quantités d'humidité augmentent dans l'atmosphère au-dessus de ce régions, ce qui amène de fortes quantités de précipitations. Le phénomène prend une telle ampleur qu'il provoque la formation d’une vaste zone dépressionnaire qui attire toute l’humidité environnante.

Anomalies de précipitations prévues entre décembre 2022 et février 2023 (source OMM). [OMM - Wikipedia]

L'intensité du phénomène varie d’un épisode à l’autre mais il provoque généralement un assèchement important de l’atmosphère sur les régions situées à l’Ouest de l’Indonésie et de l’Australie, notamment le long de la convergence intertropicale où se rejoignent l’alizé de Nord-est et l’alizé de Sud-est. D’où les déficits de précipitations sur la corne de l’Afrique.

La sécheresse est d'autant plus marquée que l'épisode de la Niña en cours a commencé il y a près de trois ans, en 2020. Ce qui est assez rare : trois épisodes triennaux seulement ont été répertoriés ces cinquante dernières années. Le graphique ci-dessous montre l'alternance des épisodes de type el Niño et la Niña depuis 1992.

Alternance des épisodes de type el Niño (orange) et la Niña (bleu) depuis 1992. [NOAA - Wikipedia]

Pas de retour à la normale avant mars 2023

Selon les dernières projections des grands centres de prévisions, la probabilité que des conditions de type la Niña se maintiennent entre décembre et janvier est de 75%. Elle passe à 60% pour la période janvier-mars 2023, ce qui signifie que le retour à des conditions neutres est envisageable à partir de mars 2023 (voir ci-dessous).

Probabilités de conditions de type la Niña (bleu), el Niño (rouge) ou neutres (gris) entre novembre 2022 et août 2023 [NOAA - Wikipedia]

En attendant, des conditions de temps anormalement sec devraient persister entre Mozambique et l'Éthiopie jusqu'au mois de février, d'où le cri d'alarme lancé par de nombreux organismes comme l'ONU, l'OMM ou le CICR.  L'Inde, la Chine, le Sud des Etats-Unis, le Mexique, l'Argentine et le Chili devraient également connaître des déficits pluviométriques.

Philippe Jeanneret

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