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Les différents temps de la saint Martin

Saint Martin de Tours partageant son manteau, miniature du XVIème siècle [Wikipedia/Blibliothèque en ligne Gallica - Guy Rouiller]
Saint Martin de Tours partageant son manteau, miniature du XVIème siècle - [Wikipedia/Blibliothèque en ligne Gallica - Guy Rouiller]
Le nom de saint Martin est souvent associé aux périodes de redoux qui se produisent à la fin de l’automne. Mais aussi surprenant que cela puisse paraître l’histoire du personnage et le contexte dans lequel il a évolué montrent qu'il peut également être associé aux hivers rigoureux. Explications.

Saint-Martin de Tours, appelé également Martin le Miséricordieux ou saint Martin des Champs est né à Savaria dans la province romaine de Pannonie (actuelle Hongrie) en 316 après J-C. Il meurt à Candes, en Gaule, le 8 novembre 397 à l’âge respectable de 81 ans.

Fils d’un tribun militaire de l’Empire romain, Martin passe une partie de son enfance à Pavie, dans le Nord de l’Italie, où il se trouve vraisemblablement en contact avec des chrétiens à l’école, ce qui le pousse à se convertir. Son père ne l’entend cependant pas de cette oreille et le force à s’enrôler dans l’armée romaine.

Il mène alors une existence de simple soldat avec le grade de circitor, dont la mission est de mener la ronde de nuit et d’inspecter les postes de garde de la garnison. Ne reniant pas pour autant sa foi, Martin se rend célèbre un soir de l’hiver 334 en partageant son manteau militaire (la chlamyde, faite d’une pièce de laine rectangulaire) avec un miséreux transi de froid.

Saint Martin de Tours partageant son manteau - Façade de la cathédrale d'Angoulême [Wikipedia]
Saint Martin de Tours partageant son manteau - Façade de la cathédrale d'Angoulême [Wikipedia]

La nuit suivante, le Christ lui apparaît en songe vêtu de ce même manteau, ce qui le décide à se faire baptiser. Dans la symbolique, le partage du manteau n’est pas seulement un geste d’humanité, c’est aussi un geste qui révèle le Christ à la fois homme et dieu.

Martin renonce à la vie militaire en 356 et suit les enseignements d’Hilaire, évêque de Poitiers.  Un peu plus tard, il est contraint par les Tourangeaux à devenir leur évêque ; il accepte cette tâche pastorale tout en continuant la vie monastique avec la fondation de Marmoutier.

D’après les récits, il évangélise les campagnes et accomplit de nombreux miracles, notamment des résurrections. Il s’éteint en 397 à Candes, à la confluence de la Vienne et de la Loire. Son corps est ramené à Tours où il est inhumé quelques jours plus tard. D’où sa commémoration tous les 11 novembre.

La vie de Martin est relatée par l’un de ses disciples, Sulpice Sévère, avant même sa mort. Un véritable défi pour l’époque, d’autant qu’il s’agit du premier Saint qui ne soit pas mort en tant que martyr.

Le succès de l’entreprise est lié au fait que Sulpice Sévère soit à la fois un avocat un rhéteur et un grand écrivain. Mais il est vrai que la situation des chrétiens s’est considérablement améliorée dans l’empire romain, avec la publication de l’édit de Milan par Constantin, en 313, qui met fin aux persécutions et autorise le christianisme.

Contexte climatique particulier au IVème siècle après J-C.

Certes, la notoriété de saint Martin est due à la personnalité de ce dernier et aux talents de narrateur de Sulpice Sévère. Mais le fait que l’épisode du manteau se produise pendant une période où le climat commence à se refroidir dans l’Empire romain, a peut-être également joué un rôle :

Des reconstitutions à partir de cernes d’arbres anciens, de sédiments lacustres, de dépôts minéraux dans des cavités naturelles et d'autres données indirectes montrent un fléchissement des températures pendant le IVème siècle après J-C.

Reconstitution des températures moyennes de l'antiquité à nos jours [wsl-junior.ch - Bernard Favre]
Reconstitution des températures moyennes de l'antiquité à nos jours [wsl-junior.ch - Bernard Favre]

Ce refroidissement pourrait être lié à une diminution de l’irradiation solaire, qui aurait provoqué un changement dans la circulation générale des courants. D’où l’avènement d’hiver plus froids, synonymes de précarisation pour les couches les plus pauvres de la population romaine.

Association avec les redoux automnaux au fil du temps

Saint-Martin aurait pu incarner les grands froids à l’image de saint Mamert, saint Pancrace et saint Servais mais sa légende et le calendrier des Saints en ont voulu autrement :

On raconte en effet que les tourangeaux ont embarqué la dépouille de saint Martin pour le ramener à Tours. Lors de la remontée de la Loire du bateau funéraire, au lieu-dit « le port d’Ablevois », les buissons des rives se couvrirent de fleurs blanches, d’où l’expression « l’Été de la Saint-Martin ».

Carte de vœux de la Saint-Martin, Erfurt (1913) [Wikipedia - Private collection of Wolfgang Sauber (Xenophon)]
Carte de vœux de la Saint-Martin, Erfurt (1913) [Wikipedia - Private collection of Wolfgang Sauber (Xenophon)]

La commémoration de saint Martin, le 11 novembre, coïncide par ailleurs avec des périodes de redoux à la fin de l’automne, où les températures atteignent souvent les 15°C en plaine, voire 20°C dans les régions à foehn. Le phénomène a pris une ampleur particulière depuis la fin Petit Âge Glaciaire, il y a un peu plus d’un siècle, ce qui a créé un lien fort avec le personnage, au détriment des grands froids…

Saint-Martin, emblématique en Suisse également

Saint-Martin jouit d’une grande notoriété en Europe, la Suisse ne fait pas exception :

Il est le patron de la ville de Vevey qu'il aurait traversée lors de ses périples. Une foire annuelle d'automne y porte son nom : elle existe depuis plus de cinq siècles et a lieu le mardi le plus proche du 11 novembre.

Il donne son nom à une célèbre fête gastronomique en Ajoie, perpétuée chaque année lors du deuxième dimanche après la Toussaint. Il est également avec saint Sebastien et Saint Nicolas de Flue l’un des saints patrons de la garde suisse pontificale.

Philippe Jeanneret

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