Le froid et la bise contribuent à la qualité des eaux
A l’instar de ce qui se passe dans l’atmosphère, la densité de l’eau dépend de sa température. Plus cette dernière est basse, plus la densité de l’eau est élevée. En été, le réchauffement des zones de surface conduit peu à peu la formation de couches de températures différentes. Lesquelles se superposent les unes par rapport aux autres avec la particularité de ne pas se mélanger, les couches les plus froides se trouvant au fond du lac (voir ci-dessous).
Evolution des températures lacustres en été et en hiver [Christian Gauthey - OFEV]
En hiver, c’est l’inverse qui se produit : la couche supérieure se refroidit, atteignant une densité élevée, ce qui lui permet de gagner le fond du lac en créant des mouvements verticaux.
La qualité des eaux dépend beaucoup de ce phénomène dans la mesure où il permet d’oxygéner les eaux profondes et d’éviter les phénomènes d’eutrophisation. L'eutrophisation est due à un apport exagéré de substances nutritives (notamment le phosphore) qui augmentent la production d'algues. Or c'est justement la décomposition et la minéralisation de ces dernières qui consomment de l'oxygène dissous, conduisant à un déficit d'oxygène, particulièrement dans les eaux profondes.
Pour assurer un bon brassage, la température de l'air doit être négative pendant un certain nombre de jours. La présence de vent joue également un rôle par les mouvements qu’il induit à la surface des eaux. Ces mécanismes doivent s'étaler sur de longues périodes, compte tenu de la profondeur du Léman et du volume des eaux contenues.
Oxygénation des eaux profondes de plus en plus faible depuis 2012
L’avènement d’une vague de froid de forte ampleur et la présence de vents de Nord-est assez soutenus ont contribué à un bon brassage des eaux du Léman pendant l’hiver 2011-2012. Mais depuis, les conditions n’ont plus été aussi optimales. Au fil des ans, la teneur en oxygène des eaux profondes n’a fait que diminuer selon les derniers rapports de la Commission internationale pour la protection des eaux du Léman (CIPEL), ce qui a favorisé les processus d’eutrophisation.
Teneur en oxygène des couches profondes du Léman entre 2012 et 2021 [Francisco-José Cervero - Cipel.org]
La présence de fortes concentrations de phosphore dans le Léman a été un des facteurs clé de la prolifération d’algues brunes (uroglena) à la surface du Grand et du Haut-lac en septembre 2021. Ces algues n’étaient pas toxiques, les conséquences pour les populations vivant autour du Léman n’ont pas été graves. Il en aurait été autrement avec d’autres variétés...
Jusqu’à présent, les températures ont souvent été négatives en fin de nuit ou en début de journée sur les stations des rives lémaniques, la bise a par régulièrement soufflé sur le Plateau, ce qui a favorisé le brassage.
Prévision de températures et de vents à 1500 entre le 17 janvier et le 2 février 2022 [Prévision de températures et de vents à 1500 entre le 17 janvier et le 2 février 2022 - Prévision d'ensemble - GFS]
Mais rien n’est encore joué : l’efficacité du phénomène dépend beaucoup de sa durée dans le temps. Dans l’idéal, il faudrait que les températures restent hivernales jusqu’à la fin du mois de février et que la bise revienne le plus souvent possibles sur le Plateau. De fait, les dernières sorties de modèles montrent la persistance de conditions froides et parfois venteuses jusqu'à la fin du mois (voir ci-dessus). Pour février, l'évolution reste incertaine...
Philippe Jeanneret, avec le concours de Lionel Fontannaz de Météosuisse