Si l’importance des cours d’eau permanents est reconnue, les rivières et les cours d’eau non pérennes ont tendance à être sous-estimés, voire ignorés. Une équipe de chercheurs de l’INRAE et de l’Université McGill s’est appuyée sur des données concernant le climat, l’hydrologie, la géologie et l’utilisation des réseaux fluviaux pour dresser une cartographie unique des cours d’eaux permanents et non pérennes. Les conclusions de l’étude ont été publiée le 16 juin dans la revue Nature.
Les analyses, qui couvrent de 64 millions de kilomètres de cours d’eau, révèlent que dans 51 à 60% des cas, les cours d’eau cessent de couler au moins un jour par an en moyenne. Ce qui démontre que les rivières et les ruisseaux non pérennes sont la règle plutôt que l'exception sur Terre (illustration ci-dessous).
Les cours d’eau non pérennes se trouvent dans tous les climats et biomes, et sur tous les continents. L’étude suggère que plus de la moitié de la population mondiale vit dans des endroits où le débit du cours d'eau le plus proche n’est pas assuré toute l’année. Les zones le plus sensibles se situent en Afrique, sur le Nord du continent américain, le centre de l’Asie, l’Inde ou en Australie.
La Suisse n’est pas épargnée: certains cours d’eau comme le Doubs, qui fait frontière entre la Suisse et la France, se trouvent quasi à sec par endroits à la fin de l’été, ce qui pose d’importants problèmes d’approvisionnement en eau. Le magazine Temps Présent y a consacré un sujet au mois de mai.
L’étude relève également que de nombreux cours d'eau autrefois pérennes sont devenus intermittents au cours des 50 dernières années. Le phénomène touche même des sections de fleuves aussi emblématiques que le Nil et le Colorado. Cette évolution s’explique par le réchauffement climatique mais également par le problème de la gestion des cours d’eau pour répondre aux besoins des populations, de l’agriculture, de l’industrie ou de l’énergie.
Les rivières et ruisseaux intermittents abritent une biodiversité unique, composée de nombreuses espèces adaptées aux cycles de présence et d'absence d'eau. Ils jouent également un rôle important dans le contrôle de la qualité de l'eau et fournissent des sources d'eau et de nourriture essentielles pour les populations.
En mettant l’accent sur la prévalence des cours d’eau non pérennes, les chercheurs espèrent sensibiliser les décideurs sur l’importance d’une gestion ciblée et appropriée des ressources en eau. Gestion d’autant plus nécessaire que la proportion non pérenne du réseau fluvial mondial devrait augmenter au cours des prochaines décennies.
Philippe Jeanneret, avec la revue Nature