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Simone Veil est désormais "immortelle"

Simone Veil hérite du fauteuil numéro 13, celui de Racine.
Simone Veil hérite du fauteuil numéro 13, celui de Racine.
Simone Veil a fait son entrée jeudi après-midi à l'Académie française, devenant ainsi la sixième "immortelle" dans l'histoire de cette prestigieuse institution française.

Agée de 82 ans, l'ancienne ministre, rescapée de la Shoah, a
toujours mené une vie de combats, d'abord de la mémoire, puis de la
cause des femmes et de la construction européenne. Un parcours qui
en a fait l'une des personnalités préférées des Français.



"Même si l'Académie française, dès sa naissance, a toujours
diversifié son annuaire (...), elle demeure à mes yeux le temple de
la langue française", a-t-elle souligné en introduction. "Or,
n'ayant moi-même aucune prétention littéraire, tout en considérant
que la langue française demeure le pilier majeur de notre identité,
je demeure surprise et émerveillée que vous m'ayez conviée à
partager votre combat".

Hommage à son père

Sous les yeux de trois présidents de la République - Nicolas
Sarkozy et ses prédécesseurs Valéry Giscard d'Estaing et Jacques
Chirac - et vêtue du costume vert de l'Académie signé Chanel et
dessiné spécialement par Karl Lagerfeld, Simone Veil, 82 ans, a
poursuivi en expliquant que son père "révérait la langue française"
et qu'il "serait ébloui que sa fille vienne occuper ici le fauteuil
de Racine".


Dans un discours d'un peu moins d'une heure, Simone Veil a souligné
que l'Académie française était "solidement marquée par un
compagnonnage entre l'esprit des lettres et l'esprit des lois qui
cheminent en France bras dessus, bras dessous". "On croise ici
toute une procédure et un vocabulaire qui me sont familiers et
m'inclinent à penser que je me trouve bel et bien au coeur d'une
assemblée, c'est-à-dire dans un lieu où se réunissent des hommes et
des femmes qui considèrent que l'avis de plusieurs sera plus riche
et mieux motivé que celui d'un seul", a-t-elle ajouté.

Et hommage à son prédécesseur

Comme le veut la tradition, l'ancienne ministre d'Etat, qui
s'était battue pour légaliser l'avortement, a fait l'éloge de son
prédécesseur dans le 13e fauteuil de l'Académie, l'ancien Premier
ministre Pierre Messmer, saluant son sens du service de la nation,
"un héritage à méditer et à saluer". Elle a aussi salué "cette
sagesse, cette indifférence aux qu'en-dira-t-on, à la loi des
médias" et en offrant une véritable leçon de ce qui est pour elle
le service civique. "Un devoir parfois ingrat incombe à l'homme
politique.



Quand il accepte un mandat ou une mission, sa personne et ses
sentiments doivent s'effacer. Il se doit de définir et d'appliquer
la politique la plus conforme à l'intérêt général. Une part de la
grandeur de ce métier-là, cela s'appelle le courage. (...) Un homme
politique ne doit pas chercher à plaire, mais à agir", a-t-elle
affirmé.

Amitié franco-allemande

L'ancienne présidente du Parlement européen est enfin revenue
sur son attachement à la construction européenne et au couple
franco-allemand, s'estimant "heureuse de devenir aujourd'hui dans
cette enceinte l'un des porte-parole de cette idée européenne qui
illustre depuis ses origines l'Académie". Citant Victor Hugo, tout
juste élu à l'Académie française en 1841 et qui avait ébauché un
projet d'union européenne, elle a rappelé que France et Allemagne
sont "frères dans le passé, frères dans le présent, frères dans
l'avenir". "Fraternité et avenir, sous l'égide de ces beaux mots,
tout naturellement chez vous, je suis fière d'être reçue par votre
compagnie", a-t-elle conclu.



Simone Veil est la sixième femme à rejoindre l'Académie française
depuis sa création en 1635 par le cardinal de Richelieu. Cette
institution qui a pour mission la défense de la langue française
compte 40 membres nommés à vie et connus sous le nom
d'"immortels".



afp/ther

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Discours de réception de Jean d'Ormesson

Jean d'Ormesson a prononcé le discours de réception de Simone Veil. Celui qui avait déjà accueilli Marguerite Yourcenar en 1981, première femme à avoir été élue sous la Coupole, a cette fois-ci rendu hommage à la femme de "courage", à son "indépendance", à ses "convictions", "jamais partisanes", à la "féministe" qui suscite "admiration" et "affection".

L'écrivain a commencé son discours émouvant, de près d'une heure, par des vers de Racine, qui siégea dans ce même 13e fauteuil. Il a raconté la vie de la famille de l'académicienne, avec en fil rouge, la Shoah, "l'enfer", qui a tué son père, son frère et sa mère et a imprégné sa "détermination", son "caractère", ses "choix", son "parcours dans la magistrature" et en politique, quelle que soit "l'agitation des esprits".

L'homme de lettres a salué celle "qui a traversé vivante le feu de l'enfer" et qui est devenue une figure "de proue en avance sur l'Histoire".