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Il y a cinq ans, le "grounding" de Swissair

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Le 2 octobre 2001, les avions de Swissair n'ont pas pu décoller
Le 2 octobre 2001 restera sans doute la journée la plus sombre de l'économie suisse avec l'immobilisation de la flotte de Swissair, le groupe se trouvant alors à cours de liquidités. Une débâcle qui n'a toujours pas été digérée.

Un juge devra finalement décider de la responsabilité du
«grounding» intervenu ce sombre mardi d'automne. Le dernier patron
du groupe failli, Mario Corti, et les deux grandes banques UBS et
Credit Suisse n'ont depuis cessé de se rejeter la balle.



Mais beaucoup semblent oublier que la déconfiture de Swissair
trouve son origine en 1992. Conséquence du non du peuple à une
adhésion de la Suisse à l'Espace économique européenn (EEE), la
compagnie se voit alors interdire le libre accès au ciel
communautaire. Pour surmonter cet obstacle, l'entreprise, qualifiée
alors de «banque volante», va se lancer au début des années 90 dans
une stratégie d'expansion aggressive, celle dite du «chasseur».

Folie des grandeurs

Expert en tourisme et professeur à la Haute Ecole de St-Gall,
Thomas Bieger parle d'une stratégie trop étendue. Swissair a payé
ses acquisitions trop cher et a en plus dû soutenir financièrement
les compagnies reprises.



De l'avis de Jürgen Scharrer, rédacteur en chef du magazine
spécialisé allemand «Touristik Report», les dirigeants de Swissair
ont été atteints de «mégalomanie». Ils n'ont pas tenu compte des
avertissements. Et même lorsque le constat d'échec de la stratégie
du chasseur est posé avec la démission en janvier 2001 du patron du
groupe Philippe Brüggisser, peu du choses vont changer.

Réaction trop tardive

Le mouvement de machine-arrière est intervenu de manière «trop
tardive et trop hésitante», estime Thomas Bieger. La nouvelle
direction entrée en fonction au printemps sous la houlette de Mario
Corti n'a apporté que des «corrections bénignes».



Selon Isaak Meier, professeur à l'Université de Zurich et
spécialiste du droit des faillites, si la législation suisse en la
matière était à l'image de celle des Etats-Unis, le sort de
Swissair ne se serait pas joué le jour de l'immobilisation de sa
flotte. Et la compagnie «aurait évidemment pu être sauvée».



A ce titre, I.Meier évoque le droit des faillites américain avec
son célèbre chapitre 11. Ce dernier permet à une entreprise en
difficulté de poursuivre ses activités commerciales en toute
indépendance, sous la surveillance du juge à la faillite. La
société peut dès lors négocier des accords avec ses créanciers
ainsi que d'autres concessions avec ses collaborateurs, comme des
réductions de salaires.

Sans financement public

Dans un tel cas de figure, «on aurait pu redimensionner Swissair
et en conserver les parties saines. Certes cela s'est déroulé avec
la solution Crossair qui a été retenue. Mais avec un article
identique au chapitre 11 américain, il n'aurait pas été nécessaire
d'injecter plusieurs milliards des fonds publics, soit l'argent du
contribuable», relève I.Meier.

Intérêts des créanciers

D'ailleurs, le professeur zurichois doute que l'actuelle
liquidation de Swissair selon la loi suisse ne protège mieux les
intérêts des créanciers. Le dividende qui leur sera versé ne sera
que «modeste». Et puis de nombreux emplois ont disparu et certains
salaires ont été sensiblement revus à la baisse.



Motivée par la peur des prétentions des créanciers, la décision
d'octroyer le sursis concordataire à Swissair a été prise de
manière précipitée, selon M. Meier. La crainte que les appareils de
la compagnie se trouvant sur sol étranger soient saisis afin de
régler des dettes n'était pas justifiée. «Les lois s'appliquent
aussi en Belgique», note I.Meier, se référant à Sabena, la filiale
belge du groupe suisse.



Isaak Meier est membre d'un groupe de huit experts élaborant des
propositions de révision de la législation en matière
d'assainissement financier. Elle devrait rendre son rapport final à
l'Office fédéral de la justice à fin 2007.



agences/stp

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L'exemple américain

Aux Etats-Unis, plusieurs transporteurs aériens ont bénéficié de la protection de la loi sur les faillites après les attentats du 11 septembre 2001.

En défaut de paiement durant deux années, US Airways a eu recours deux fois au chapitre 11.

Et ses appareils, tout comme ceux de Delta, Northwest et United Airlines également placé sous la protection du chapitre 11, volent aujourd'hui. Swissair, pour sa part, n'existe plus.

Les procès en vue

Cinq ans après l'immobilisation de la flotte de Swissair, les travaux portant sur les conséquences juridiques et financières de la débâcle de la compagnie aérienne se poursuivent.

Un premier procès pénal relatif à l'affaire s'ouvrira le 16 janvier 2007 à Bülach (ZH). Dans le cadre de cette procédure, 19 personnes comparaîtront devant la justice zurichoise.

Parmi les accusés figurent notamment les 3 derniers patrons du groupe Swissair, ses 2 derniers responsables des finances ainsi que ses administrateurs.

Long de 100 pages, l'acte d'accusation porte sur les délits de gestion déloyale, gestion fautive, faux dans les titres et faux renseignements sur des entreprises commerciales.

Dans l'intervalle, le ministère public de Zurich prépare un deuxième procès, dont l'acte d'accusation est annoncé pour l'an prochain. Dans ce second acte de l'affaire, la justice zurichoise se penchera plus particulièrement sur la présentation des comptes du groupe de transport aérien.