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Un avis mortuaire en guise de dernière Une pour la version papier du Matin

Un avis mortuaire en noir et blanc en guise de dernière Une pour la version papier du quotidien Le Matin. [RTS - Didier Kottelat]
Un avis mortuaire en guise de dernière Une pour la version papier du Matin / Le 12h30 / 2 min. / le 21 juillet 2018
Sa Une sobre et livide en forme d'avis mortuaire ne laisse place à aucun doute, Le Matin ne se lèvera plus. Le quotidien orange publie samedi son dernier numéro papier avec émotion. Sur le front social, la menace d'une nouvelle grève est agitée.

Sur soixante-quatre pages, les membres de la rédaction du Matin offrent à leurs lecteurs leurs derniers scoops, leurs ultimes révélations, leurs papiers finaux. Ils parlent de leurs aventures quotidiennes ou extraordinaires, expliquent l'ADN orange, leurs rencontres inoubliables. Chacun y a mis son grain de sel, affirme Simon Koch, rédacteur en chef adjoint, dans son édito.

En feuilletant cette édition qui s'annonce déjà collector, on rencontre tous les corps de métiers liés au canard: de la production au service photo en passant par les graphistes sans oublier les livreurs et poseurs de manchettes, les kiosques, et bien sûr les journalistes. Eux pour l'occasion ont ajouté à leur signature, leur date d'arrivée au sein du Matin papier. Ce dernier numéro se charge de rappeler d'une croix noire, celle de leur départ.

"Un honneur de défendre la couleur orange"

Le rédacteur en chef démissionnaire Grégoire Nappey adresse ses derniers mots à ses collaborateurs. "Vous savez quoi? ce fut un honneur de travailler avec vous. D'aller défendre notre couleur orange lorsqu'elle était attaquée souvent à tort parfois (un peu) à raison".

Le quotidien n'oublie pas non plus de rendre hommage à tous ses lecteurs en publiant huit pages de trombinoscope de quidams. Il imprime aussi une dernière fois les bobines des people et politiques qui ont fait un jour ses gros titres.

Le quotidien cite également quelques perles sélectionnées suite à son appel pour le texte de l'ultime affichette. Dont "chagrin", la proposition retenue et distribuée samedi sous les caissettes et dans les kiosques. La dernière page se tourne. Et l'endiablé Nelson à la bouille dépitée lâche lui aussi un dernier "Adieu".

"En lieu et place des fleurs..."

Cet ultime numéro a été édité à plus de 80'000 exemplaires, soit le double de son tirage ordinaire, a précisé Grégoire Nappey à Keystone-ATS. Il sera disponible au prix habituel dans les kiosques jusqu'à mardi.

A l'initiative de ses "petits frères et petites soeurs, les collaborateurs du Matin dimanche et de Femina, de ses cousins et cousines de 24 heures et de la Tribune de Genève", une annonce mortuaire a été publiée samedi dans six titres romands.

"Le Matin né Tribune de Lausanne en 1893 a été euthanasié à l’aube du 21 juillet 2018, à l’âge de 125 ans, sans mesures palliatives", lit-on à la rubrique nécrologique du Temps, de 24 heures, de la Tribune de Genève, dans La Liberté, Arcinfo et le Nouvelliste. "En lieu et place de fleurs, la famille vous encourage à payer pour l’information".

La presse romande, elle, pleure son camarade. "Un dernier soir avec ceux qui fabriquaient Le Matin, titre 24 heures. "Le Matin tourne la page", écrit La Tribune de Genève. "Le Matin avant le clap de fin", disent La Liberté et ses partenaires. Car plusieurs titres se sont invités dans les dernières séances de rédactions du Matin. Et en cette fin de semaine, ils racontent ce que Le Temps qualifie de "lente agonie".

Le Nouvelliste revient quant à lui sur "l'âge d'or d'un quotidien désormais disparu". Il rappelle que le quotidien orange n'est pas mort seul. Il a emporté avec lui "des millions de mètres carrés de papier, de polémiques, d’enquêtes, de faits divers, de peopoleries, de scandales, d’histoires animalières et de petites annonces bestiales".

>> Dernier reportage au sein de la rédaction du Matin :

La rédaction du Matin papier vit vendredi sa dernière journée pour l'ultime édition de samedi. [Keystone - Gaëtan Bally]Keystone - Gaëtan Bally
La rédaction du Matin papier vit ses dernières séances de travail avant la disparition du titre / La Matinale / 1 min. / le 20 juillet 2018

Menace d'une nouvelle grève

Le Matin ne sera donc plus que .ch mais son équipe veut en conserver "tout l'esprit", écrit samedi le nouveau rédacteur en chef de la formule numérique Laurent Siebenmann. Ce passage du papier au digital est une volonté de l'éditeur zurichois Tamedia qui affirme que le journal a perdu 34 millions de francs au cours des dix dernières années. Il veut désormais le développer comme "une marque numérique solide avec une rédaction dédiée".

Sur le plan social, les rédactions romandes se donnent jusqu'au 3 septembre pour obtenir des avancées. Elle formulent trois exigences: un projet pour Le Matin numérique qui tienne véritablement la route, avec notamment davantage de collaborateurs et davantage de moyens, un plan social généreux pour les employés licenciés et une plus grande transparence sur les projets futurs de l'éditeur en Suisse romande.

Contacté, Tamédia ne réagit pas au préavis de grève de ses collaborateurs. L'éditeur zurichois dit simplement "prendre acte" de la décision des rédactions.

>> Lire : Les rédactions romandes de Tamedia lancent un ultimatum au 3 septembre

ats/dk

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