Les pharmas ont versé 14 millions aux médecins suisses en 2016

L'industrie pharmaceutique veut faire preuve de transparence en publiant les montants qu'elle verse chaque année aux médecins.

Mais chaque entreprise publie ces données dans un format différent, ce qui rend quasi impossible leur lecture globale. L'émission On en parle s'est donc attelée à décrypter ces chiffres.

Un effort volontaire de transparence...

Depuis deux ans, 59 entreprises pharmaceutiques actives en Suisse font certes un effort de transparence, mais celui-ci reste assez limité. En fait, elles emboîtent le pas à leurs homologues américaines et européennes.

Réunies sous l'égide de l'association Scienceindustries, les pharmas promettent de déclarer tous les versements faits aux professionnels de la santé, une promesse connue sous le nom de code de coopération pharmaceutique.

En 2016, l'industrie a ainsi versé 153 millions de francs, dont 90 millions à des organisations professionnelles, des hôpitaux, des associations, 49 millions à la recherche, et 14 millions directement aux médecins.

Mais une transparence limitée

Pourtant, la liste des prestations pécuniaires n'est pas centralisée. Il faut chercher sur les sites internet des 59 entreprises les sommes versées en 2016 - les derniers chiffres disponibles puisqu'ils sont publiés chaque année à fin juin pour l'année précédente.

Premier constat: un tiers des noms des médecins sont anonymisés. En fait, les entreprises déclarent tous les versements, mais elles laissent la possibilité aux médecins de refuser que leur nom apparaisse - une transparence des plus opaques au final.

Des entreprises plus ou moins transparentes

Sept entreprises se sont abstenues d'effectuer des versements anonymes. L'entreprise Neurim n'a par exemple rien versé directement à des médecins, mais seulement aux organisations médicales.

A l'inverse, Bayer a versé les plus gros montants anonymes, près de 900'000 francs au total, qui s'ajoutent aux 500'000 francs versés nominativement. Suivent MSD et Amgen.

MSD justifie cette transparence limitée parce que "c'est aux médecins de décider s'ils acceptent que leur nom soit publié. Mais nous travaillerons à l'avenir à encourager la transparence". Et Bayer va encore plus loin: "Depuis cette année nous ne collaborons plus qu’avec des professionnels de la santé qui approuvent la divulgation individuelle", a-t-on indiqué à On en parle.

La liste des versements effectués par les entreprises pharmaceutiques

Des additions compliquées

Interpharma, la faîtière de la branche, explique que la vocation de cette liste n'est pas la comparaison des montants: "Les données des différentes entreprises ne sont effectivement pas directement comparables, mais ceci n'était - et n'est pas - le but poursuivi par l'initiative de transparence".

En termes de transparence, même si l'initiative est très récente dans le pays, la Suisse est bien placée en comparaison internationale, d'après les faîtières Interpharma et Scienceindustries. Le nombre de médecins payés anonymement est en diminution, ce qui est plutôt réjouissant.

Quelque 6000 médecins concernés

Sur 30'000 médecins en Suisse, environ 20% - 6000 d'entre eux - ont reçu de l'argent en 2016, dont 2000 anonymement.

Pour faire le tri dans la liste des 4000 médecins identifiés comme bénéficiaires de prestations pécuniaires, On en parle s'est intéressé aux médecins romands. Ils sont trente à avoir reçu plus de 10'000 francs cette année-là. Et dix à avoir reçu plus de 20'000 francs. Motifs principaux des versements: 68% pour des honoraires, 18% en frais de voyages, et 14% en frais divers.

Questionnés par On en parle, les trois médecins romands en tête de la liste indiquent que ces sommes rémunèrent notamment des "activités de conférencier et des participations à des comités consultatifs, en Suisse et à l'étranger" ou des "séminaires de formation".

"Assurer l'indépendance", mais aussi "soutenir la recherche"

Le premier des médecins, cadre de l'Hôpital fribourgeois, qui a reçu 41'000 francs de Pfizer, MSD, Roche, A. Menarini, Celgene, Eli Lilly, AbbVie, Amgen, Bristo-Myers Squibb et Novartis, estime que "la multiplicité des sponsors permet d'éviter un biais ou un lien trop particulier avec une firme. Mon approche et ma philosophie de la prise en charge assurent mon indépendance."

Le second professionnel de la santé, chef de service aux Hôpitaux universitaires genevois, a lui reçu des fonds de Novartis, AbbVie, Eli Lilly et LEO Pharma pour un total de 39'500 francs pour des conférences et des comités consultatifs, au tarif habituel de 250 francs de l'heure. "Ces collaborations sont importantes car elles créent des échanges qui permettent de faire avancer la recherche et le développement des thérapies en restant à la pointe", explique-t-il à On en parle, tout en garantissant sa totale indépendance.

Cadre du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), le troisième médecin a reçu 36'000 francs pour des prestations d'enseignement et de consulting. "Les versements portent mon nom, mais je ne touche pas personnellement ces sommes. Elles sont intégralement versées dans un fonds du Département que je dirige, notamment pour financer la formation post-graduée des médecins et soutenir la recherche, conformément à la pratique interne du CHUV."

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Yves-Alain Cornu, Bastien von Wyss/ebz