Les dessous de la chasse aux pesticides

Grand Format

Introduction

Deux mille tonnes de pesticides sont vendues en Suisse chaque année. Ces produits, utilisés essentiellement dans l'agriculture, sont controversés. Quels sont leurs effets, avérés ou redoutés, sur la santé? Comment éviter leur utilisation? Le 19h30 propose une série spéciale.

Des normes à adapter

On appelle pesticide toutes les substances chimiques destinées à repousser, détruire ou combattre les ravageurs, les maladies et les espèces indésirables de plantes ou d'animaux.

Répandus sur les champs et les cultures (80 à 90% des 2000 tonnes de pesticides vendus par an en Suisse sont utilisés dans l'agriculture), ces substances s'infiltrent dans les sols et dans les plans d'eau. Certaines se retrouvent jusque dans le corps humain, sur lequel elles peuvent avoir des effets nuisibles.

Peur de l'"effet cocktail"

Les normes de pesticides autorisées sont fixées par l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG). Ce sont ensuite les producteurs et les vendeurs qui doivent faire de l’auto-contrôle.

>> Les explications de Gaëlle Lavidière :

Controverse sur les pesticides en Suisse: les explications de Gaëlle Lavidière
19h30 - Publié le 16 mai 2016

Or, ces normes de pesticides sont établies produit par produit uniquement. Aucune norme ne fixe de quantité globale maximale, par exemple pour un fruit qui aurait été traité avec plusieurs substances.

On manque également de recul sur les interactions possibles entre les molécules de ces différents produits. Cet "effet cocktail" est une autre source d'inquiétude, qui pourrait justifier d’appliquer un principe de précaution. Le Conseil fédéral y travaille et pourrait présenter un plan d’action d’ici fin 2016.

On ne sait pas grand-chose à long terme des effets de cette 'soupe de molécules'.

Thierry Buclin, médecin

Le médecin Thierry Buclin appelle à ne "pas peindre le diable sur la muraille": s'il reconnaît "qu'on ne sait pas grand-chose à long terme des effets de cette 'soupe de molécules'", il estime que les risques sont moindres que ceux représentés par le tabac ou l'alcool.

Le spécialiste insiste sur le fait que "la dose fait le poison". Aussi les agriculteurs sont-ils les plus exposés au risque, et présentent plus de chances de développer des "cancers des ganglions lymphatiques, des leucémies ou même Parkinson."

Pollution de l’eau par les pesticides: l’analyse de Thierry Buclin
19h30 - Publié le 16 mai 2016

Les pesticides dans les communes romandes

L’ONG Greenpeace a mené l’enquête sur l'utilisation de pesticides dans les communes pour les cantons de Genève, Vaud et Fribourg (ma-commune-zero-pesticide.ch). En complément, RTSinfo a contacté les communes neuchâteloises, jurassiennes, valaisannes et du Jura bernois. Seule une partie d’entre elles avaient répondu au 16 mai (les autres sont en gris sur la carte).

Ainsi, la communes de Morges, citée en exemple par Greenpeace, a renoncé progressivement il y a dix ans à l'utilisation de tout pesticide. Quelques habitudes ont été modifiées dans la foulée: "Pour faire face aux pucerons, nous avons pris l'option de faire des lâchers de coccinelles, au lieu de traiter aux sulfates", avait illustré Stanley Mathey, responsable de l'Office des espaces publics à Morges, dans Mise au point.

>> Lire : Face aux pesticides toxiques, des collectivités passent au vert

Le bon usage de pesticides enseigné aux agriculteurs

Les pesticides font encore partie intégrante de l’agriculture traditionnelle. La nocivité des produits chimiques est toujours prise en compte dans la formation des agriculteurs, mais le rendement nécessaire à leur exploitation n'est pas toujours compatible avec les préceptes enseignés.

Une minorité de jeunes agriculteurs se tourne toutefois vers le "risque zéro" en optant pour le bio.

>> Le reportage de Carine Régidor :

L'usage de pesticides enseigné aux agriculteurs?
Info en vidéos - Publié le 16 mai 2016

Querelle avec Pro Natura

La campagne que Pro Natura a lancée le 9 mai pour une forte réduction de ces substances dans l'agriculture a d'ailleurs provoqué une vive réaction l'Union suisse des paysans. L'organisation paysanne a qualifié la campagne "Stop aux pesticides dans nos eaux" de simpliste et tendancieuse.

Le 13 mai, Pro Natura a répliqué en invitant les paysans à "sortir de l'ombre du lobby agrochimique pour prendre au sérieux les graves problèmes que cause l'utilisation actuelle des pesticides de synthèse".

>> Lire : La querelle sur les pesticides entre Pro Natura et les paysans continue

>> L’agriculture suisse peut-elle se passer de pesticides? Débat entre les conseillers nationaux Lisa Mazzone, (Les Verts/GE) et Jacques Nicolet (UDC/VD), également agriculteur. :

Lisa Mazzone et Jacques Nicolet.
Forum - Publié le 13 mai 2016

Lavaux "sans produits de synthèse"

Les fongicides sont des produits chimiques utilisés depuis des décennies dans le vignoble pour lutter contre les maladies fongiques comme le mildiou et l’oidium. Mais les vignerons vaudois de Lavaux tournent le dos à la chimie pour les sulfatages par hélicoptère.

Cette année, tous les traitements seront sans produits de synthèse (ils n'ont pas pu obtenir la labellisation bio car ces substances contiennent du stamina). Cette opération est une première suisse sur une si grande surface.

>> Le reportage de Laurent Dufour et Claudine Gaillard Torrent :

Le bio comme solution?
Info en vidéos - Publié le 16 mai 2016

L'eau que je bois est-elle propre?

L'eau potable est auscultée de très près. En Suisse, on peut y détecter jusqu'à 5 à 6 composés chimiques issus d'herbicides. On y trouve aussi, en très petites quantités, des micropolluants qui proviennent de cosmétiques, de détergents ou encore de médicaments.

Ce qui inquiète les scientifiques, c'est le mélange de toutes ces particules, ce que l'on nomme l'effet cocktail.

>> Le reportage d'Aurore Chery :

NE: des micropolluants peuvent échapper aux systèmes de filtration du réseau d’eau potable
19h30 - Publié le 16 mai 2016

Le bio comme solution?

Les produits bio apparaissent comme l'alternative pour se protéger des pesticides. Ils connaissent un véritable boom en Suisse malgré leur prix: l’année dernière près d’un consommateur suisse sur deux a acheté du bio plusieurs fois par semaine.

Mais ce label, qui répond à une réglementation très stricte, ne signifie pas que le produit contient zéro pesticide pour autant.

>> Les explications de Cécile Tran-Tien :

Le bio comme solution??
Info en vidéos - Publié le 16 mai 2016

La chasse au glyphosate

Le glyphosate est l'un des pesticides les plus controversés, notamment contenu dans le produit-phare du géant américain Monsanto, le Roundup, et aussi dans une centaine d’autres herbicides. Cette substance, homologuée par l'OFAG, est l’herbicide le plus utilisé par les agriculteurs suisses, mais elle a été classée "cancérigère probable par l'OMS en mars dernier.

Dans un communiqué diffusé lundi, des experts de l'OMS et de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) estiment également "improbable" que cette substance "constitue un risque cancérigène pour les humains".

>> Lire : Le glyphosate "probablement pas" cancérigène, selon une nouvelle étude

Mais la Suisse attend de s'aligner sur la décision de l'Union européenne, qui doit choisir d'ici fin juin d'interdire ou de prolonger de 10 ans l'usage comme désherbant du glyphosate.

Retiré de certaines enseignes

Certains commerces, comme Migros, Coop, Jumbo et Obi, ont pris l'initiative de retirer le glyphosate de leur assortiment, mais aucune de ces enseignes ne peut actuellement garantir un approvisionnement de plantes 100% sans pesticides.

>> Lire : Du glyphosate, herbicide contesté, découvert dans l'urine des Romands

Les jardins urbains, est-ce-bien sain… ?

A Lausanne, à Genève ou à Vevey, les potagers urbains se multiplient au pied des immeubles. Cultiver ses légumes dans le bitume, c’est tendance… mais est-ce vraiment sain? Des études européennes tendent à tempérer l’enthousiasme général. Notre enquête a poussé la ville de Lausanne à faire des mesures. Résultats en primeur.

>> Le reportage d'Yvan Thorimbert et Carole Pantet :

Les potagers urbains se multiplient au pied des immeubles dans plusieurs grandes villes
19h30 - Publié le 18 mai 2016

La permaculture pour limiter les pesticides

Pour limiter les risques de trouver des produits néfastes pour la santé dans nos assiettes, la permaculture a les faveurs croissantes des agriculteurs et des particuliers. Il s'agit de combiner des plantes pour se passer autant que possible des pesticides.

>> Le reportage de Pascale Defrance et Sébastien Fasnacht :

La permaculture est un moyen de se passer de pesticide
19h30 - Publié le 19 mai 2016

Crédits

Réalisation web: Jessica Vial

Reportages: Aurore Chéry, Carine Régidor, Carole Pantet, Claudine Gaillard Torrent, Laurent Dufour, Cécile Tran-Tien et Sébastien Fasnacht.