Publié

"Notre texte favorise doublement les familles de la classe moyenne"

Selon Christophe Darbellay, un million de familles profiteraient de l'initiative PDC. [Keystone - Peter Schneider]
Selon Christophe Darbellay, un million de familles profiteraient de l'initiative PDC. - [Keystone - Peter Schneider]
Faut-il exonérer d'impôt les allocations familiales? Pour le conseiller national Christophe Darbellay (PDC/VS), l'initiative de son parti permet de mieux soutenir le pouvoir d'achat des familles.

RTSinfo: Votre initiative n’est défendue par aucun grand parti sauf l’UDC mais les 52% des Suisses y sont favorables, selon le premier sondage SSR. Êtes-vous surpris?

Christophe Darbellay:  Non, car cette initiative relève du plus pur bon sens. Les allocations sont données par les employeurs pour soulager les familles et soutenir leur pouvoir d’achat. Or, sur les 5 milliards de francs versés chaque année aux familles, l’Etat en reprend 1 milliard via les impôts. C’est une ineptie.

On reproche à votre initiative de favoriser les familles les plus riches. Que répondez-vous?

C’est simplement faux. Un million de familles sur un total de 1,1 million sont concernées par notre texte. Il est vrai que certaines en profiteront un peu plus que d’autres, mais c’est inhérent au système fiscal suisse. Faire le procès de cette mesure parce que 6% des enfants vivent dans des familles riches, c’est prendre en otage les 94% qui bénéficieront d’économies conséquentes.

Avez-vous un exemple du gain envisageable pour une famille de la classe moyenne?

La situation sera différente dans chaque canton et chaque commune. Prenez une famille de deux enfants à Lausanne, soit un revenu imposable s’élève à 50'000 francs ou un revenu familial brut d’environ 5500 francs par mois. Elle économisera un peu plus de 1000 francs d’impôts par année. Ce n’est pas rien.

Actuellement, on augmente artificiellement sa charge fiscale en considérant les allocations comme un revenu. Dans cette situation, la classe moyenne paie plus d’impôts alors qu’on lui réduit le droit à des prestations sociales, comme les subsides aux primes d’assurance maladies,l'accès aux bourses d’études et qu’on augmente le tarif des crèches. Notre texte favorise donc doublement les familles de la classe moyenne.

A vous entendre, on croirait qu’il s’agit d'une initiative de gauche. Pourquoi le PS ne vous soutient-il pas?

L’attitude du PS est totalement irrationnelle. Il a voté trois fois «oui» à des initiatives similaires, dans les cantons d’Argovie, de St-Gall ainsi qu’au Parlement fédéral. Ce revirement montre que nous sommes en année électorale. Notre texte ne lui plaît pas parce qu’il prétend s’occuper des personnes à bas revenus. Quels projets concrets le PS a-t-il pour aider les familles de la classe moyenne? Aucun. Notre initiative s’occupe de la classe moyenne, la grande oubliée de la politique suisse.

Ne serait-il pas plus équitable d’accroître le montant des allocations, comme le voudrait justement le PS avec le chèque-enfant?

Aujourd’hui, il est impossible d’augmenter les subventions publiques. Financièrement, on ne peut pas imposer de nouvelles charges aux employeurs, surtout avec le franc fort. Avant de dépenser plus, il serait préférable d’arrêter de reprendre d’une main ce que l’on donne de l’autre.

Autre argument mis en avant par vos opposants: le trou d’un milliard de francs dans les finances publiques. Comment le compenser?

Il n’y a pas à le compenser car il sera passager. Cet argent ne disparaîtra pas du circuit économique. En augmentant le pouvoir d’achat, on soutient la consommation. Aucune famille n’enterrera l’argent économisé dans son jardin. Il sera réinvesti, créera des emplois, de la croissance et de nouvelles recettes fiscales. Avec le franc fort, c’est plus important que jamais.

Tout de même, les collectivités devront d’abord composer avec des pertes de rentrées fiscales.

Un milliard de francs pour les familles et la classe moyenne, c’est une paille en regard du budget des collectivités publiques qui dépasse les 200 milliards. La troisième réforme de la fiscalité des entreprises coûtera 3 à 4 milliards. En quoi sont-elles plus importantes que les familles? Je rappelle que l’ancien conseiller fédéral Hans-Rudolf Merz avait promis en 2008, après la deuxième réforme de la fiscalité des entreprises, que c’était au tour des familles de bénéficier d’allégements. Rien n’a été entrepris.

Confédération et cantons doivent composer avec le franc fort et la réforme de la fiscalité des entreprises. Cette initiative n’arrive-t-elle pas au pire moment?

Au contraire, c'est le meilleur moment. Nous faisons face à un mouvement de panique. Actuellement, il n’y a rien de plus important que de maintenir un pouvoir d’achat et un niveau de consommation élevé pour soutenir la croissance et protéger les emplois face au franc fort.

Pourtant, la Conférence des directeurs cantonaux des finances, dont près de la moitié sont démocrates-chrétiens, rejette votre texte.

Dans les cantons où les finances sont tendues, certains ministres PDC jouent les pères la rigueur, d’autres assument leurs opinions, la plupart se font discrets. Sinon, le parti fait bloc derrière ce texte.

Votre initiative ne fait-elle pas partie d’une stratégie pour rappeler que le PDC est «le» parti de la famille en pleine année électorale?

Nous avons d’abord essayé de faire passer cette mesure au Parlement. Nous n’avions d’autre choix que d’aller devant le Peuple. A situation exceptionnelle, mesure exceptionnelle: c’est la première fois en cent ans que nous utilisons le droit d’initiative. La récolte de signatures s’est terminée en 2012 et nous n’avons pas choisi la date du vote. S’il y a une seule stratégie, c’est celle de renforcer la situation des familles et de la classe moyenne.

>> Voir aussi l'interview de Géraldine Savary : "L'initiative sur l'exonération des allocations familiales est trompeuse"

Propos recueillis par Kevin Gertsch

Publié