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Les questions soulevées par l'initiative pour un revenu de base inconditionnel

L'initiative populaire fédérale pour un revenu de base inconditionnel a des équivalents en Europe. [Stanislas Jourdan]
L'initiative populaire fédérale pour un revenu de base inconditionnel a des équivalents en Europe. - [Stanislas Jourdan]
Un sociologue belge et un économiste français s'expriment sur l'initiative pour un revenu de base inconditionnel qui a été déposée vendredi à Berne en répondant à quelques questions-clés.

L'initiative du comité pour un revenu de base inconditionnel a été déposée vendredi matin à la Chancellerie fédérale. Elle propose un revenu individuel et universel à tous les citoyens suisses, qu'ils travaillent ou non. Une initiative similaire soutenue par plus de 20 pays européens a été lancée en janvier.

Stanislas Jourdan, coordinateur de l'initiative citoyenne européenne sur le revenu de base, et Paul Jorion, docteur en sciences sociales de l'Université de Bruxelles et auteur de "Misère de la pensée économique", s'expriment sur le sujet.

Est-ce qu’un revenu de base pour tous est une idée réaliste ?

Stanislas Jourdan: oui, il faut pour cela réagencer le modèle fiscal de l'Etat. En France par exemple, avec un revenu de base d'environ 500 euros, le budget de l'Etat resterait constant rien qu'en réaffectant les primes à l'emploi et certaines exonérations aux entreprises notamment. Je pense que la Suisse a les ressources pour apporter les milliards nécessaires.

Quel modèle de financement faudrait-il mettre en place ?

Stanislas Jourdan: le but de l'initiative est avant tout de créer un débat public. On ne veut pas à ce stade proposer un modèle financier précis qui risquerait de diviser l'opinion en amont. Le but est davantage de soulever certaines questions fondamentales qui ont trait au rapport entre citoyens, à notre rapport au travail, à la démocratie, à l'Etat providence, au bien commun.

Paul Jorion: un financement semble possible, mais pas facile. En Suisse, la réaffectation de l'argent des prestations sociales ne couvrirait qu'un tiers de la somme nécessaire. Il resterait donc environ 140 milliards à obtenir. Cela ne me semble possible qu'à condition de faire participer davantage les citoyens à haut revenus pour le bien commun. Certaines propositions, telles que l'augmentation de la TVA sur les produits de luxe, l'instauration d'une taxe sur les transactions financières ou une augmentation de l'impôt sur les hauts revenus seraient une bonne approche, mais peut-être pas suffisante.

Quelles seraient les conséquences si cette initiative était acceptée ?

Stanislas Jourdan: un revenu de base s'inscrirait dans un système libéral où les gens subiraient moins de contraintes liées à leur emploi. Il offrirait aux gens davantage de liberté et de choix. Les gens diminueront leur temps de travail et choisiront leur métier davantage par intérêt personnel. Il y aura ainsi davantage de flexibilité au niveau de la formation, également en ce qui concerne la formation continue. Le nombre important de chômeurs actuellement laisse à penser qu'il y aura toujours de la demande pour les emplois peu rémunérés et qu'il n’y aura ainsi pas de menace sur la main d'œuvre disponible.

Paul Jorion: à l'image de Hegel, je considère que le travail participe grandement au bien-être de l’individu et qu'il est essentiel que chacun en bénéficie. Cette initiative ne va pas forcément en ce sens. Le plein emploi au centre des priorités est néanmoins un idéal compromis par la présence de plus en plus importante des machines qui remplacent le travail humain.

Propos recueillis par Arnaud Mittempergher

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100'000 signatures pour l'initiative européenne

En Europe, des citoyens de 15 pays ont lancé une initiative similaire en janvier 2013.

Il faut que les pays participants récoltent un million de signatures d’ici janvier 2014 pour que le revenu de base devienne un sujet de débat officiel de la Commission Européenne et du Parlement, et que ceux-ci prennent des mesures en ce sens.

Pour l’instant l'initiative compte environ 100'000 signataires.