Près de 80 Etats se sont exprimés à la suite du discours prononcé à Genève par le conseiller fédéral Didier Burkhalter devant le Conseil des droits de l'homme lors de l'examen périodique universel de la Suisse. Ils ont salué les progrès réalisés récemment en matière de droits humains, tout en faisant plusieurs nouvelles recommandations.
"Montée du racisme"
Plusieurs Etats, en particulier africains, se sont inquiétés de "la montée du racisme, de l'intolérance et de la xénophobie" en Suisse. Ils ont demandé que les autorités lancent une campagne de sensibilisation plus large dans la population pour répondre aux défis posés par les préjugés négatifs visant les étrangers.
Des mesures plus fermes contre la traite des êtres humains, des femmes et des mineurs en particulier, sont revenues souvent dans les recommandations. Le recours disproportionné à la force de la part des forces de police, le traitement des demandes d'asile, dont la détention des mineurs non accompagnés, les discriminations visant les femmes migrantes ont également été critiqués.
Stratégie nationale contre les inégalités sur le marché du travail
De nombreux pays, comme les Pays-Bas et l'Espagne, ont dénoncé les inégalités persistantes sur le marché du travail et dans les postes de décision entre les hommes et les femmes. La Suisse doit lancer une stratégie nationale à cet égard, ont demandé les Pays-Bas.
Divers Etats ont également demandé que le Centre suisse de compétence pour les droits humains, opérationnel depuis 2011 et créé pour une durée pilote de cinq ans, soit transformé en une institution nationale indépendante des droits humains avec un large mandat. Plusieurs pays ont souhaité en outre que la Suisse ratifie rapidement les Conventions de l'ONU sur les droits des handicapés et les disparitions forcées.
ats/vtom
Didier Burkhalter défend les progrès réalisés
Ouvrant le débat de plus de trois heures, le conseiller fédéral Didier Burkhalter a exposé les mesures prises au cours des quatre dernières années, notamment en matière de discriminations, de lutte contre les violences policières et domestiques, de l'intégration des étrangers, d'égalité des sexes.
"Le Conseil fédéral considère que le niveau de protection des droits humains en Suisse est bon. Mais aucun pays, pas même ceux où les droits humains sont les mieux respectés, ne peut et ne doit faire preuve de complaisance à ce sujet", a affirmé le chef du DFAE.
La Suisse va examiner les recommandations faites lundi par les autres Etats en "progressant par étapes". Le conseiller fédéral a indiqué qu'un premier tri va être effectué d'ici 48 heures, pour l'adoption du rapport prévue mercredi.
"Chaque chose en son temps"
Une procédure de consultation sera ensuite menée avec tous les départements concernés et les cantons en passant par "les étapes démocratiques".
"Nous examinerons tranquillement les recommandations. Chaque chose en son temps", a-t-il dit.
Il a ainsi écarté toute possibilité de ratifier le protocole facultatif sur la justiciabilité des droits économiques et sociaux et estimé qu'une loi générale contre les discriminations ne serait pas nécessairement meilleure que le système actuel.
Critiques sur l'interdiction des minarets
La Pakistan est revenu sur la votation, fin 2009, sur l'interdiction de la construction de nouveaux minarets.
Il a demandé l'adoption d'un texte de loi interdisant les activités de toutes les organisations prônant le racisme.
La Turquie a demandé la levée de l'interdiction de nouveaux minarets, une décision populaire regrettée également par les Etats-Unis et la Norvège.
La société civile suisse insiste sur 4 recommandations
Une coalition de 47 ONG suisses a souhaité lundi "saisir la chance" de l'examen du rapport de la Suisse par le Conseil des droits de l'homme pour faire avancer les droits humains en Suisse. Elle a insisté sur quatre recommandations principales.
La création d'une véritable institution nationale des droits humains est nécessaire au terme de la phase pilote du Centre suisse de compétence pour les droits humains en 2015, a affirmé Manon Schick, directrice générale de la section suisse d'Amnesty International.
Une "solution convaincante" doit être trouvée pour assurer la compatibilité des initiatives populaires avec les conventions internationales des droits humains, a-t-elle ajouté.
"Une loi générale contre les discriminations fait cruellement défaut", a poursuivi la représentante de la coalition des ONG.
Alex Sutter, directeur de la plateforme humanrights.ch a indiqué à cet égard que les ONG préparent un nouveau projet, tout en relevant qu'une loi générale a été rejetée à plusieurs reprises par le parlement.
En outre, la Suisse doit ratifier le protocole facultatif rendant possible la justiciabilité des droits économiques, sociaux et culturels, selon la coalition des ONG.