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Payot veut faire baisser le prix des livres

Actuellement, sur certains ouvrages, le taux de change pratiqué peut atteindre jusqu'à 1,92 franc pour 1 euro. [MAGALI GIRARDIN]
Actuellement, sur certains ouvrages, le taux de change pratiqué peut atteindre jusqu'à 1,92 franc pour 1 euro. - [MAGALI GIRARDIN]
Selon une information de la TSR, Payot veut bouleverser le modèle historique de distribution des livres en Suisse romande. But affiché : favoriser les baisses de prix. A l’avenir, ses magasins se passeront des représentants suisses de grands diffuseurs français. Les autres librairies devront s’adapter à cette nouvelle donne.

D’après le directeur de Payot, Pascal Vandenberghe, cette manœuvre permettra des baisses de prix de 8 à 40%, selon les livres. «Nous devrions être prêts à basculer vers ce nouveau système en juin 2012», annonce-t-il.

Cela fait plusieurs mois que les libraires se plaignent des prix imposés par les diffuseurs, qui disposent d’exclusivités sur les catalogues d’éditeurs français. Les prix des livres en francs suisses sont fixés par les diffuseurs depuis Paris. Or, ceux-ci n’ont pas tous répercuté la hausse du franc de 2010 et 2011.

«Certains diffuseurs ont fait des efforts, mais d’autres ne veulent pas baisser les prix», regrette Véronique Overney, directrice des librairies La Fontaine à Vevey.

Interpellé, le représentant suisse d’un grand diffuseur parisien reconnaît le problème, mais commente sous couvert de l’anonymat: «Les décisions se prennent à Paris. Nous n’avons pas notre mot à dire sur cette politique de prix».

Cours de l’euro en cause

Comme le prix des livres en euros est imprimé sur la couverture, conformément à la loi Lang, les consommateurs peuvent comparer. Et constater que le taux de change pratiqué est parfois très fantaisiste.

Sur certains ouvrages, le taux peut atteindre 1,92 franc pour 1 euro – alors que le cours du jour est de 1,22 franc. «Certains clients regardent le prix et reposent le livre, témoigne Véronique Overney. La pression est d’autant plus forte sur les libraires que les consommateurs peuvent passer commande par internet.»

«Les diffuseurs forment un véritable cartel», dénonce Pascal Vandenberghe. Pour contourner ce problème, Payot a convaincu deux grands groupes éditoriaux français, Flammarion et Gallimard, de changer de système. Payot commandera directement ses livres en France et en euros, sans passer par un diffuseur suisse.

Des négociations sont en cours avec les autres grands diffuseurs présents sur le marché romand: Diffulivres, Interforum et Volumen. Ce nouveau modèle de distribution devrait permettre de limiter à 20% le surcoût entre les prix français et suisses, selon Payot.

«Nous avons des charges en francs, il semble donc normal qu’un surcoût subsiste. Mais le niveau actuel est inacceptable», estime Pascal Vandenberghe. Le leader romand a les moyens de ses ambitions. Avec un tiers de parts de marché en Suisse romande, il peut se permettre de créer une nouvelle plate-forme pour commander ses livres à Paris.

Les indépendants devront s’organiser

Mais pour les libraires indépendants, ce sera plus compliqué. Le principal distributeur romand, l’Office du livre (OLF), tente de créer une plate-forme pour eux. Son directeur, Patrice Fehlmann, était cette semaine à Paris pour négocier avec les éditeurs.

«C’est un vrai changement de paradigme, reconnaît-il. Mon souci est de garantir une qualité de service équivalente.» Ce paramètre est aussi au cœur des préoccupations des libraires indépendants : «Il est encore trop tôt pour dire si ce nouveau système tournera à notre avantage, hésite Véronique Overney, des librairies La Fontaine.

Certains diffuseurs ont exagéré sur les prix, mais ils nous assurent depuis des années une qualité de services que nous ne sommes pas sûrs de retrouver.» A noter que Payot et l’OLF appartiennent tous deux à Hachette Distribution Services, alors que le premier diffuseur de Suisse romande, Diffulivres, appartient à Hachette Livre. Ces deux branches du groupe Lagardère n’ont pas réussi à s’entendre.

 La Commission de la Concurrence (Comco) avait ouvert une enquête en 2008 sur les distorsions de prix. L’enquête a été suspendue au printemps 2011, suite au dépôt, par plusieurs partis de droite, d’un référendum contre la réglementation du prix du livre. Le peuple sera appelé à se prononcer sur cette question l’année prochaine.

Gaspard Kühn

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