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Elections fédérales 2011: le PS à l'interview

Christian Levrat a dénoncé l'arrogance des milieux financiers qui constituent un danger pour la démocratie. [Steffen Schmidt]
Christian Levrat a fustigé l'arrogance des milieux financiers qui constituent un danger pour la démocratie. - [Steffen Schmidt]
Christian Levrat brigue un troisième mandat au Conseil national et préside le Parti socialiste suisse (PS) depuis 2008. Il présente le programme et les objectifs de son parti pour les Fédérales 2011.

Votre slogan de campagne est « Pour tous, sans privilèges ». Pourquoi le Parti socialiste (PS) a-t-il choisi cette formule-là ?

Christian Levrat : Parce que le Parti socialiste est le défenseur de l’intérêt général à Berne. On a suffisamment de lobbistes, de politiciens qui représentent les intérêts particuliers d’une branche, d’une entreprise voire parfois leurs propres intérêts. Il est donc important d’avoir un avocat convaincant, fort, pour défendre tous les Suisses et toutes les Suissesses qui ne siègent pas dans les conseils d’administration des banques, des assureurs ou des centrales nucléaires.

Avec les Verts, vous êtes le seul parti à ne pas avoir la dimension suisse dans son slogan de campagne

L’amour de la Suisse ne passe pas par des slogans publicitaires qui se ressemblent tous peu ou prou. J’ai été frappé de voir les partis de droite réclamer la Suisse pour eux. Dresser une Suisse contre l’autre n’est pas notre vision. Nous voulons construire ensemble l’avenir de notre pays. Raison pour laquelle le PS ambitionne de représenter l’intérêt de la majorité des citoyens comme vous et moi et non quelques privilégiés.

Comment se déroule actuellement la campagne du PS ?

Elle se déroule très bien. Vous aurez remarqué que sur la politique monétaire, la Banque nationale a fini par rejoindre les propositions que nous faisions sur un taux de change plancher entre le franc et l’euro. Par ailleurs, le Conseil fédéral a repris notre exigence de soutenir de manière spécifique certaines entreprises en difficulté en raison de l’évolution de l’économie mondiale. En matière énergétique, nos propositions de sortie du nucléaire deviennent majoritaires au Parlement. On a donc su anticiper l’évolution de la situation économique et sociale et, surtout, on a su développer les solutions qui sont nécessaires à notre pays et son avenir. Les électeurs et électrices sauront reconnaître que nous sommes porteurs de solutions.

Parmi les dix projets figurant sur votre plate-forme électorale et que vous qualifiez de progressistes, lequel prime véritablement aujourd’hui ?

C’est l’idée de la défense du pouvoir d’achat, qui regroupe en réalité plusieurs de nos propositions. La classe moyenne s’est appauvrie au cours des dix dernières années et nous comptons inverser cette tendance. Cela passe d’abord par une revalorisation des salaires, notamment par l’introduction d’un salaire minimum légal. Cela passe ensuite par une politique du logement qui soit plus offensive et permette à chacun de se loger pour un coût abordable. Et cela continue avec une approche différente de la politique de la santé pour garantir qu’on puisse à l’avenir encore payer ses primes d’assurance maladie. Une nouvelle approche de la santé, avec notre initiative « Pour une caisse maladie publique ». Autant de propositions fortes axées sur la défense du pouvoir d’achat  de la classe moyenne et des milieux populaires.

En quoi ce cortège de mesures basées sur le pouvoir d’achat diffère-t-il fondamentalement de celui des autres partis politiques ?

La vrai question est le pouvoir d’achat pour qui ! Nous nous battons pour le pouvoir d’achat des gens qui relèvent des milieux populaires et de la classe moyenne. La politique de la droite au cours des dix dernières années a conduit à un affaiblissement du pouvoir d’achat des classes moyennes et une explosion des revenus des plus aisés. Aujourd’hui, il faut donc rééquilibrer les choses et faire en sorte que les salariés voient davantage le bénéfice de leur travail. Seul le PS entend rétablir un minimum de justice sociale.

Où le Conseil fédéral doit-il concentrer ou réduire ses efforts financiers à l’avenir ?

Il faudra investir davantage dans le domaine des énergies renouvelables. La sortie du nucléaire n’est possible que si nous avons parallèlement un plan de soutien à ces énergies. Nous avons déposé cette semaine l’initiative « Cleantech » (ndlr : le 6.9.2011), qui prévoit la sortie du nucléaire d’ici 2030 et justement un soutien massif aux entreprises actives dans les énergies renouvelables. C’est le grand défi qui nous attend je crois. Pour le reste, il faudra investir dans la formation, la recherche et, probablement aussi, dans le domaine de la formation professionnelle pour garantir que les salariés de ce pays soient en mesure de répondre aux défis technologiques de ces prochaines années.

Ces derniers mois, le franc fort et la politique monétaire ont détrôné la question énergétique comme thèmes de campagne phare. Comment le PS va l’intégrer plus concrètement comme thème de campagne d’ici les élections fédérales ?

Nous menons campagne depuis huit mois contre la cherté du franc. Nous avons démandé qu’une valeur de référence soit fixée face à l’euro et on nous a regardé pendant trois mois avec un petit sourire en nous expliquant que c’était impossible. Le 6 septembre pourtant, la BNS a enfin accédé à notre requête et appliqué un taux de change fixe à 1,20 francs pour 1 euro. Le PS est le seul parti en Suisse qui peut se prévaloir aujourd’hui d’avoir une approche économique à la fois pragmatique et lucide. Et qui tend à faire payer la crise par ceux qui l’ont causée, à savoir les spéculateurs et les grandes banques, et non pas par ses victimes, à savoir les salariés.

Est-ce une victoire que vous allez exploiter ces prochains mois durant la campagne ?

On va surtout devoir poursuivre nos efforts sur ce sujet, parce qu’on s’attend à un choc brutal pour les entreprises suisses. Malgré les mesures de la BNS, on a dans le domaine de l’industrie de l’exportation et du tourisme des entreprises qui sont en grande difficulté. On souhaite pour notre part un soutien direct à ces entreprises pour absorber et amortir ce choc dans l’immédiat. Et ceci par le biais d’un fonds spécifique, à la condition évidemment qu’elles ne licencient personne et renoncent à délocaliser. Jusqu’aux entretiens de Wattevill, les partis gouvernementaux étaient tous d’accord pour aller dans cette direction. Mais comme souvent au PDC, ses élus ignorent royalement ce que la direction du parti et du groupe peut prendre comme position. Tant et si bien que le paquet de soutien aux entreprises présenté par le Conseil fédéral a été rejeté en commission des finances du National. Mais au final, j’ai bon espoir que la raison finisse par prévaloir et que les girouettes du PDC veuillent bien s’arrêter dans la bonne direction.

Dans les courses au Conseil national et au Conseil d’Etat, quelles stratégies le PS a-t-il développées pour gagner des régions et des voix, et aux dépens de qui ?

Aux Etats, on présente les listes les plus fortes que le PS ait jamais présentées. Tous nos sortants se représentent et là où nous n’en avons pas nous présentons des poids lourds. Comme en Valais par exemple avec Stéphane Rossini, vice-président du PS.

Pour le National, nous menons une campagne active, très concrète et proche des gens. Elle est principalement axée sur les thèmes sociaux et économiques ainsi que sur le travail effectué ces dernières années. Et puis depuis le 8 septembre, notre campagne s’est enrichie du débat supplémentaire autour de la succession de Micheline Calmy-Rey suite à son départ du CF programmé en décembre 2011. Cela nous permettra de mettre en évidence les leaders du parti d’une part, et de l’autre les thèmes dont ils sont porteurs. La santé avec Pierre-Yves Maillard (VD),  la politique économique ou monétaire avec Alain Berset (FR), la politique sociale de Stéphane Rossini (VS), la défense des locataires avec Marina Carrobio (TI) ou encore la politique fiscale avec Jean Studer (NE). Et j’en oublie certainement d’autres.

Sachant que le PS a été le grand perdant des élections de 2007, restez-vous tout de même confiants pour le 23 octobre 2011 ?

Je suis très confiant car nous avons mené un travail immense depuis quatre ans afin de remettre le parti en route. Nous avons aussi recentré nos messages sur la politique énergétique et sociale ainsi que sur le pouvoir d’achat. Ce travail est aujourd’hui en train de payer. La population voit bien à quel point les solutions du PS sont nécessaires pour garantir un équilibre raisonnable en Suisse. Le 23 octobre va aussi permettre au peuple de marquer son attachement à la représentation du PS au Conseil fédéral. On sait à présent que notre siège est menacé et j’invite les citoyens à donner un signe très clair quant à  leur volonté de voir le PS représenté fortement au Conseil fédéral à l’avenir.

Le dernier baromètre électoral de la SSR daté du 12 août 2011 indiquait que la politique migratoire constituait la principale préoccupation des Helvètes. Comment se positionne le PS face à cette problématique et surtout comment contrer l’UDC sur ce terrain délicat ?

La politique migratoire représente  à 80% la libre circulation. En la matière, il y a la solution proposée par l’UDC qui vise à introduire des contingents mais pose d’immenses problèmes économiques, en particulier dans le domaine médical, de la technique ou chez les ingénieurs. De l’autre côté, il y a la solution du PS qui vise à procéder par le biais des mesures d’accompagnement. A garantir que les entreprises ne soient pas tentées d’engager des salariés étrangers pour minimiser les salaires, que des salaires minimaux soient fixés pour tous, que les contrôles dans les entreprises soient intensifiés et que les sanctions soient durcies contres les entreprises contrevenantes. Autant de réformes « internes » qui doivent faire en sorte que la croissance, le bien-être, la richesse générés par cette libre circulation  soient mieux répartis. Il n’est plus possible de continuer dans une voie où la libre circulation ne profite qu’à quelques entreprises, à des spéculateurs immobiliers et que les inconvénients soient par contre supportés par le plus grand nombre. Si les citoyens n’ont pas le sentiment d’être les gagnants de cette politique migratoire, ils cesseront de la soutenir.

Abstraction faite du départ programmé de Micheline Calmy-Rey, quelle formule du Conseil fédéral défend le PS.

Nous sommes d’avis que le CF doit être composé proportionnellement à la force des partis. Ceci dit, la non élection d’un conseiller fédéral sortant est extrêmement rare pour le PS. La limite est très élevée pour ne pas procéder à une réélection. La seule fois où nous l’avons fait était dans le cas de Christophe Blocher qui n’avait à l’évidence pas les compétences requises pour le poste. C’était davantage une question personnelle que politique en l’occurrence. Pour la prochaine législature, il faudra évaluer la logique arithmétique parlant  pour une double représentation de l’UDC et de l’autre également nos réticences à évincer une conseillère fédérale sortante pour des raisons de stabilité et de continuité dans l’exercice du pouvoir. Cet arbitrage sera fait après les élections fédérales.

Que répondez-vous au marché proposé par l’UDC pour succéder à Calmy-Rey, qui consiste à soutenir un siège PS au CF en contrepartie d’un appui du PS pour un second siège UDC ?

C’est un chantage et non un marché. Nous avions déjà rejeté le chantage en 2003 et 2007 et nous ne l’acceptons pas non plus aujourd’hui.

Propos recueillis par Olivier Horner

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LE PS SUISSE EN UN CLIN D'OEIL

-Année de création: 21 octobre 1888

-Sections cantonales: tous les cantons

-Président: Christian Levrat (FR)

-Principaux thèmes: mettre en place une caisse-maladie publique, adopter les énergies renouvelables, instaurer un salaire minimum et des loyers aborda- bles, mise en place d'une AVS selon les années de cotisation, favoriser l'accès à la formation et l'égalité des chances

-Nombre d'élus au Parlement en 2007: - National: 43 sièges (-9) - Etats: 9 sièges (-)

- Objectifs 2011: >20% des voix, +5 au National, garder les sièges aux Etats

-Score obtenu en 2007: 19,5%

-Intentions de vote: 20,5% (sondage SSR)