L'étonnante similitude des années 1994 et 2024 pour les relations Suisse-UE révélée dans des archives déclassifiées
L'année "1994 est cruciale pour régler les relations de la Suisse avec l'Union européenne", explique dans Forum Sacha Zala, directeur du centre de recherche Dodis, spécialisé dans l'histoire des relations internationales de la Suisse.
Cette année-là, deux ans après le refus par le peuple de l'adhésion de la Suisse à l'Espace économique européen (EEE), le Conseil fédéral cherche des solutions pour établir des accords bilatéraux avec l'UE. Mais le gouvernement doit composer avec d'autres blocages populaires, notamment l'acceptation de l'initiative des Alpes qui veut limiter le trafic de transit.
"Ces votes négatifs mettent à mal les efforts du Conseil fédéral", souligne Sacha Zala. Bruxelles, nerveuse, marque d'ailleurs une pause dans les négociations.
Le Conseil fédéral face à une crise de confiance
Face à ces revers, le Conseil fédéral adopte une stratégie prudente, sans pour autant remettre en cause la démocratie directe. "Il y a une crise de confiance et le Conseil fédéral discute à plusieurs reprises de cette crise", révèle Sacha Zala.
La solution? Ancrer davantage la politique étrangère dans la politique intérieure, ce qui aura pour conséquence de donner un mandat assez restrictif pour les négociations des accords bilatéraux.
Un document surprenant émerge par ailleurs des archives: "Au printemps, le Conseil fédéral diagnostique une crise dans sa dynamique interne et propose une réunion d'urgence", indique le chercheur. Cette "retraite" aura lieu en décembre 1994, sous forme de "conclave".
Des parallèles frappants avec 2024
Les similitudes entre 1994 et 2024 sont intéressantes, souligne Sacha Zala. "Il y a énormément de parallèles avec des dynamiques similaires", confirme Sacha Zala.
La libre circulation des personnes illustre parfaitement ce parallèle. "Le Conseil fédéral sait que c'est une question de principe pour l'UE, mais qu'elle sera difficile à faire passer en votation populaire", explique le chercheur, qui rappelle que les accords bilatéraux discutés en 1994 n'ont abouti qu'en 1999. "Il faudra peut-être encore attendre cinq ans pour avoir un nouveau paquet d'accords bilatéraux", conclut-il.
Propos recueillis par Valentin Emery
Adaptation web: Victorien Kissling
Analyse systématique des documents
Le centre Dodis effectue un travail important pour sélectionner et analyser les documents déclassifiés. "On commence par des recherches systématiques: décisions du Conseil fédéral, débats parlementaires, procès-verbaux des commissions", détaille Sacha Zala.
La loi prévoit une ouverture automatique des archives après 30 ans, mais des exceptions existent. "Il y a notamment les données personnelles sensibles et les secrets d'État", précise Sacha Zala.
Le chercheur note cependant une tendance: "Dans les dernières décennies, surtout à cause de la protection des données, obtenir des archives devient de plus en plus difficile pour nous".
Mais Sacha Zala reste confiant: "Si un groupe de recherche travaille de manière systématique comme nous le faisons, c'est impossible de nous bloquer".