Le besoin en personnel soignant augmentera ces prochaines années, de 14% dans les hôpitaux et de 26% dans les EMS, a indiqué devant les médias la ministre de la santé Elisabeth Baume-Schneider. Aujourd'hui déjà, plusieurs dizaines de milliers de postes sont vacants, notamment dans le domaine des soins.
Afin de maintenir les professionnels dans le secteur de la santé ainsi que la qualité des soins, les conditions de travail doivent être améliorées. Cela leur permet également d'exercer plus longtemps leur métier. Les abandons sont l'une des causes du manque de personnel de soins, rappelle le Conseil fédéral.
Plans de travail
La nouvelle loi sur les conditions de travail dans le domaine des soins infirmiers prévoit des améliorations et des unifications sur des points centraux. Pour le personnel soignant, les affectations à court terme et non planifiées sont éprouvantes et sont souvent mentionnées comme raison de quitter le métier.
Les plans de service devront donc être annoncés au moins quatre semaines à l'avance. Des changements de dernière minute restent possibles. Mais ils doivent être compensés par des congés ou financièrement par une majoration d'au moins 25% du salaire. Plus les modifications sont annoncées tardivement et plus la compensation sera élevée. Cela vaut également pour le travail de nuit, a précisé la ministre.
Le temps maximum de travail passera de 50 à 45 heures par semaine. Le temps de travail ordinaire sera de 38 à 42 heures par semaine. Actuellement, il n'est pas fixé. Cela permet de protéger la santé des infirmières.
Convention collective
La nouvelle loi ne peut régler que certains points. Les employeurs, les partenaires sociaux et les cantons doivent également faire des efforts pour assurer des bonnes conditions de travail et salariales.
C'est pourquoi ils seront tenus de mener des discussions pour améliorer les conditions de travail et de négocier une convention collective de travail (CCT). Le Conseil fédéral prévoit deux variantes. La première doit permettre de déroger dans une CCT aux prescriptions de la nouvelle loi. La deuxième variante prévoit que les conditions fixées par la loi ne puissent être détériorées, seules des mesures en faveur des travailleurs pouvant être prises.
Si aucune CCT n'est négociée ou si les négociations n'aboutissent pas, les conditions de travail fixées par le droit fédéral s'appliquent automatiquement.
Les possibilités de développement professionnel doivent également être améliorées afin de rendre le métier attractif. Le diplôme de master et le profil professionnel des infirmiers de pratique avancée (advanced practice nurse) seront réglés au niveau fédéral. Ce personnel hautement qualifié peut décharger les équipes de soins.
Des mesures positives, mais des lacunes à combler
Invitée mercredi dans l’émission de Forum, Sophie Ley, présidente de l'Association suisse des infirmières et des infirmiers, considère que les mesures proposées représentent "un grand pas dans la bonne direction pour améliorer les conditions de travail des infirmières et des infirmiers".
Cependant, elle exprime une certaine inquiétude, car le projet ne prend pas en compte la dotation en personnel qualifié au sein des équipes. Elle ajoute que ce point est déterminant pour la qualité et la sécurité des patients. "Nous l'avons toujours dit", rappelle-t-elle.
Sophie Ley exprime une urgence face à cette situation, soulignant: "Nous attendons déjà depuis tellement longtemps que l’on se dit qu’il faut que les choses se mettent en place". Selon elle, le personnel actuel et les jeunes en formation ont besoin d’un signe clair des politiques sur leur avenir dans la profession. "C’est essentiel pour assurer la qualité des soins aux patients", ajoute-t-elle. Cependant, elle reconnaît que cette loi ne peut pas tout régler.
Offensive de formation
L'initiative pour des soins infirmiers forts, acceptée par le peuple en novembre 2021, demandait également une offensive de formation et plus d'autonomie pour les infirmières et les infirmiers. Ce premier pan entre en vigueur le 1er juillet.
>> Relire à ce sujet : La population suisse soutient à 61% l'initiative sur les soins infirmiers
La Confédération et les cantons devront soutenir la formation en soins infirmiers pendant huit ans à hauteur de près d'un milliard de francs, a rappelé Elisabeth Baume Schneider. Ces fonds sont destinés aux élèves qui suivent une formation, aux institutions de santé pour leur travail lié à la formation pratique du personnel soignant diplômé, aux écoles supérieures et aux hautes écoles spécialisées pour qu'elles augmentent leurs capacités de formation.
Par ailleurs, le personnel soignant sera autorisé à facturer directement certaines prestations à la charge de l’assurance obligatoire des soins, comme des services de conseil ou de soins de base.
Si le volume des prestations et les primes d'assurance maladie augmentent en raison de la facturation directe, les partenaires tarifaires pourront négocier un mécanisme de contrôle afin d’empêcher une hausse injustifiée des coûts de la santé, précise le Conseil fédéral.
ats/miro
Le SSP pas satisfait des propositions du Conseil fédéral
Les mesures proposées par le Conseil fédéral sont insuffisantes et trop tardives pour faire face à la grave pénurie de personnel qualifié qui menace, critique le Syndicat des services publics (SSP). Il demande aux cantons d'assumer leur responsabilité en prenant immédiatement des mesures.
Le fait que la nouvelle loi fédérale - mise en consultation - ne s’appliquerait qu'au domaine des soins est problématique, juge le SSP. En effet, un système de santé qui fonctionne bien a besoin de toutes les professions de ce secteur.
Pour réellement améliorer les conditions de travail, il faut fixer des normes contraignantes pour les salaires, ainsi que des ratios personnel/lit minimaux et contraignants, revendique le syndicat. En ne calculant pas la durée du travail en fonction des taux d'occupation, le projet de loi ne propose au final qu'une mesure cosmétique. Le SSP critique par ailleurs la définition de la nouvelle durée normale du travail.
Dans la plupart des cantons, il existe aujourd'hui des conditions de droit public - ou des conventions collectives de travail - meilleures que les prescriptions minimales contenues dans la nouvelle loi, pointe encore le SSP, qui craint un retour en arrière dans de nombreux cantons.