L'UE transmet ses exigences aux négociateurs suisses et n'entre pas en matière sur la clause de sauvegarde
Selon ce document envoyé par la Commission européenne aux 27 pays membres, la Commission européenne vient de transmettre ses exigences aux négociateurs helvétiques en vue d’un accord entre les deux instances.
Mardi, lors de sa visite à Genève, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a ainsi transmis trois messages à la présidente de la Confédération Viola Amherd. Deux d’entre eux portaient sur le contenu des négociations, tandis que le troisième en découlait.
L’UE exprime son agacement face à la Suisse
Concernant la libre circulation, la Suisse cherche à négocier une clause de sauvegarde permettant de suspendre cette libre circulation en cas d’afflux massif de travailleurs étrangers ou de crise économique sectorielle ou régionale. Cette dérogation est importante pour le Conseil fédéral, qui la juge cruciale pour faire accepter par le peuple un paquet bilatéral plus global.
Jusqu’à présent, l’UE observait avec circonspection, voire agacement, les négociateurs suisses revenir sans cesse sur les mêmes points, malgré une longue phase de discussions exploratoires. Lors de son passage à Genève, Ursula von der Leyen a transmis un message clair au plus haut niveau politique: "Une clause de sauvegarde n’est pas acceptable."
Le deuxième message d’Ursula von der Leyen est financier. La Suisse doit rapidement clarifier sa contribution financière à la cohésion de l’UE, principalement pour soutenir l’économie de ses nouveaux membres.
Enfin, la présidente de la Commission européenne a pressé la Suisse de conclure les négociations d'ici à la fin de l’année, ce qui contrecarre les plans de Berne, qui privilégie la qualité plutôt que la rapidité.
La dernière ligne droite
Du côté du Département fédéral des affaires étrangères, on se dit confiant. La fin des négociations d’ici Noël semble toujours possible.
"On est dans les dix derniers mètres de la négociation", a commenté Nicolas Bideau, chef de la communication du DFAE, dans le 19h30. Il y a des dossiers sur lesquels on ne s'est pas encore trouvé. L'immigration est une question centrale, a-t-il poursuivi.
Les ministres des Affaires étrangères de l'UE se réunissent le 15 octobre pour discuter des relations avec la Suisse. Le DFAE ne considère pas ce délai comme une date butoir.
Bruxelles face à la clause de sauvegarde unilatérale
Invité dans l’émission Forum, René Schwok, professeur honoraire en études européennes à l'Université de Genève, n’est pas surpris par la réponse négative de l’UE. "A de nombreuses reprises ces dernières années, la Suisse a tenté de vendre cette idée de clause de sauvegarde, notamment après la fameuse initiative sur l’immigration de masse, et l’UE avait déjà dit non."
Le caractère unilatéral et les critères de déclenchement d'une clause de sauvegarde ont toujours hérissé l'UE
Selon lui, Bruxelles accepterait une approche multilatérale. Cependant, c’est le caractère unilatéral de cette clause qui irrite les négociateurs de la Commission européenne.
René Schwok explique que la tension actuelle du côté de Bruxelles provient d’un sentiment de trahison. En mars, un accord détaillé avait été établi, mais la Suisse a ensuite ajouté une demande pour une clause unilatérale. "Il y avait un 'common understanding', un document assez élaboré et rare dans les négociations internationales, où l’on s’était mis d’accord sur l’ensemble de ce que pourrait être l’accord", souligne l'expert.
>> Lire aussi à ce sujet : Le Conseil fédéral adopte le mandat de négociation avec l'UE
Lente érosion des relations Suisse-UE
Selon lui, la Suisse pourrait obtenir des concessions de l’UE, en visant peut-être une clause temporaire de cinq ou dix ans.
L'expert note que, malgré les apparences, la Suisse ne peut pas se contenter du statu quo: bien que l’économie suisse se porte bien, il y a une lente érosion des relations avec l’UE, une érosion subtile, mais potentiellement problématique.
L’UE a déjà annoncé qu’elle rétablirait en 2025 des obstacles au commerce, notamment des contrôles sur l’exportation des médicaments suisses vers l’UE, ajoute-t-il.
Sujets radio et TV: Alain Franco, Renaud Malik, Coraline Pauchard et Valérie Gillioz
Texte web: Miroslav Mares
Les réactions des parlementaires
Vincent Maitre, conseiller national Le Centre/GE: "Je crois qu’on en est à ce stade où la Suisse s’est probablement montrée un peu trop rigide et jusqu’au-boutiste. Et c'est tout l’édifice qui risque de s’effondrer si on campe sur nos positions."
Pierre-André Page, conseiller national UDC/FR: "Ils veulent un milliard et plus de cohésion et la libre circulation des personnes, c’est vraiment deux éléments sur lesquels on n’entre pas en matière. Et cela clôt le débat."
Nicolas Walder, conseiller national Les Vert-e-s/GE: "Dans ces accords, il y a beaucoup d’avantages pour la Suisse. Charge au Conseil fédéral de les mettre en avant. Je pense qu’il faudra rassurer la population sans cette clause de sauvegarde. On pratique la libre circulation depuis 25 ans, à la satisfaction de tout le monde, il faut mettre en avant les aspects positifs."