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Des coupes dans la coopération internationale pour financer l'augmentation du budget de l'armée?

Deux milliards de francs pourraient être coupés à la coopération internationale. [Keystone - Adrian Reusser]
La coopération internationale va-t-elle subir des coupes importantes pour financer l'armée? / La Matinale / 4 min. / le 14 août 2024
Le budget de la coopération internationale va-t-il être drastiquement réduit pour financer l'armée? C'est l'un des grands débats en cours au Parlement. Le Conseil des Etats souhaite en effet couper 2 milliards de francs dans le budget de la Direction du développement et de la coopération (DDC) pour les quatre prochaines années. Une volonté qui inquiète déjà les associations.

Pour l'instant, le choix n'est pas encore fait au Conseil national. Mardi, la commission de la sécurité de la Chambre basse en a débattu, mais les parlementaires n'ont pas réussi à se mettre d'accord.

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Si le Parlement venait à acter cette coupe de 2 milliards de francs, la Suisse pourrait se retirer de six à huit pays prioritaires de sa coopération internationale. C'est en tout cas ce qu'indique le Département des affaires étrangères à la RTS, tout en soulignait qu'il s'agit encore de prévisions.

Pourtant, les noms de pays en question ont déjà circulé dans la presse. On évoque le Mali, l'Albanie ou encore la Serbie.

Une contribution "essentielle" à la stabilité de la région

Du côté des associations d'aide au développement, l'inquiétude est déjà palpable. On craint notamment de priver la Suisse d'un outil de politique étrangère important.

Mathias Herr est directeur régional chez Helvetas pour l'Europe de l'Est et du Sud. Pour lui, avec la guerre en Ukraine, un retrait suisse serait très dommageable. "La coopération au développement en Europe de l'Est, et dans les Balkans occidentaux en particulier, a apporté une contribution tout à fait essentielle pour la stabilité de la région. Elle a également contribué aux bonnes relations bilatérales au cours des dernières décennies. En réduisant et en fermant des programmes nationaux, on prive la politique étrangère et de sécurité suisse d'un instrument important", analyse-t-il mercredi dans La Matinale.

Dans le détail, les programmes financés par la DDC en Europe de l'Est visent à établir un Etat de droit fort, dans une région qui a souffert d'instabilités au niveau démocratique. Un autre objectif est aussi de développer l'économie à travers la formation. Avec ce type de programmes, des jeunes en Albanie ou en Serbie ont par exemple pu bénéficier d'un meilleur accès au marché du travail.

Pour Helvetas, un retrait du financement de la DDC impliquerait de trouver d'autres sources de financement pour continuer ses activités.

Pression des bailleurs en Afrique subsaharienne

En Afrique subsaharienne, la coupe des programmes au Mali pourrait également avoir un effet déstabilisant. Pour Adam Diouf, directrice régionale pour Helvetas au Burkina Faso, pays voisin, le retrait de la DDC serait un coup de plus donné à une région qui connaît déjà une pression de certains bailleurs de fonds.

"Il y a la nécessité de démontrer notre pertinence dans la région. Heureusement, on a des analyses d'impact qui sont faites et on peut démontrer le nombre d'emplois créés et le nombre de jeunes aidés. Mais si ces coupes arrivent, ce sont toutes les personnes vulnérables, les jeunes, les femmes et les populations déplacées qui seront affectés", explique-t-elle à la RTS.

Un vote serré attendu

Le vote cet automne pour savoir s'il faut couper ou non ces deux milliards de la DDC reste pour l'heure indécis, à l'image des discussions mardi dans l'une des commissions du National.

Après de longs mois de débats, les parlementaires n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur les moyens ou coupes qui permettraient de trouver un financement supplémentaire pour l’armée.

A droite, de nombreux élus estiment donc qu'il faudra inévitablement trouver de l'argent ailleurs. La conseillère nationale PLR vaudoise Jacqueline de Quattro rappelle que le budget de l'aide au développement a déjà été augmenté et qu'il est aujourd'hui conséquent. "Il n'y a pas de vache sacrée, si on doit trouver 4 milliards pour la défense de notre pays, de notre population, on doit économiser au bon endroit", indique-t-elle à la RTS. 

De son côté, la gauche regrette que la plupart des propositions de coupes se concentrent sur la coopération internationale. Les débats promettent donc d'être nourris au cours des prochains mois.

Gabriela Cabré/ther

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