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La réforme de l’école de commerce alarme les syndicats d'enseignants

La réforme fédérale de l'école de commerce inquiète à Genève : interview de Gilles Thorel [RTS]
La réforme fédérale de l'école de commerce inquiète à Genève : interview de Gilles Thorel / Forum / 7 min. / le 15 septembre 2023
L'enseignement à l'école de commerce a été complètement réformé au niveau fédéral. Fini les maths ou le français comme disciplines, place désormais à "la gestion des relations clients" ou encore à "mon environnement social et économique". Quatre semaines à peine après la rentrée, les enseignants tirent la sonnette d'alarme.

Cette réforme s'est faite à pas feutrés, mais à toute vitesse. La décision a été prise à l'échelon fédéral en août 2021. Ses implications concrètes sont pourtant étendues. On peut même parler d'une révolution, les disciplines traditionnelles passant à la trappe.

Désormais, les nouveaux "domaines de compétences" sont censés rapprocher l'école de commerce à plein temps - qui délivre aussi un CFC - du monde professionnel et d'un apprentissage en entreprise. Ce changement de programme ne se fait pas sans accrochages.

Mise en pratique jugée trop rapide

Les syndicats d'enseignants louent la démarche, mais jugent son introduction précipitée. Les organisations syndicales romandes contactées par la RTS estiment que le délai de deux ans est trop court pour un chantier pareil.

Waël Almoman, membre du bureau l'Union du corps enseignant secondaire genevois, le syndicat des enseignants du post-obligatoire, compare cette réforme à un TGV lancé à pleine vitesse contre un mur "en espérant que ça passe".

Mécontentement plus fort à Genève

Des mots particulièrement durs contre cette mutation, qui semble être moins bien acceptée dans le canton de Genève.

Au bout du lac en effet, une nette majorité des élèves suivent le cursus en école à plein-temps, contrairement aux autres cantons où les apprentis sont plus nombreux en formation duale, c'est-à-dire en partie en entreprise. Le changement de méthode affecte donc particulièrement les étudiantes et les étudiants genevois.

Les doléances contre la réforme sont nombreuses à Genève. Les enseignants ont rédigé une liste de six pages. Ils dénoncent avant tout un manque de formation: seules trois demi-journées y ont été consacrées au printemps dernier. Ils se plaignent également d'avoir découvert le plan d'études au dernier moment et assurent ne pas savoir ce qui est attendu exactement des élèves.

Rencontres avec la direction

Plus inquiétant encore, certains professeurs ne se sentent pas compétents pour dispenser les nouveaux enseignements.

Les cas d'une enseignante de français obligée de donner un cours d'arts et d'un prof de maths devant dispenser un cours de création de logo ont été par exemple rapportés à la RTS.

Le syndicat genevois parle déjà d'épuisement et d'arrêts maladie et réclame désormais des ajustements. Des rencontres avec la direction sont même déjà prévues dans certains établissements.

Mohamed Musadak/ami

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Les alertes des enseignants prises aux sérieux à Genève

Interrogé vendredi dans Forum, Gilles Thorel, le directeur général de l'enseignement secondaire II à Genève, reconnaît avoir "partiellement" les mêmes retours du terrain. Mais, quatre semaines après la rentrée, il ne peut pas articuler de chiffres concernant le taux d'absentéisme chez les professseurs. Du reste, il est encore prématuré de comparer la situation genevoise avec celle des autres cantons, estime-t-il. Il explique en outre que, la réforme étant fédérale, le canton de Genève doit de toute façon la mettre en place.

Le responsable déclare en revanche "prendre très au sérieux ce que nous disent les enseignants et les alertes de ceux qui paraissent en détresse dans le cadre de cette réforme", toute en soulignant que les "choses se passent mieux" pour d'autres professeurs.

"Rester mobilisés"

"Ce qui nous intéresse, au niveau de la Direction générale, des directions d'établissement et de l'équipe du projet, c'est de rester mobilisés. Je remercie aussi les enseignants de rester mobilisés dans le cadre de ces réformes et d'y croire. Nous développons des outils et des solutions pour leur venir en aide, compte tenu notamment des surprises relatives à l'accès aux moyens d'enseignement, qui n'est pas optimal", soutient-il.

Ainsi, indique-t-il, des experts de la réforme œuvrent dans les établissements. Les enseignants peuvent s'adresser à ces personnes de références.

Le but de la réforme reste par ailleurs adéquat: "On peut faire le pari qu'un apprentissage plus basé sur des mises en situations pratiques ait plus immédiatement du sens pour ces apprentis qui sortent du cycle d'orientation", plaide-t-il.