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Les "cold case", ces affaires non résolues qui peuvent ressurgir grâce aux progrès de la science forensique

Les "cold case", affaire non-élucidées, en Suisse: interview de Giulia Cinaglia
Les "cold case", affaire non-élucidées, en Suisse: interview de Giulia Cinaglia / La Matinale / 4 min. / le 6 juin 2023
Les avancées de la science médico-légale aident de plus en plus la police à élucider les affaires non résolues, les "cold case". Ainsi, un meurtre commis en 1999 à Bienne, a trouvé mardi son épilogue grâce à un prélèvement d'ADN récolté en 2015.

Le 25 juin 1999, quatre malfaiteurs masqués prennent en otage un couple et leur fils de 14 ans. Vers minuit, les deux aînés, âgés de 22 et 23 ans, se font tirer dessus alors qu'ils rentrent chez eux. Le jeune homme de 22 ans est tué. Suspendue depuis 2001, l'enquête est rouverte en 2015. Des traces d'ADN relevées après un prétendu cambriolage dans un kiosque ont révélé une concordance avec l'ADN du suspect de ce meurtre.

Cette affaire a trouvé son épilogue mardi devant le Tribunal régional de Bienne. Le suspect, un homme de 65 ans, a été condamné à 18 ans et 3 mois de réclusion pour assassinat et tentative d'assassinat. Le Tribunal régional a estimé que ce Macédonien du Nord est bien impliqué dans cet homicide.

La Suisse n'est toutefois pas le pays des grands cold case, tels qu'on se les représente en raison de cas célèbres qui ont fasciné les médias et l'opinion publique: des histoires de serial killer aux Etats-Unis, la disparition du petit Gregory en 1984 en France ou encore l'affaire de Chevaline, un triple homicide survenu près du lac d'Annecy en 2012.

En Suisse, moins de 50 homicides sont commis chaque année et quasi 100% des cas sont élucidés alors qu'en Europe le taux d'élucidation baisse à 60%. Une différence qui s’explique assez simplement: en Suisse, les homicides sont essentiellement commis dans la sphère familiale, ce qui facilite la résolution d'une affaire.

Des progrès techniques...

Les cold case ne concernent cependant pas que des meurtres: viols, braquages ou incendies peuvent aussi appartenir à la catégorie des affaires non résolues. Et les progrès permettent tous les jours de clore définitivement des dossiers.

La première utilisation de l'ADN à des fins criminelles date de 1986. Alors qu'à l'époque, il fallait une quantité importante de matériel biologique pour obtenir un résultat, aujourd'hui les technologies permettent d'analyser d'infimes quantités d'ADN, même à partir d'une seule cellule de la peau, pour pouvoir extraire un profil ADN et ce qu'on appelle l'ADN de contact qui permet de se prononcer sur le fait que quelqu'un aurait manipulé un objet, a expliqué dans La Matinale de mardi Giulia Cinaglia, doctorante à l'école des Sciences criminelles de l'Université de Lausanne.

Autre progrès intéressant: l'amélioration des systèmes automatiques de comparaison de traces, par exemple des empreintes digitales. Les algorithmes sont toujours plus performants et les outils plus puissants pour trouver des correspondances.

... Et législatifs

Il y a également des progrès de nature législative. Ainsi, la nouvelle loi sur l'ADN va permettre de recourir au phénotypage et d'autres techniques, a relevé Simon Baechler, commissaire au sein de la police neuchâteloise et président de la Conférence suisse des chefs de police scientifique.

Avec le phénotypage, "l'idée est d'analyser l'ADN non pas pour identifier la source en ayant une correspondance dans une banque de données de référence avec tous les suspects et criminels, mais plutôt de savoir à quoi ressemble la source de la trace, par exemple la couleur des yeux, des cheveux, l'âge ou l'origine géographique. Cela peut permettre de faire progresser l'enquête", indique-t-il.

Autre outil attendu à l'horizon 2026 en Suisse: la comparaison d'images de visages qui permettront d'exploiter des extraits de vidéo de surveillance.

Les avocats aussi intéressés

Les avancées de la science intéressent également les avocats, a confirmé Guglielmo Palumbo, avocat et président de l'association Projet Innocence Suisse.

"Quand on traite un dossier, en particulier un cold case, on commence par se demander s'il y a eu un poids déterminant de la science forensique. Si c'est le cas, il faudra vérifier si la science forensique en question a évolué et examiner si ces évolutions permettent ou non de remettre en question le bien-fondé de la condamnation de notre client. Cela peut constituer un motif de révision pour démontrer l'innocence de la personne condamnée à tort".

Ces avancées technologiques servent donc aussi pour innocenter des personnes, comme l'a permis l'arrivée de la preuve ADN dans les années 90 aux Etats-Unis, surtout dans des affaires de nature sexuelle.

Deborah Sohlbank/lan

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