Publié

Marie Robert: "L'important est que les clients repartent avec la banane"

#Helvetica : Marie Robert
#Helvetica : Marie Robert / #Helvetica / 20 min. / le 25 mars 2023
Hyperactive, incroyablement créative, Marie Robert a réussi à hisser son restaurant de Bex (VD) parmi les meilleures tables de Suisse romande. Invitée samedi de l'émission #Helvetica, la cheffe cuisinière dit en toute simplicité comment elle cherche à transmettre sa passion.

Agée aujourd'hui de 34 ans, Marie Robert est l'étoile montante de la cuisine helvétique. Elle a du reste vécu une ascension fulgurante. Elue meilleure apprentie cuisinière vaudoise en 2006, elle a terminé son apprentissage au Beau-Rivage Palace de Lausanne. Son diplôme en poche, elle a alors tenté l'aventure quelque temps auprès de l'une des stars de l'émission Top Chef, Thierry Marx, à Bordeaux.

Mais elle est rentrée rapidement en Suisse pour reprendre, à l'âge de 21 ans, le Café Suisse à Bex (VD), avec son associé Arnaud Gorse. Elle a été élue Cuisinière de l'année en 2019 par le guide gastronomique français Gault et Millau, après avoir obtenu une note de 16/20. Et l'année suivante, Marie Robert a confirmé sa notoriété en recevant une étoile au guide Michelin ainsi que le titre de Jeune cheffe de l'année 2020.

Un remerciement pour le travail accompli

"Pour l'équipe, pour toute la brigade, c'est un remerciement pour le travail accompli", se réjouit-elle dans l'émission #Helvetica. "Après, j'ai toujours dit à mon équipe que le plus important était que les clients soient contents, qu'ils repartent avec le sourire, la banane, qu'ils aient passé un bon moment. Cela va au-delà des guides."

Ces récompenses ne lui montent du reste pas à la tête. "Je suis quelqu'un d'assez réservé pour ça", confie-t-elle presque gênée. "Je trouve que c'est fantastique, mais vu que ça m'est tombé dessus sans que j'aie à le chercher, j'ai pris les choses comme elles venaient". Et le plus important, souligne-t-elle, est de toujours garder son intégrité.

Je n'ai pas envie de commencer à avoir peur pour vous faire plaisir.

Marie Robert

Marie Robert a-t-elle ressenti une grosse pression face à cette consécration, cette étoile au Michelin? "C'est compliqué", explique-t-elle. "Vous dire non, ce serait mentir. Vous dire oui, ce serait mentir aussi, parce que je n'ai pas envie de cuisiner en ayant peur de la perdre."

Pour la cheffe du Café Suisse, c'est le jeu. "Il faut un petit peu relativiser, ça reste de la nourriture", dit-elle. "Je n'ai pas envie de commencer à avoir peur pour vous faire plaisir. Sinon, je ne vais plus cuisiner avec le coeur. Si je dois perdre mon étoile pour continuer à vous faire plaisir, je préfère ça."

>> Lire aussi : Le "meilleur chef au monde", le Français Guy Savoy, perd sa 3e étoile Michelin

Grande frayeur durant la pandémie

Lors de la pandémie de Covid, qu'elle a attrapé, Marie Robert a vécu le pire cauchemar pour un cuisinier: elle a perdu le goût et l'odorat. "C'était la galère, il y a encore des griffures au mur, j'avais la trouille, je ne savais pas quoi faire", confirme-t-elle en riant.  "Mais au bout de trois semaines, j'ai retrouvé [mes sens], heureusement pour moi."

Et il n'était de toute façon pas question pour elle de s'arrêter. Restaurant fermé, elle s'est lancée dans la confection de box avec des kits de cuisine et des cours en ligne. La cheffe cuisinière n'a pas hésité à se mettre en scène sur les réseaux sociaux ou dans son restaurant, dont elle change la décoration plusieurs fois par année. Elle bouscule les codes de la gastronomie.

"J'aime bien me moquer de moi-même, ça me fait rire de me mettre en scène, de créer tout un univers", dit-elle. "On ne vient pas juste manger, il y a du délire, on rigole, et on se prend un peu moins au sérieux. Ce n'est même pas que je veuille casser les codes, c'est une petite partie authentique de moi que j'aime bien."

Je ne recherche pas la médiatisation, je cherche à transmettre ma passion.

Marie Robert

C'est aussi ce qui a fait que Marie Robert, native de Châtel-Saint-Denis (FR), a été largement médiatisée au fil des années, elle avait notamment participé à l'émission Amuse-gueule de la RTS. "Je ne pense pas que je recherche la médiatisation, je cherche à transmettre ma passion", précise-t-elle cependant.

Tout faire à l'envers des autres

Et c'est une façon de désacraliser la cuisine, la haute gastronomie. "J'aime tellement me mettre en scène, refaire tous les murs, que ce soit à chaque fois une aventure différente pour le client", raconte encore la patronne bellerine. Et pour y parvenir, elle ne fait décidément rien comme les autres. "Moi je fais toujours les choses à l'envers", explique Marie Robert. "Je crée le concept, j'achète les assiettes, je fais la déco et après je fais les plats. Je fonctionne complètement à l'envers."

Tout le monde, évidemment, ne peut pas s'offrir de la haute gastronomie et c'est parfois un sacrifice pour qui veut se l'accorder. C'est pour cela que la cheffe met un point d'honneur à passer le plus de temps possible en cuisine. "Il y a des gens qui vont économiser toute une année pour venir manger, donc c'est important que je sois là pour les accueillir et qu'ils passent un bon moment", souligne-t-elle avant d'ajouter dans un nouvel éclat de rire: "Et si vous voulez venir en short et en tongs, vous pouvez!"

Je suis une patronne qui écoute, mais il ne faut pas me prendre pour un jambon.

Marie Robert

Marie Robert et Arnaud Gorse emploient aujourd'hui 14 personnes dans leur établissement. Quel genre de patronne est-elle? "Je suis une meneuse, une patronne qui écoute mais qu'il ne faut pas prendre pour un jambon", lance-t-elle avant de rappeler qu'un cuisinier n'est rien sans son équipe.

Et les caractéristiques d'un bon chef, "c'est d'être un bon leader, de placer les bonnes personnes au bon endroit", précise Marie Robert. "Chaque personne a une qualité différente. Certains vont être plus rapides, d'autres plus soigneux, plus créatifs. Il faut obtenir le maximum pour eux aussi."

Et la cheffe étoilée n'est pas prête à éteindre ses fourneaux. "On va voir jusqu'à quand ça continuera, mais pour le moment je ne vois pas pourquoi ça s'arrêterait", dit-elle encore. "Je peux connaître plein de monde, ça m'ouvre des portes extraordinaires."

Propos recueillis par Elisabeth Logean/oang

Publié