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Une étude d’Unisanté montre le malaise de certains jeunes ne consommant pas d’alcool

Des jeunes trinquent. [Depositphotos - Wavebreakmedia]
Une jeunesse sans alcool, un choix difficile à assumer / On en parle / 10 min. / le 3 février 2023
Une étude d’Unisanté sortie en janvier 2023 montre à la fois le profil et le malaise dont souffrent certains jeunes ne consommant pas d’alcool. Un malaise souvent provoqué par les remarques de l’entourage, qui pousse parfois à mentir pour l’acceptation des autres.

Lorsqu'on ne boit pas d’alcool, le plus difficile n’est pas forcément de s’en passer, mais plutôt de subir les remarques et le jugement des autres. Telle est l’une des conclusions d’une étude menée par Unisanté auprès de 63 jeunes résidant en Suisse, âgés entre 14 et 20 ans et parue en janvier 2023.

Les chercheurs et chercheuses se sont penchés sur leurs profils, le regard des autres face à leur abstinence et leurs stratégies pour gérer la pression sociale. Les 12 groupes, réunis par âge, incluaient aussi des jeunes consommant de l’alcool pour avoir leur point de vue sur les jeunes qui n'en boivent pas.

Etude d'Unisanté sur le point de vue des jeunes sur la non-consommation d'alcool (en anglais)

Pourquoi s’intéresser aux jeunes qui ne boivent pas? Yara Barrense-Dias, responsable de recherche au sein du GRSA, le groupe de recherche sur la santé des adolescents à Unisanté à Lausanne, a co-dirigé l’étude.

Interrogée dans l'émission On en parle, elle répond: "C’est le terrain qui est venu à la recherche, notamment par la Fondation vaudoise contre l’alcoolisme. Les chargés de prévention de l’association se rendent dans les écoles pour faire de la prévention contre la consommation excessive d’alcool. Ces dernières années, ils et elles ont remarqué qu’un nombre significatif de jeunes déclaraient ne pas boire d’alcool. La Fondation s’est alors demandé(e) si la prévention était efficace et comment les inclure, car on les oublie souvent."

Des raisons diverses, mais pas toutes ‘égales’

Dans un premier temps, l’équipe de chercheurs et chercheuses a réalisé une étude quantitative sur plus de 6000 jeunes âgés de 14 à 20 ans pour déterminer le nombre d’abstinentes et d’abstinents. "Nous avions deux bases de données sur des populations et des années différentes. En gros, entre 9% et 17% des jeunes ont été identifiés comme étant abstinents", précise Yara Barrense-Dias.

Si les filles sont les plus nombreuses, il est difficile d’établir un profil type car chacun et chacune ne boit pas pour diverses raisons. La chercheuse cite quelques exemples: "Il y a les raisons religieuses, mais aussi le permis de conduire, le goût et l’effet sur le corps. D’autres jeunes, mineurs, ne souhaitent pas être hors-la-loi. Les jeunes filles et jeunes femmes citent aussi la peur de perdre le contrôle en état d’ébriété et d’être vulnérable face à des violences sexuelles."

Etude quantitative d'Unisanté sur les jeunes abstinents à l'alcool (en anglais)

Yara Barrense-Dias constate aussi une hiérarchie entre ces différentes raisons. "Lorsque la raison religieuse est avancée ou lorsqu’on déclare qu’on conduit, le débat est clos. En revanche, en citant d’autres raisons, il faut se justifier encore plus auprès des jeunes qui boivent."

Certains et certaines jeunes mettent en place des stratégies, par exemple en déclarant être sous antibiotiques ou posséder une intolérance au gluten lorsqu’il s’agit de bière. Commander une boisson ressemblant à une boisson alcoolisée est aussi une option. D’autres encore commandent une boisson alcoolisée, mais la donnent à quelqu'un d’autre. "Je les encourage à être honnêtes. Pour cela, la prévention doit agir en faveur de la normalisation du fait de ne pas boire d’alcool", ajoute Yara Barrense-Dias.

Le terme ‘abstinence’ souvent rejeté

Autre élément intéressant de l’étude, la connotation négative associée au terme ‘abstinence’. "Pour la plupart des jeunes interrogés, on parle d’abstinence à la suite d’un problème d’alcoolémie, alors que la plupart n’ont pas de problème lié à l’alcool. D'autres trouvent le terme plus approprié pour des personnes plus âgées", poursuit Yara Barrense-Dias.

Lors des discussions, le mot ‘abstinence’ a donc été changé en ‘non-consommation d’alcool’. "Ils et elles se demandent aussi pourquoi est-ce qu'on utilise un terme pour les désigner, au lieu d’un terme destiné aux jeunes consommant de l’alcool de manière excessive. Un comportement qui est, lui, anormal", conclut Yara Barrense-Dias.

Sujet radio et propos recueillis par Johanna Commenge

Adaptation web: Myriam Semaani

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Normaliser la non-consommation d'alcool

Comment réagir face aux remarques de son entourage lorsqu'on a décidé de ne pas boire d’alcool? Yara Barrense-Dias répond dans l’émission On en parle: "Les outils doivent avant tout venir des adultes par la prévention, en soutenant les jeunes qui ne boivent pas. Les parents également doivent les soutenir – certains et certaines jeunes interrogés dans notre étude ont avoué ressentir une pression de la famille lorsqu'ils et elles atteignent un certain âge. Les parents doivent donc faire attention et poser la question à leur enfant avant de leur servir un verre de vin. La non-consommation d’alcool doit devenir normale, sans pour autant diaboliser la consommation d’alcool."