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Les présidences suisses du Conseil de sécurité de l'ONU s'annoncent chargées

Le Conseil de sécurité de l'ONU réuni à New York le 22 septembre 2022. La guerre en Ukraine était alors à l'ordre du jour. [AFP - M. Santiago/Getty Images]
La Confédération compte jouer les bâtisseuse de ponts au Conseil de sécurité de l'ONU / La Matinale / 1 min. / le 21 décembre 2022
La Suisse présidera le Conseil de sécurité de l'ONU en mai prochain, puis en octobre 2024. Elle s'attend à des périodes "chargées". Le futur président de la Confédération Alain Berset et le chef de la diplomatie Ignazio Cassis devraient se déplacer en mai à New York.

Ce mois est "traditionnellement très chargé", a dit mardi à la presse l'ambassadrice suisse à l'ONU à New York Pascale Baeriswyl. L'organe exécutif renouvelle habituellement les mandats de missions politiques ou militaires dans un certain nombre de pays.

L'Ukraine et d'autres situations chaudes devraient s'imposer au menu de cette présidence, tout comme pendant tout son mandat de deux ans en 2023 et 2024. L'ambassadrice ne cache pas qu'elle s'attend à ce que la Suisse "soit attaquée" sur la question de la neutralité.

Berne a fait l'analyse que ce mandat était compatible avec sa politique. Sur les sanctions contre la Russie, elle a expliqué depuis des mois la différence entre le droit, qui lui impose de ne pas autoriser l'utilisation de son armement dans un conflit, et la politique de neutralité qui lui permet de les appliquer.

Au Conseil, quatre réunions sur cinq reviennent régulièrement. "Nous avons les mécanismes dont nous avons besoin" pour ce mandat, affirme le chef de la division ONU au Département fédéral des affaires étrangères (DFAE), l'ambassadeur Thomas Gürber.

>> Lire aussi : La Suisse officiellement élue au Conseil de sécurité de l'ONU pour 2023-2024

Dossiers sur l'Afrique de l'Ouest et la Syrie

Pendant sa présidence, la Suisse peut prévoir des discussions thématiques. Elle souhaite organiser une réunion de haut niveau sur la protection des populations civiles pendant la troisième semaine de mai, avec si possible Alain Berset et le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres. Sauf surprise dictée par l'actualité internationale, un débat ministériel doit avoir lieu le 23 mai, présidé par Ignazio Cassis. La thématique devrait porter sur les nouvelles menaces pour la paix et la sécurité, mais pourrait encore changer, dit l'ambassadrice.

Les deux conseillers fédéraux reviendront à New York en septembre pour l'Assemblée générale de l'ONU, mais il est probable que le chef de la diplomatie suisse siège aussi au Conseil plus tôt dans l'année, avant la présidence. En octobre 2024, le président ou la présidente de la Confédération, Viola Amherd en principe, devrait diriger à nouveau un format de haut niveau dans l'organe exécutif.

Les tâches de la Suisse au sein du Conseil commencent également à se préciser, même si des négociations entre grandes puissances doivent encore les confirmer. Parmi les certitudes, Berne fonctionnera avec le Ghana comme donneuse d'impulsion sur l'Afrique de l'Ouest et le Sahel. Elle devrait également remplir ce rôle sur l'épineux dossier de l'accès humanitaire en Syrie, sur lequel les Etats-Unis et la Russie s'étaient récemment opposés.

La Suisse devrait également être membre du Comité des sanctions sur la Corée du Nord et diriger deux groupes d'experts sur ses chantiers préférentiels, dont l'un sur le climat et la sécurité. Sans oublier une fonction de référente pour la question de la faim et des conflits.

Deux prochaines années "intenses"

La Suisse entamera son mandat comme l'un des dix membres non permanents du Conseil de sécurité le 1er janvier. Il n'est pas exclu qu'une réunion d'urgence puisse l'occuper dès 00h01 (heure de New York), une situation qui est déjà arrivée, fait remarquer Pascale Baeriswyl. Si ce n'est pas le cas, son drapeau sera hissé aux côtés de celui des autres membres le 3 janvier lors d'une cérémonie. La première discussion à suivre sera une réunion sur la Syrie le 5 janvier.

Le Conseil de sécurité est bloqué depuis longtemps par le droit de veto des grandes puissances (Etats-Unis, Russie, Chine, Grande-Bretagne et France) sur les questions les plus chaudes. Mais Pascale Baeriswyl relève qu'il a réussi à approuver récemment un nouveau régime de sanctions, pour la première fois en cinq ans, sur Haïti. La Suisse est notamment attachée aux exceptions humanitaires dans ce type de mesures coercitives.

Elue il y a quelques mois en égalant le plus grand nombre de votes pour un Etat occidental, l'ambassadrice suisse à l'ONU est attendue comme une faiseuse de liens entre puissances divergentes. Elle s'est préparée concrètement depuis des mois à ce rôle. "Ce sera un effort d'équipe", insiste l'ambassadrice qui prévoit "deux années intenses et riches en expériences pour préparer la diplomatie suisse sur les valeurs qu'elle veut défendre" dans un monde toujours plus incertain.

Le Conseil fédéral a établi quatre chantiers pour ce mandat qui demandera environ 25 postes supplémentaires au DFAE. Outre la paix durable, la protection des populations et la sécurité climatique, elle veut également oeuvrer pour plus d'efficacité au Conseil de sécurité.

>> Le reportage du 19h30 à New York auprès de Pascale Baeriswyl :

La Suisse se prépare à intégrer le 1er janvier prochain le Conseil de sécurité de l'ONU
La Suisse se prépare à intégrer le 1er janvier prochain le Conseil de sécurité de l'ONU / 19h30 / 2 min. / le 20 décembre 2022

ats/iar

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L'affaire complexe du droit de veto: les explications de Joseph Deiss

Des réformes pourraient voir le jour au Conseil de sécurité, à l'initiative de la Suisse. C'est en tout cas ce que pense l'ancien secrétaire d'Etat Michael Ambühl. Mais pour l'heure, l'institution est paralysée par le droit de veto des cinq membres permanents (Chine, États-Unis, Russie, France et Royaume-Uni).

Or, s'attaquer à celui-ci est une affaire complexe, a expliqué mercredi dans La Matinale Joseph Deiss. L'ancien conseiller fédéral fribourgeois en sait quelque chose. Alors président de l’Assemblée générale des Nations Unies de 2010 à 2011, il s'était attelé à la tâche, pour rapidement se rendre compte qu’une année de présidence ne suffirait absolument pas.

Veto sur la suppression du droit de veto

"Pour supprimer le droit de veto, il faut changer la charte", dit-il. "Pour changer la charte, il y a d'un côté un avantage: l'assemblée des membres qu'il faut organiser n'a pas besoin de l'approbation des cinq membres permanents du Conseil de sécurité". Car dans ce cas, ils n'ont pas de droit de veto.

Mais à l’étape suivante, les choses se corsent. Une fois le contenu de la charte négocié, celle-ci entre en vigueur à condition que deux tiers des membres et les cinq permanents la ratifient, poursuit l'ancien conseiller fédéral. "Ce qui veut dire qu'au moment de la ratification, les cinq pays ayant un droit de veto ont le veto sur la suppression du veto", explique Joseph Deiss, qui doute que ceux-ci aillent dans la direction d'une suppression de ce privilège. L'ancien élu PDC (devenu Le Centre) n'est pas fataliste pour autant. Le changement pourrait se faire après de longues négociations. Il avertit également contre le "romantisme du Saint-Bernard": la petite Suisse ne réglera pas tous les problèmes des grands pays.

>> Ecouter le sujet dans La Matinale :

Vue sur l'Assemblée générale de l'ONU décidant de l'élection de cinq membres non-permanents du Conseil de Sécurité pour 2023-2024. [Keystone - Alessandro della Valle]Keystone - Alessandro della Valle
Le conseil de sécurité de l'ONU est-il réformable ? / La Matinale / 4 min. / le 21 décembre 2022