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Affaire Crypto: une procédure pourra être lancée contre le procureur extraordinaire Peter Marti

Une procédure pourra être ouverte contre le procureur de l'affaire Crypto, Peter Marti. [Keystone - Alexandra Wey]
Le procureur extraordinaire de la Confédération pour l'affaire Crypto AG Peter Marti sous enquête / La Matinale / 1 min. / le 21 décembre 2022
Le Département fédéral de justice et police (DFJP) a autorisé mardi l'ouverture d'une enquête pénale contre Peter Marti, lui-même procureur extraordinaire dans l'affaire Crypto. Il est accusé d'abus d'autorité par un ancien chef de la communication du Département fédéral de l'intérieur.

L'autorité de surveillance du Ministère public de la Confédération (AS-MPC) avait nommé Peter Marti comme procureur extraordinaire de la Confédération en janvier 2021 pour examiner de présumées fuites en lien avec "l'Affaire Crypto". Or, selon un communiqué du DFJP, celui-ci fait désormais lui-même l'objet d'une plainte.

En septembre, les journaux de Tamedia révélaient que Peter Lauener, l'ancien chef de la communication du Département fédéral de l'intérieur, avait déposé plainte pour abus d'autorité. Ce dernier est au centre de l'enquête ouverte par Peter Marti sur une fuite d'informations dans l'affaire Crypto. Il a été placé temporairement en détention préventive durant le mois de juillet, soupçonné de violation du secret de fonction. Une mesure jugée inhabituellement sévère par certains experts.

>> Lire : L'ancien chef de la communication d'Alain Berset aurait fait un séjour en prison

Excès de zèle de Peter Marti

Suite à cette plainte de Peter Lauener, l'AS-MPC a nommé cet automne un autre procureur extraordinaire, l'avocat lucernois Stephan Zimmerli, pour examiner les faits. Mi-novembre, on apprenait dans la presse alémanique que celui-ci disposerait de suffisamment de preuves contre Peter Marti pour demander au DFJP d'ouvrir une procédure pénale à son encontre.

Selon plusieurs juristes, le mandat de Peter Marti ne concerne que les fuites présumées au Ministère public. Or, Peter Lauener est un collaborateur du Conseil fédéral, non du MPC. Il aurait donc dépassé le cadre de son mandat et n’aurait pas eu l’autorisation pour enquêter sur l'ancien porte-parole d'Alain Berset. Certains estiment donc que l'AS-MPC aurait donc dû lui mettre des limites, d'autant que Peter Marti a ouvert deux autres enquêtes sur des violations du secret de fonction.

>> Les explications d'Etienne Kocher dans Forum sur la situation (en juillet) :

Le procureur extraordinaire Peter Marti qui enquête sur l’affaire Crypto est mis sous pression
Le procureur extraordinaire Peter Marti qui enquête sur l’affaire Crypto est mis sous pression / Forum / 2 min. / le 20 juillet 2022

Autorisation formelle du DFJP

Le droit sur la responsabilité des employés de la Confédération stipule qu'une telle procédure visant un procureur extraordinaire comme Peter Marti nécessite une autorisation du DFJP. Autorisation qui vient donc d'être donnée par la ministre Karin Keller-Sutter et signée par la secrétaire générale du DFJP. Elle estime qu'il est impossible d'exclure que les infractions reprochées à Peter Marti soient réelles.

L'autorisation de poursuite ne dit cependant rien de la culpabilité ou de l'innocence de la personne visée, précise encore le communiqué. Mais avec cette nouvelle procédure, Peter Marti devra très probablement suspendre ses enquêtes contre Peter Lauener.

jop avec ats

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Rappel des faits

L'affaire Crypto a été révélée en février 2020. La CIA et les services de renseignement allemands (BND) auraient intercepté, durant des dizaines d'années, des milliers de documents via les appareils de chiffrement de l'entreprise zougoise Crypto AG. Grâce à des appareils truqués, la CIA et le BND ont écouté les conversations de plus d'une centaine d'Etats étrangers.

Les deux services de renseignement ont acheté l'entreprise zougoise à parts égales en 1970, en passant par une fondation du Liechtenstein. Le BND a quitté l'opération en 1993. Mais les Etats-Unis auraient prolongé les écoutes jusqu'en 2018 au moins.

Une enquête parlementaire a montré que le renseignement suisse savait depuis 1993 que des services de renseignement étrangers se cachaient derrière Crypto. Il a collaboré avec eux pour collecter des informations sur l'étranger. Problème: les chefs successifs du Département de la défense n'ont pas été informés. Le rapport pointait des lacunes dans la gestion et la surveillance du renseignement et concluait à une coresponsabilité.