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A son rythme, le bois se taille une place dans la construction

Les menuisiers veulent promouvoir l’utilisation du bois suisse dans la construction
Les menuisiers veulent promouvoir l’utilisation du bois suisse dans la construction / La Matinale / 4 min. / le 16 août 2022
Le bois se fait petit à petit une place dans le secteur de la construction en Suisse. Après avoir subi de nombreux obstacles, ce matériau est de plus en plus plébiscité par les constructeurs pour ses avantages écologiques et techniques.

En Suisse, seulement 12 à 15% des bâtiments existants sont en bois. Mais cette proportion est en train d'évoluer. Que ce soit des villas individuelles, des bâtiments publics et même des gratte-ciels, de plus en plus de constructions sont désormais construites en bois en Suisse. La plus grande tour du monde en bois, d’une hauteur de 100 mètres, pourrait d'ailleurs voir le jour à Winterthour (ZH).

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Mais les constructions en bois doivent encore se défaire d'une image négative qui leur colle à la peau. Elles ne seraient pas très solides, comme veut le faire croire le conte des Trois petits cochons. Une idée rejeté en bloc par Thomas Buchi, ingénieur et designer du bois depuis plus de 30 ans.

"Le conte de Walt Disney a fait beaucoup de mal, parce qu'il fait croire que le bois n’est pas résistant. Et en fait, ce n'est pas du tout le cas. Non seulement il a une résistance mécanique exceptionnelle, mais en plus il est beaucoup plus résistant à l’incendie que l’acier", explique-t-il mardi dans La Matinale.

Sensibiliser les architectes

Au-delà de son image, l’utilisation industrielle du bois a été freinée par de nombreux obstacles techniques, économiques et juridiques. Ce temps est toutefois révolu, relève Maxime Métrailler, président de l’association valaisanne des entreprises de menuiserie.

Ce spécialiste estime que la filière doit sensibiliser les acteurs de la construction: "Je pense qu'on doit vraiment accompagner un peu plus les architectes, et cela dès leur formation. La filière du bois devrait presque payer un enseignant pour aller dans les écoles d’architecture pour apprendre les techniques de la construction en bois aux futurs architectes."

Tant que le bois est mis en œuvre, le CO2 reste fixé. Si vous le brûlez ou s'il pourrit, il relâche le CO2

Thomas Buchi, ingénieur et designer du bois

Selon les experts, construire en bois comporte de très nombreux avantages. Il y a tout d'abord un gain environnemental. De son vivant, un arbre capte des tonnes de CO2. Construire en bois permet de prolonger l’effet.

"Tant que le bois est mis en œuvre, le CO2 reste fixé. Si vous le brûlez ou s'il pourrit, il relâche le CO2", explique Thomas Buchi. "L’idée est d'utiliser les vieux arbres qui sont à maturité pour construire et de laisser croître les jeunes. Vous avez ainsi une forêt saine et en même temps vous fixez du CO2 pendant la construction."

Plus léger que le béton

Au niveau technique, le bois a aussi beaucoup de vertus. Il est cinq fois plus léger que le béton, ce qui est pratique, par exemple pour des surélévations de bâtiment. Le bois permet aussi de gagner du temps sur les chantiers, car les éléments sont préfabriqués en atelier et ensuite rapidement montés.

Par ailleurs, Thomas Buchi précise que l'on peut presque tout construire en bois. "Vous pouvez faire des ponts, des bâtiments élevés, des salles de gymnastique, des patinoires, des piscines, des maisons, des immeubles. Par contre, vous ne pouvez pas faire des fondations en bois, un sous-sol ou autre. Là, cela devient compliqué."

La préservation des arbres est aussi une des limites du bois. Mais la surface de la forêt suisse augmente chaque jour de l’équivalent de quinze terrains de foot, ce qui permettrait de doubler la quantité de bois indigène qui est récolté. Pourtant, malgré ce fort potentiel, les trois quarts du bois utilisé en Suisse proviennent de l’étranger.

Maxime Métrailler explique cela par des questions de coûts liés à la topographie de nos forêts. "On se retrouve dans de fortes pentes, avec des accès compliqués. On travaille souvent avec des systèmes à l’hélicoptère pour sortir le bois. Parfois, on monte des lignes de câbles, comme des téléphériques, pour sortir le bois des forêts, et ça a un coût important." Des problèmes que n’ont pas, par exemple, les pays nordiques.

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Volonté politique

La Suisse manque aussi d’entreprises de transformation du bois, ce qui ne permet pas d’augmenter la cadence. La situation pourrait néanmoins changer. Il existe une réelle volonté politique de promouvoir le bois suisse. La Confédération a développé tout un plan d’action, doté de plusieurs millions de francs. Au Parlement, plusieurs motions vont dans ce sens. L'une d'elle, adoptée l’an dernier, veut contraindre le Conseil fédéral à investir dans la recherche et l’innovation.

Finalement, certains cantons et communes sont très actifs. Ces collectivités publiques sont les principaux propriétaires des forêts du pays. Elles ont donc tout intérêt à valoriser le bois suisse.

Valentin Emery/asch

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