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"Il faudra limiter les demandes en eau à l'avenir en Suisse"

Emmanuel Reynard, professeur de géographie à l'UNIL, analyse le manque d'eau qui frappe plusieurs pays d'Europe.
Emmanuel Reynard, professeur de géographie à l'UNIL, analyse le manque d'eau qui frappe plusieurs pays d'Europe. / 19h30 / 3 min. / le 6 juillet 2022
Les derniers orages n'ont pas effacé le manque d'eau qui frappe de vastes régions en Europe depuis ce printemps. Et en Suisse aussi, la pression climatique pourrait contraindre à freiner les besoins à l'avenir.

Malgré des précipitations parfois abondantes ces derniers jours, les niveaux des nappes phréatiques affichent globalement une tendance à la baisse en Suisse.

Face au niveau très faible des eaux souterraines au Tessin, l'office cantonal pour la protection des eaux a demandé aux communes autour de Locarno de surveiller leurs réservoirs afin de prévenir un manque d'eau potable. C'est le cas ailleurs aussi, comme dans la commune fribourgeoise du Gibloux où les habitants ont été invités à limiter leur consommation d'eau.

Des sécheresses qui se multiplient

A l'échelle suisse, les nappes phréatiques sont cependant encore bien remplies actuellement et l'approvisionnement en eau potable est assuré, affirme l’Office fédéral de l'environnement et du paysage (OFEV). Mais comme d'autres pays en Europe (Italie, Espagne, Portugal ou France, notamment), la Suisse est aussi de plus en plus concernée par les périodes de sécheresse.

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"On dit souvent que la Suisse est le château d'eau de l'Europe, mais on l'a vu certaines années précédentes, elle a fait face à des pénuries", relève le professeur de géographie Emmanuel Reynard (UNIL) mercredi dans le 19h30 de la RTS. "En 2015, on a dû approvisionner des alpages jurassiens avec des hélicoptères, en 2018, le Doubs était à sec", rappelle-t-il. "On n'est pas à l'abri de ce genre de situation".

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Nécessité de collecter plus de données

Il va donc falloir adapter à l'avenir les structures de gestion de l'eau en Suisse. Le Conseil fédéral a du reste publié il y a un mois et demi un rapport sur la sécurité de l'approvisionnement en eau en Suisse. Celui-ci avance un certain nombre de mesures nécessaires, comme le détaille ce spécialiste de la gestion de l'eau.

"Il s'agit tout d'abord de mieux collecter des statistiques sur les demandes en eau", explique-t-il. "On connaît très bien la ressource, qui est mesurée dans les cours d'eau depuis très longtemps. Par contre, on connaît très mal certains usages comme l'irrigation, qui n'est pas du tout monitorée. Donc, on doit collecter plus de données pour être mieux préparés à des situations de ce type".

Le fédéralisme vu comme un frein

Emmanuel Reynard souligne que le fédéralisme helvétique est source de difficultés, contrairement à d'autres pays comme la France qui dispose d'organismes beaucoup plus directifs.

"La France, qui a une culture très centralisée, a mis en avant un modèle qui est celui de la gestion intégrée des ressources par bassin versant", note le professeur de géographie. "En Suisse, mais aussi dans d'autres pays fédéraux, c'est beaucoup plus difficile puisque plusieurs entités politiques sont responsables de la gestion de l'eau".

L'eau potable est le domaine des communes mais la gestion des crues, les questions de qualité des eaux, sont plutôt du domaine des cantons, rappelle-t-il. "Et donc il faut trouver une meilleure coordination".

Meilleur équilibre entre besoins et ressources

Les changements climatiques sont désormais systématiquement mis en avant pour expliquer les événements naturels exceptionnels. Mais "ce n'est pas qu'une question hydrologique ou climatique", pointe Emmanuel Reynard. "On a certes actuellement un déficit de précipitations, de recharge des nappes, mais on a en même temps une augmentation des besoins, des pompages".

Il s'agit donc de trouver un équilibre entre les demandes en eau et les ressources disponibles. "Et si ces ressources baissent dans le futur, il faudra aussi prendre des mesures pour limiter les demandes en eau et pas seulement de manière ponctuelle lors de périodes de crise comme celle-ci".

Propos recueillis par Philippe Revaz/oang

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La Confédération se prépare aux graves pénuries

Au vu des défis à venir, la Confédération a adapté il y a deux ans l'ordonnance ad hoc pour parer à une situation de pénurie grave.

Les cantons, chargés de surveiller l'approvisionnement en eau potable, sont invités à coopérer entre eux et de manière suprarégionale.

Outre un inventaire électronique des ressources disponibles en eau et des cartes numérisées à mettre à jour périodiquement, ils doivent être en mesure d'intensifier à court terme les analyses de qualité de l'eau potable.

Les exploitants d'installation d'adduction sont priés d'élaborer un plan en cas de crise.