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Deux millions de vaccins contre le Covid donnés par la Suisse à Covax sont introuvables

Une fiole du vaccin AstraZeneca contre le Covid-19. [Keystone - AP Photo/Juan Karita]
Suisse et Covax, beaucoup de promesses mais peu de vaccins livrés / Forum / 4 min. / le 17 juin 2022
Moins de la moitié des doses du vaccin AstraZeneca promises par la Suisse au programme Covax ont été effectivement distribuées dans des pays pauvres. Le sort de plus de 2 millions de doses reste inconnu.

En juin 2021, la Confédération annonçait donner 4 millions de doses du vaccin AstraZeneca à l'initiative Covax, qui vise à faciliter l'accès à la vaccination contre le Covid-19 dans les pays défavorisés. Un an plus tard, seules 1,8 million de ces doses ont effectivement été distribuées à huit pays (voir le détail en encadré).

Pourquoi? D'une part, la demande a fortement chuté depuis le début de l'année, y compris dans les pays pauvres. D'autre part, le marché est inondé par une surproduction à l'échelle mondiale. Autrement dit, il y a beaucoup trop de doses disponibles et personne n'en veut.

Qu'est-il advenu des 2,2 millions de doses restantes données par la Suisse? Ont-elles été produites? Si oui, où se trouvent-elles? Si non, est-ce que la Suisse a payé des vaccins qui n'ont jamais été fabriqués? Impossible de le savoir. Ni l'Office fédéral de la santé publique (OFSP), ni le fabricant, ni Covax n'ont pu ou voulu répondre à ces questions.

Interrogée vendredi dans l'émission Forum, Nora Kronig, responsable de la division Affaires internationales à l'OFSP, souligne que la demande est maintenant "inexistante pour AstraZeneca, un vaccin surtout utilisé au début des campagnes de vaccination".

"On est en train de regarder ce qu'il va se passer pour ces 2,2 millions de doses (...), quelles doses ont effectivement été produites", poursuit Nora Kronig, parlant de "possibles destructions".

"Un certain gaspillage est inévitable"

La validité du vaccin AstraZeneca n'est que de six mois. Si ces doses ont été produites en 2021, comme c'était initialement prévu, elles sont maintenant périmées.

Sans donner d'informations sur ces 2,2 millions de doses, Covax reconnaît qu'"un certain gaspillage est inévitable". Et d'ajouter: "Dans le contexte d'une pandémie comportant de nombreuses inconnues, le risque de gaspillage est un compromis toutefois nécessaire pour garantir un approvisionnement toujours disponible."

Qui paie quoi dans le scénario d'une destruction de ces doses? Secret des contrats oblige là encore: aucun acteur du dossier n’a donné de réponses précises à ce sujet.

Dons compliqués

Le don de doses vers des régions défavorisées, perçu au début comme un contrepoids aux achats à tout-va des pays riches, s'avère plus compliqué que prévu. Il faut que le fabricant, Covax et le pays donateur s'accordent. Et cela passe par des négociations longues et compliquées, confirme Nora Kronig.

"Il se pose dans ces contrats exactement les mêmes questions que lorsqu'on négocie pour la Suisse. Des questions de calendrier, de responsabilité, la transmission d'autorisation de mise sur le marché, jusqu'à des détails d'étiquetage ou de manière de transmettre les produits", explique la vice-directrice de l'OFSP.

Certaines voix affirment que, pour des raisons légales surtout, des entreprises pharmaceutiques rechignent à livrer des dons de vaccins dans certains pays. Des affirmations rejetées par les faîtières des pharmas.

Nouveaux dons suisses à Covax signés

Malgré ces difficultés, le Conseil fédéral poursuit sa collaboration avec Covax. En février, il a décidé de donner une nouvelle partie de son surplus de vaccins au programme: 15 millions des 34 millions de doses réservées par la Suisse pour l'année 2022. Il s'agit cette fois des sérums de Pfizer et Moderna. Et les négociations ont presque abouti.

Un contrat permettant la mise en oeuvre des dons a été signé début juin entre la Confédération, Covax et Pfizer. Celui avec Moderna est à bout touchant.

D'après les données de Covax, 2,5 millions de doses "suisses" du vaccin de Pfizer devraient prochainement prendre la direction du Honduras, des Philippines, du Kirghizstan et de l'Ouganda.

"Pour nous, Covax a toujours été important parce qu'il permet d'avoir une distribution large, un accès équitable", insiste Nora Kronig. "Ce n'est pas un Etat qui décide à qui il donne directement, mais une mise à disposition ouverte et libre pour répondre aux demandes des pays."

Reste à savoir si ce don de 15 millions de doses permettra d'améliorer la couverture vaccinale de pays en développement ou si elles prendront la poussière chez les fabricants.

Valentin Tombez et Marc Menichini

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