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Joseph Deiss: "La Suisse arrive au Conseil de sécurité de l'ONU à un moment crucial"

Joseph Deiss décrypte les enjeux de l’adhésion de la Suisse au conseil de sécurité de l’ONU [RTS]
Joseph Deiss décrypte les enjeux de l’adhésion de la Suisse au conseil de sécurité de l’ONU / La Matinale / 8 min. / le 9 juin 2022
Vingt ans après son adhésion aux Nations unies, la Suisse devrait sans surprise obtenir jeudi un siège au Conseil de sécurité pour un mandat en 2023 et 2024. Invité jeudi dans La Matinale de la RTS, l'ancien président de la Confédération Joseph Deiss estime que la Suisse deviendra l'un des membres "incontournables" des Nations unies.

"C'est un beau jour pour moi, et pour notre pays. (...) La Suisse va siéger dans un lieu mythique. C'est quelque chose d'énorme." Joseph Deiss, ancien président de la Confédération, ne cache pas son enthousiasme à quelques heures (16h00 en Suisse) du vote de l'Assemblée générale de l'ONU. "Pendant deux ans, la Suisse va être l'un des membres incontournables des Nations unies", promet-il jeudi dans La Matinale de la RTS.

L'ancien président de la Confédération estime que l'arrivée de la Suisse au Conseil de sécurité "ressemble à un exploit". "Il y a cinq postes de membres non permanents par année qui sont à disposition pour 150 candidats potentiels sur les 190 de l'Assemblée générale. Si vous divisez 150 par 5, cela fait 30. Normalement, nous aurions pu bénéficier de ce siège tous les 30 ans. Et là, nous sommes un 'nouveau' membre arrivé il y a vingt ans seulement."

Devant la presse mercredi soir à New York (jeudi matin en Suisse), Ignazio Cassis est resté prudent, mais confiant jusqu'au bout, répétant que sauf surprise l'élection était acquise. Cinq pays sont candidats à cinq sièges de membres non permanents au Conseil de sécurité de l'ONU. Et la Suisse est la seule à briguer avec Malte les deux sièges du bloc d'Europe occidentale dans l'organe exécutif onusien.

>> Lire aussi : La Suisse se prépare à être élue au Conseil de sécurité de l'ONU

Ignazio Cassis et les dirigeants des quatre autres pays ont discuté mercredi de la manière, dont ils pourraient collaborer au sein de l'organe exécutif onusien. Tous doivent obtenir au moins deux tiers des voix des pays votants parmi les 193 États de l'organisation.

"Jamais une formalité", dit Ignazio Cassis

"Ce n'est jamais une formalité", affirme le président de la Confédération. Il a relevé que ce mandat constituera l'accomplissement de près de 15 ans d'efforts depuis les premiers préparatifs de la candidature, officialisée il y a un peu plus de dix ans.

La Suisse va être exposée dans les prochains mois. Début juillet à Lugano, au Tessin, en accueillant la conférence sur la reconstruction de l'Ukraine, puis dès janvier prochain pour deux ans au Conseil. "La Suisse se trouve en ce moment dans un chapitre important de son histoire en termes de politique étrangère", ajoute le président.

>> Ecouter l'interview d'Ignazio Cassis dans La Matinale :

Le président de la Confédération Ignazio Cassis, le 8 juin 2022 à New York. [KEYSTONE - ALESSANDRO DELLA VALLE]KEYSTONE - ALESSANDRO DELLA VALLE
La Suisse se prépare à être élue au Conseil de sécurité de l'ONU / Interview d'Ignazio Cassis / La Matinale / 1 min. / le 9 juin 2022

"Un moment crucial"

La Suisse veut aider à une paix durable, protéger la population civile, oeuvrer à la sécurité climatique et renforcer l'efficacité de l'organe. Selon l'ancien président de la Confédération Joseph Deiss, la Suisse pourra apporter ses valeurs et son expérience. "La Suisse n'arrive pas les mains vides, puisqu'elle accueille le siège de l'ONU le plus important après New York, et de nombreuses organisations internationales. Sa réputation n'est plus à faire."

Joseph Deiss estime que la Suisse pourra "retirer beaucoup" de ce siège au Conseil de sécurité. Mais elle devra "montrer du courage, de la ténacité, de l'imagination". "Nous arrivons au Conseil de sécurité à un moment crucial. Car l'un des cinq membres permanents (la Russie, n.d.l.r.) donne dans la démence et la perversité. Il nous faudra beaucoup de qualités pour préserver et retourner à la paix."

Le droit de veto en question

Depuis longtemps, la Suisse défend une réforme du Conseil de sécurité alors que l'enceinte est bloquée par le droit de veto des cinq membres permanents, les Etats-Unis, la Russie, la Chine, la France et la Grande-Bretagne.

Désormais, ceux-ci doivent justifier devant l'Assemblée générale l'utilisation du droit de veto (lire encadré). Ignazio Cassis souhaite que la Suisse oeuvre comme intermédiaire pour convaincre les grandes puissances de ne pas y recourir. Et d'ajouter que les autres pays attendent de Berne une attitude qui a fait sa "réputation". Malgré ces blocages, Joseph Deiss estime que "nous serions dans une situation bien plus grave s'il n'y avait pas l'ONU".

>> Lire aussi : Comment fonctionne le Conseil de sécurité des Nations unies?

Opposition de l'UDC

Paradoxalement, selon des observateurs internationaux, la lutte pour ce siège aura été plus acharnée sur le front intérieur qu'auprès des autres Etats. Depuis des années, l'UDC et son tribun Christoph Blocher ont milité contre cette participation au Conseil de sécurité, souhaitant même que cette question soit réglée devant le peuple.

Le parti de droite aura tenté de s'opposer à ce scénario, en vain malgré des sessions extraordinaires dans les deux chambres du Parlement. Pour Joseph Deiss, qui a présidé l'Assemblée générale de l'ONU entre 2010 et 2011, la neutralité de la Suisse n'est pas remise en question par ce siège au Conseil de sécurité. Elle sera même "un élément important à jouer".

Tout ce que Christoph Blocher a annoncé en 2002 ne s'est pas produit. Allons-nous encore longtemps écouter ceux qui se sont trompés pendant vingt ans?

Joseph Deiss, ancien président de la Confédération

"L'Irlande siège actuellement au Conseil de sécurité. C'est un pays neutre, et qui n'est pas membre de l'Otan. Il n'y a jamais eu de problème. Au Conseil de sécurité, ce n'est pas les pays neutres qui posent des problèmes, c'est ceux qui ne le sont pas", lance-t-il.

Et d'ajouter: "Tout ce que Christoph Blocher a annoncé en 2002 ne s'est pas produit. Allons-nous encore longtemps écouter ceux qui se sont trompés pendant vingt ans?"

>> Ecouter aussi l'histoire des relations entre la Suisse et l'ONU racontée dans La Matinale :

Les chercheurs ont analysé les données de votes à l'Assemblée générale de l'ONU et au Conseil des droits de l'homme depuis l'adhésion de la Suisse à l'ONU. [Laurent Gillieron]Laurent Gillieron
L'histoire des relations entre la Suisse et l'ONU / La Matinale / 2 min. / le 9 juin 2022

Propos recueillis par Agathe Birden

Adaptation web: Valentin Jordil avec agences

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Les Etats-Unis accusés à l'ONU par la Chine et la Russie d'attiser les tensions

La Chine et la Russie ont accusé mercredi à l'ONU les Etats-Unis d'attiser les tensions dans la péninsule coréenne, lors du premier débat jamais organisé à l'Assemblée générale sommant les utilisateurs d'un veto au Conseil de sécurité de venir l'expliquer devant les 193 membres de l'Organisation.

Pékin et Moscou avaient bloqué le 26 mai au Conseil de sécurité un projet de résolution américain imposant de nouvelles sanctions à la Corée du Nord en représailles à ses multiples tirs de missiles balistiques depuis le début de l'année.

L'obligation faite aux membres permanents du Conseil de sécurité de venir expliquer leur recours au veto devant l'Assemblée générale de l'ONU a été instituée par une résolution adoptée par cette instance le 26 avril à l'initiative du Liechtenstein.

Depuis le premier veto jamais utilisé (par l'Union soviétique en 1946 sur le dossier syrien et libanais), la Russie y a recouru 144 fois, loin devant les Etats-Unis (86 fois), le Royaume-Uni (30 fois), la Chine (19 fois) et la France (18 fois).

>> Les explications dans La Matinale :

La salle du Conseil de sécurité de l'ONU. [Keystone - Alessandro della Valle]Keystone - Alessandro della Valle
L'Assemblée générale de l'ONU a demandé aux utilisateurs d'un veto au Conseil de sécurité de venir l'expliquer / La Matinale / 1 min. / le 9 juin 2022