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"L'ambiance est merdique": fatigué et démoralisé, le personnel de Swiss est à bout

Le personnel de la compagnie aérienne Swiss est ulcéré par le management de la direction. Témoignage édifiant d’un steward
Le personnel de la compagnie aérienne Swiss est ulcéré par le management de la direction. Témoignage édifiant d’un steward / 19h30 / 3 min. / le 9 mai 2022
A la faveur du relâchement des règles anti-Covid, Swiss redécolle. Mais entre la direction et le personnel, le courant ne passe plus. Fatigués et démoralisés, de nombreux employés se plaignent des mauvaises conditions de travail. La compagnie a décidé de prendre des mesures et garantit que la sécurité est assurée.

Ces derniers mois, l’atmosphère s’est fortement détériorée dans les cabines de Swiss. Alors que le secteur aérien reprend de la vigueur après la pandémie de Covid-19, le personnel navigant se dit fatigué.

Au point que, à la fin avril, la compagnie aérienne a été contrainte par deux fois d’annuler des vols entre São Paulo et Buenos Aires par manque de personnel. L’ensemble de l’équipage de cabine s’était déclaré malade.

L’an dernier, pour faire face à la crise, Swiss a licencié près de 10% de son personnel navigant. Aujourd’hui, les vols reprennent et la charge de travail se répartit sur l’effectif restant. Pour faire part de leur mécontentement et dénoncer la pression qu’ils et elles subissent, les stewards et les hôtesses de l’air de la compagnie arborent depuis plusieurs semaines un pin’s en forme de citron.

On ne fait pas remarquer aux passagers que nous allons mal

Martin, steward chez Swiss

"L’ambiance, il faut bien le dire, est merdique, confie lundi dans le 19h30 Martin, un steward alémanique qui préfère rester anonyme. Le sujet est abordé à chaque vol. On se plaint de la direction, on se plaint de nos conditions de travail et beaucoup disent qu’ils n’en peuvent plus. Mais dès que les portes de l’avion se ferment, on fait notre job. On ne fait pas remarquer aux passagers que nous allons mal."

La sécurité des vols menacée?

Pour lui, néanmoins, l’épuisement des équipes de cabine menace la sécurité des vols. Le steward raconte à titre d’exemple une anecdote qui est arrivée à l’un de ses collègues: "Après une courte pause à Los Angeles, il se tenait devant la machine à café en classe affaires. Il y avait deux boutons, un pour le café et un pour l’eau chaude. Il a dû réfléchir pendant dix secondes pour savoir lequel il devait presser."

Nous prenons des mesures de manière à ce que la sécurité des vols soit garantie en permanence

Oliver Buchhofer, directeur de l'exploitation de Swiss

"A ce moment, il était juste content que ce ne soit qu’une machine à café et pas la procédure d’urgence d’ouverture des portes pour l’évacuation des passagers”, souligne Martin. L’employé a ensuite rapporté cet incident à sa hiérarchie.

Pour la direction de Swiss, les passagers peuvent continuer de prendre l’avion en toute sécurité. “Nous prenons des mesures de manière à ce que la sécurité des vols soit garantie en permanence et que chacun de nos collaborateurs, en particulier dans les domaines critiques pour la sécurité, puisse à tout moment se retirer du service s’il n’est pas apte à voler. C’est un droit, mais aussi un devoir”, affirme Oliver Buchhofer, directeur de l’exploitation de Swiss.

Des soupçons sur certains arrêts maladie

Dans une circulaire interne datée du 30 mars, que la RTS s'est procurée, la compagnie aérienne soupçonne pourtant certains collaborateurs d’abuser de ce droit. Tout en reconnaissant que la grande majorité des employés et employées qui s’annoncent malades "sont réellement malades ou pas en forme pour voler", la direction dit "constater malheureusement qu’il y a de plus en plus d’absences de courte durée d’une minorité du personnel de cabine qui présentent un motif difficilement explicable".

"Les équipages étaient furieux. Ca montre simplement qu’on ne nous fait pas confiance", réagit Martin. Et cette rupture de confiance avec la direction ne touche pas seulement le personnel de cabine, mais aussi le personnel au sol, qui a vu 20% de ses effectifs être licenciés durant la pandémie.

"La compagnie a certes atteint ses objectifs financiers, mais il manque du personnel. Cela signifie que des erreurs stratégiques ont été commises", critique Philipp Hadorn, président du syndicat SEV-GATA.

Swiss prend des mesures

Par la voix d’Oliver Buchhofer, la direction se dit consciente des "conditions actuelles très contraignantes" qui pèsent sur ses collaborateurs et affirme "mettre en oeuvre des mesures où nous pouvons le faire".

Swiss vient par ailleurs de verser des primes de remerciement à ses employés et a repris les embauches. De plus, pour soulager le personnel surchargé, la compagnie a prévu de renoncer à 10% de ses vols cet été, surtout des long-courriers.

Pour Martin, toutefois, le mal est fait. Le steward a décidé de quitter la profession, au plus tard d’ici un an.

>> L'interview dans Forum de Sandrine Nikolic-Fuss, présidente du syndicat Kapers :

Les employés de la compagnie aérienne Swiss fatigués: interview de Sandrine Nikolic-Fuss
Les employés de la compagnie aérienne Swiss fatigués: interview de Sandrine Nikolic-Fuss / Forum / 6 min. / le 10 mai 2022

Julien Guillaume et Didier Kottelat

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