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Le streaming doit-il être forcé de soutenir le cinéma suisse?

Une personne visionne Netflix depuis son ordinateur. [Keystone - Christian Beutler]
Une personne visionne Netflix depuis son ordinateur. - [Keystone - Christian Beutler]
Netflix et les plateformes de streaming pourraient être contraintes de soutenir financièrement le cinéma suisse. Mais la nouvelle loi, attaquée par la droite, est sur le balan, selon les sondages. Le peuple tranchera le 15 mai.

Aujourd'hui, les films et les séries sont de plus en plus regardés en ligne. Les services de streaming laissent toutefois peu de place aux productions indigènes qui ont du mal à accéder au marché international.

Les pays voisins ont déjà pris des mesures pour obliger Netflix, Disney+, Blue, ou encore Amazon et HBO à investir dans la production cinématographique locale. La France demande 26% et l'Italie 20%.

La Suisse ne connaît actuellement pas de système similaire. Cela doit changer, estiment les partisans de la nouvelle loi sur le cinéma. Les chaînes de télévision helvétiques et les plateformes doivent être mises sur pied d'égalité.

>> Voir aussi les explications de Rouven Gueissaz :

Les explications de Rouven Gueissaz sur la lex Netflix
Les explications de Rouven Gueissaz sur la Lex Netflix / L'actu en vidéo / 3 min. / le 29 avril 2022

Investissement de 4%

Les services de streaming et les grandes chaînes de télévision étrangères, comme TF1 ou M6, qui diffusent des publicités spécifiques à la Suisse, devront affecter 4% de leurs recettes brutes réalisées en Suisse au secteur cinématographique. "Ce que nous proposons de faire est tout à fait raisonnable", estime le conseiller fédéral en charge de la Culture Alain Berset.

Aujourd'hui, le consommateur finance, avec son abonnement aux plateformes étrangères, le cinéma européen sans soutenir les cinéastes suisses et l'économie locale. Les plateformes font d'immenses profits en Suisse, sans réinjecter un centime dans notre économie, estiment les partisans du projet.

La nouvelle loi garantit qu'une partie du chiffre d'affaires reste en Suisse, assure Alain Berset. Une taxe de remplacement est prévue pour ceux qui ne veulent pas se soumettre à cette obligation.

Encore plus cher

Pour les partis de jeunes du PLR, de l'UDC et du PVL, à l'origine du référendum, cet investissement équivaut à un impôt extraordinaire. Les producteurs répercuteront les frais sur les consommateurs.

Alors que les Suisses paient déjà les abonnements les plus chers, les prix augmenteront, critiquent les référendaires. "C'est injuste - surtout pour les jeunes générations." Les abonnements n'ont pas augmenté dans les pays ayant introduit une obligation d'investissement, rétorquent les partisans.

Soutenir la production européenne

Le projet impose aussi qu'au moins 30% de la programmation soit dédiée à des films européens. Un quota que certains services de vidéo à la demande ne pourront jamais atteindre, avance le comité référendaire. "Les plateformes ont déjà atteint cet objectif. Les chaînes de télévision atteignent même 50%", leur rétorque Alain Berset.

En Suisse, ces prestataires pourront acheter un film déjà sur le marché, participer à une production ou commander un tournage dont ils ont eu l'idée. Les films pourront être produits en tant que films suisses ou coproduits avec d'autres pays.

Liberté entravée

Pour les référendaires, l'Etat entend imposer des oeuvres dont les clients des plateformes ne veulent pas. Chacun devrait être libre de décider ce qu'il veut regarder ou non. Le projet passe complètement à côté des besoins des consommateurs, selon eux.

Le quota représente une discrimination à l'égard des producteurs de pays hors de l'UE, dont les films, appréciés en Suisse, seront retirés des catalogues, affirment-ils. "C'est aberrant et contraire à la liberté", reprochent encore les opposants, soutenus par l'UDC et l'Union suisse des arts et métiers. L'octroi du soutien devrait se baser sur la qualité des films et non sur leur provenance.

Succès

Les partisans soulignent pour leur part le succès de "La Casa de Papel" ("La Maison de papier") après son rachat par Netflix ou de la série française "Lupin". Les séries européennes sont regardées. L'intérêt du consommateur est là.

La branche cinématographique suisse produit des films et des séries de haute qualité et concurrentiels à l'échelle internationale. Mais, si aucun film suisse n'est disponible sur Netflix, personne ne les regarde, arguent les partisans, soutenus par les milieux du cinéma, la gauche, les Vert'libéraux et le Centre. Le PLR est divisé.

18 millions

La création cinématographique indépendante devrait bénéficier d'un montant supplémentaire de 18 millions par an, selon les estimations. La part des plateformes devrait s'élever à 7,6 millions. Le soutien actuel des pouvoirs publics et de la SSR s'élève à environ 120 millions de francs par an.

ats/vkiss

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