Résident suisse, l'oligarque Andreï Melnichenko pourrait s'être réfugié sur un yacht aux Maldives

L'oligarque russe Andreï Melnichenko fait partie des dix plus grandes fortunes de Suisse. Considéré comme un proche de Vladimir Poutine, il est visé par les sanctions européennes. Elles ont été reprises par la Suisse, mais avec un délai de sept jours qui pose question. Car entre-temps, l'homme a disparu de Suisse. L'émission Mise au Point a tenté de le retrouver.

Au premier jour de la guerre en Ukraine, Vladimir Poutine convoquait une trentaine d'oligarques au Kremlin. Ces milliardaires, chefs d’entreprises, industriels ou riches investisseurs, étaient alors réunis pour soutenir le président.

Parmi eux, Andreï Melnichenko. Cet oligarque russe vit dans les Grisons, à St-Moritz, à la tête d'une fortune estimée à 19,8 milliards de dollars en 2021 par le magazine Forbes, soit la 95e fortune mondiale. Il est l'actionnaire principal de deux entreprises qui ont leur siège à Zoug: Eurochem, leader mondial dans les fertilisants, et Suek AG, spécialisée dans le trading de charbon. Son épouse et lui forment par ailleurs un couple glamour de l'ultra-luxe.

Depuis le début du conflit, l'Union européenne l'accuse d’être un proche du président Poutine. Il a par conséquent été placé sur les listes de sanctions européennes.

Délai coupable de la Suisse?

Mais en Suisse, le milliardaire ne figurait pas sur les listes de sanctions helvétiques avant le mercredi 16 mars, soit deux semaines après le début de la guerre. Tandis qu'Andreï Melnichenko était sanctionné par l'UE depuis le 9 mars déjà. L'un de ses yachts, le plus grand voilier du monde, a notamment été bloqué à Trieste, en Italie, dès le 11 mars.

La Suisse a donc mis sept jours pour suivre l'UE. Sept jours supplémentaires "offerts" à cet oligarque pour sortir son argent et vendre ses actions avant que tout ne soit bloqué. L'oligarque a ainsi eu tout loisir de se retirer de ses deux entreprises dès le 9 mars.

Contacté à plusieurs reprises, le SECO n'a pas donné d'explications au sujet de ce délai de sept jours.

>> Lire à ce sujet : Des oligarques russes échappent encore aux sanctions en Suisse

Une centaine de personnes à leur service

Interpellée lundi 14 mars à ce sujet, la ministre de la Justice Karin Keller-Sutter a répondu ne pas connaître Melnichenko. Elle a également affirmé que la Suisse avait repris la liste européenne de sanctions et qu'aucun résident russe en Suisse n'y était mentionné.

Les propos de la conseillère fédérale sont toutefois contredits par les autorités communales de St-Moritz et du canton des Grisons. Le service des habitants confirme qu'Andreï Melnichenko et sa femme vivent dans la prestigieuse station, dans un luxueux chalet qui domine le village. Sur place, les volets sont fermés et personne ne répond à la porte du bâtiment qui abrite une piscine souterraine et d'innombrables chambres. Une employée de maison des voisins explique que le couple dispose de plusieurs maisons dans la région, et que leur staff compte près de 100 personnes.

Aux Maldives, loin des tourments

Une équipe de l'émission Mise au Point a cherché à retrouver l'oligarque. Plusieurs experts en aviation ont d'abord contribué à identifier son avion. Il possède très probablement un Boeing 737. L'immatriculation de l'appareil a changé à plusieurs reprises ces dernières années. L'erreur reste donc possible.

Le Boeing identifié était à Moscou fin février, soit juste au moment de la rencontre entre Vladimir Poutine et ses oligarques. L’avion est ensuite parti de Moscou le 25 février. Il a fait une escale rapide à Zurich, puis à Nice avant de revenir en Suisse. La balise de l’avion indique par la suite un déplacement vers Dubaï, où se trouve son deuxième yacht. Et ce bateau, d'une valeur de plusieurs centaines de millions de dollars, a quitté le port de Dubaï le 4 mars.

Tout indique donc que le couple Melnichenko se trouve sur ce bateau, qui vogue actuellement sur les eaux des Maldives, bien loin de la guerre et des sanctions. Le porte-parole de l'oligarque n'a cependant pas confirmé. Par courrier, il réfute par ailleurs tout lien de son employeur avec Vladimir Poutine.

Le communicant se limite à une déclaration: "Les événements en Ukraine sont tragiques. (…) Nous avons besoin de paix". Une communication qui évite d’utiliser le mot "guerre" et ne dénonce pas la politique du Kremlin.