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Le conflit ukrainien pousse à la réflexion autour de l'armée suisse

Devant le retour de la guerre en Europe, la politique de défense revient au centre des débats politiques en Suisse
Devant le retour de la guerre en Europe, la politique de défense revient au centre des débats politiques en Suisse / 19h30 / 2 min. / le 6 mars 2022
Le retour brutal sur sol européen de la guerre entre nations replace les enjeux de défense au coeur des débats politiques. En Suisse, des voix s'élèvent à droite pour augmenter le budget de l'armée en conséquence. Et à gauche aussi, on veut repenser la stratégie de défense.

Renforcer l'armée suisse face aux dangers qui se dessinent aux portes de l'Europe s'apparente à une "nécessité", estime la conseillère fédérale en charge de la Défense Viola Amherd. Interrogée dans la presse dominicale, elle souligne que "la sécurité ne va pas de soi et n'est pas gratuite" et se dit favorable à une augmentation, à long terme, du budget de l'armée de deux milliards de francs, soit une hausse des dépenses annuelles de 40%.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, de tels appels se multiplient. À droite, le PLR et l'UDC ont précisé les contours des mesures qu'ils préconisent en ce sens. Selon la NZZ am Sonntag, l'UDC veut acheter des gilets pare-balles pour tous les militaires, équiper les avions F/A-18 de munitions pour le combat terrestre et réaffecter les chars de combat inactifs.

>> Lire à ce propos : L'UDC exige davantage de moyens et 20'000 soldats supplémentaires pour l'armée suisse

Forcer l'achat des F-35

Le PLR demande pour sa part des armes lourdes et des chars de combat. Interrogé dimanche dans le 19h30, le conseiller national et vice-président du PLR Philippe Nantermod rappelle que la Suisse dépense actuellement 0,7% de son PIB pour la défense. "Dans l'OTAN, ils visent 2%, c'est trop élevé clairement. Mais on peut envisager une augmentation" en Suisse, dit-il.

Le président du parti Thierry Burkhart estime quant à lui que le maintien par la gauche de l'initiative contre l'achat d'avions de combat F-35 est une "erreur grave" en matière de politique de sécurité.

>> Lire : L'initiative sur les F-35 maintenue malgré l'appel de Viola Amherd

Le camp bourgeois souhaite forcer l'acquisition de ces 36 appareils, que l'initiative s'opposant à leur achat aboutisse ou pas, selon le Sonntagsblick. Le Parlement peut autoriser le Conseil fédéral à signer le contrat avant une nouvelle votation, indique le président de la commission de sécurité du Conseil national Mauro Tuena (UDC/ZH).

Question également présente au PS

Le nouveau contexte sécuritaire aux portes de l'Europe préoccupe aussi à gauche. Mais du côté du PS, on privilégie plutôt un renforcement de la coopération avec nos voisins européens. "L'Europe de la défense se développe, et nous devons nous amarrer à ce système avec des conditions qui respectent la neutralité", estime le conseiller national Pierre-Alain Fridez (PS/JU) dimanche dans le 19h30. "Nous ne devons jamais agresser quelqu'un. Mais nous défendre avec les autres, c'est une logique importante", poursuit-il.

Sa collègue de parti soleuroise Franziska Roth demande pour sa part que, dans le cadre des discussions à venir avec l'UE, le Conseil fédéral vise également la signature d'un accord de coopération en matière de politique de sécurité. Selon elle, la nouvelle situation est même une raison de pousser à une adhésion à l'UE.

Des tabous de longue date reviennent également sur la table, dont l'adhésion de la Suisse à l'OTAN. Il ne doit pas y avoir d'interdiction de penser, estime dimanche dans la NZZ am Sonntag Stefan Holenstein, président de la Conférence nationale des faîtières militaires. La neutralité armée fait certes partie de l'identité de la Suisse, mais une adhésion à l'OTAN pourrait être avantageuse pour sa sécurité, juge-t-il.

>> Lire à ce sujet : Damien Cottier: "Il n'y a pas de neutralité face à une agression militaire"

Changements de paradigmes?

Pour l'historien et spécialiste en stratégie militaire Bernard Wicht, ce retour des débats sur la politique de défense n'est pas une première en Suisse, qui a connu pareille situation lors des deux guerres mondiales. Mais la question avait presque disparu depuis la chute du mur de Berlin en 1989. Selon lui, il y a alors eu "une trop grande confiance dans le fait que l'économie et le capitalisme étaient les garants de la stabilité, et que seule l'économie compte."

La Suisse de 2022 devra donc sans doute prendre des décisions concernant ces nouveaux défis et sa politique de sécurité, dans un contexte où elle devra peut-être également clarifier sa posture de neutralité. Car la décision du Conseil fédéral, après plusieurs jours d'hésitation, de s'aligner sur les sanctions européennes a été très remarquée à l'international.

>> Voir aussi le Forum des médias dimanche autour de la question de la neutralité de la Suisse :

Forum des médias – La Suisse est-elle encore neutre?
Forum des médias – La Suisse est-elle encore neutre? / Forum / 18 min. / le 6 mars 2022

Pressions sur la Suisse

Pour Petros Mavromichalis, ambassadeur de l'Union européenne en Suisse, la Confédération "partage les valeurs" de l'Europe et elle l'a montré en appliquant les mêmes sanctions que l'UE. "Je n'avais pas de doutes sur le fait que la Suisse se rangerait du bon côté de l'Histoire", a-t-il souligné dimanche dans l'émission Forum de la RTS.

Quant à savoir si l'Union a indiqué à la Suisse ce qu'elle attendait d'elle, l'ambassadeur acquiesce: "Bien entendu, l'Union européenne l'a fait savoir et d'autres l'on fait savoir aussi".

Pour l'heure, "nous devons être alignés, car nous traversons un moment dramatique et existentiel pour la survie de la liberté et la démocratie en Europe. Tous les autres problèmes semblent mineurs à ce stade", estime-t-il.

>> L'interview complète de Petros Mavromichalis dans Forum :

Poutine menace de priver l’Ukraine de son statut d’État: interview de Petros Mavromichalis
Poutine menace de priver l’Ukraine de son statut d’État: interview de Petros Mavromichalis / Forum / 7 min. / le 6 mars 2022

Sujet TV: Hannah Schlaepfer, Olivier Kurth, Jessica Renaud, Séverine Ambrus

Texte web: jop avec ats

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